Chapitre 9 : Vivre ensemble et chacun de son côté.

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Niveau 1...

Bon, ben, niveau 1 ça veut dire ce que ça veut dire. La fatigue aidant, je remarque à peine des changements par rapport à hier. Je m'approche enfin de la base de l'enceinte du fortin quand une pierre lâche, me faisant basculer dans le vide. Alors que je criais inutilement de terreur, quelque chose attrape ma cheville et me tire vers le haut. La tête en bas, je vois défiler la muraille rocheuse à toute allure à quelques dizaines de centimètres de mon visage et n'arrête pas de hurler pour autant.

Quand la poigne disparue de ma cheville, je venais de passer par-dessus le niveau de la muraille et continuait à monter en cloche.

Pendant une seconde, je vois une espèce de village à moitié en ruine à l'intérieur de l'enceinte.

Puis la gravité se rappelle à mon bon souvenir et me fait m'écraser sur un toit de chaume.

Plus précisément, à travers un toit de chaume.

Bien entretenu, un toit de chaume fourni un abri parfait des éléments en plus de bien garder la chaleur en hiver. Je suis tombé sur le toit le dos en premier et je n'arrive pas à avoir une prise pour me redresser, ayant les mains et les pieds en-dehors du toit et les fesses dans le grenier. Après m'être agité un peu, je réfléchis.

Si je monte sur le toit, il faudra encore redescendre au sol et je n'ai pas la moindre idée de la taille du bâtiment.

Dans une maison, il y a des escaliers.

Me contorsionnant, j'arrive à passer le bras droit à l'intérieur de la maison et pousse aussi fort que je peut. La tête finit par ressortir du côté du grenier et je respire à plein poumon. Ça sent la poussière et le manque d'entretien mais c'est un parfum de rose à côté du vieux chaume pourri. Je continue de pousser et finit par avoir le deuxième bras qui passe par l'ouverture. Mon corps descend brutalement, restant bloqué dans le toit au niveau des genoux.

La tête à l'envers, je jauge la situation. En tendant les bras, je dois être à cinq centimètres du plancher.

Aucun problème si je tombe de cette hauteur.

Mais comment savoir quand est-ce que...

CRAK

J'ai mal à la tête.

Le bois du plancher est vieux mais pas vermoulu pour autant. Ça fait autant de bien qu'un coup de trique.

Me frottant le sommet du crâne où une bosse commence à pointer, je regarde autour de moi. Je suis dans un grenier bien aéré à présent qu'un trou béant se trouve au plafond. Il y a une fenêtre condamnée placée sur la paroi à ma gauche et le plancher continue encore sur plusieurs mètres à ma droite. Sorti de là, le grenier est vide. A quatre pattes, je commence à chercher l'échelle quand je remarque quelque chose.

Quelque chose qui m'a remarqué depuis un bout de temps.

Dépassant d'une trappe, une paire d'oreilles frétillantes surplombe des cheveux poivre et sel et des yeux rieurs.

Je ne l'ai pas entendu venir. Il faut dire aussi que j'étais trop occupé à me dégager du toit.

-Salut gamin ~! Ça roule ~ ?

L'homme finit ses phrases de façon bizarre, comme s'il s'amusait d'une blague et se retient de pouffer de rire. J'ai déjà entendu ce genre de façon de parler par les amuseurs des cirques itinérants. Ce qui ne me rassure pas le moins du monde.

-Heu... Oui, ça va... Merci de votre inquiétude.

Le public ne dit rien et patiente.

-C'est votre maison ?

Les oreilles pivotent en tout sens et les yeux se firent encore plus rieurs.

-Oui ~ . C'est pas sympa pour mon toit ~ .

Ok, je vois à qui j'ai affaire.

-C'est vous le trappeur qui vient de temps en temps faire affaire à Haute-côte ?

Pivotement d'oreilles, yeux, instant de réflexion.

-Oui ~ .

-J'ai une bouteille d'alcool de sa part.

-Oh ~ . C'est gentil de la part de ce vieux...

-Ron.

-Ron, oui ~ … Si gentil et si calme ~...

-Bon, on arrête les plaisanteries ? Je voudrais rejoindre le sol...

L'inconnu poussa un rire qui tenait du rugissement avant de se laisser glisser au bas de l'échelle.

-Tu me plais gamin ~ . Viens, je te fait visiter ~.

L'inconnu a un nom. Hank. Ce qui ne veut rien dire vu que c'est un Hyo.

Les Hyo sont un peuple dont le totem est celui du tigre mais il regroupe des individus tenant aussi du guépard et de tous les félins qu'on ne laisserait jamais s'installer sur ses genoux de son plein gré. Ils vivent d'habitude plus près du côté levant, aimant la chaleur et c'est la première fois que j'en vois un. Mais comme tous les Kitsune, j'ai appris à me méfier d'eux.

Ils sont de plus gros menteurs que nous.

Si un Kitsune est un roublard, un Hyo est un multirécidiviste.

Ils adorent monter des combines, tromper les gens, voir même arnaquer leur propre famille. Ils font les couples les plus soudés et les familles les plus chaotiques qui soient sur l'anneau.

Hank tient du tigre et, comme son totem, c'est un colosse. Plus de deux mètres de haut et des bras comme des jambons. Mais il a aussi pris un peu d'embonpoint avec les années et, malgré sa musculature effrayante, il n'a pas l'air dangereux dans son tablier de cuir par-dessus son pourpoint de laine. En plus des cheveux épais il a une grosse moustache et une barbe bien taillée. Il doit avoir plus de cinquante ans vu les rides autour des yeux mais donne une impression de force tranquille presque rassurante.

Presque.

Avoir un guide Hyo est un cauchemar vu qu'il est ravi de vous voir vous casser la figure dans tous les trous du sentier.

Si au moins il voulait bien me dire comment j'ai fini dans le toit... Ça le fait rire, l'animal...

-Alors, qu'est ce qui t'amènes à Fort Briseur ~ ?

-Je veut m'y installer.

-Ohhooooo ~ Une fille enceinte, un vol, un meurtre ~ ?

-Ils voulaient faire de moi un prêtre.

Pas vraiment un mensonge après tout. L'argument a dû faire mouche vu le hurlement de rire qui l'accompagne. Je me serai passé de la bourrade quand même. Massant mon épaule en cherchant à lui faire reprendre vie, je me laisse guider au sein des passages étroits entre les bâtiments jusqu'à une vaste cour.

La plupart des constructions que j'ai vues jusqu'à présent ont un voir deux étages en plus du rez-de-chaussée et ont des toits de tuiles. Les toits de chaume comme celui que j'ai défoncé sont rares et j'ai donc eu de la chance dans mon malheur. Les maisons sont en briques rouge et les petites réserves étaient faites de blocs de pierre empilés. L'absence de beaucoup de portes et de volets donnait à l'ensemble un air abandonné.

-On est sur la place d'armes ~ . C'est ici que les soldats s'entraînaient dans le temps ~ . A l'intérieur des murs le fort fait environ trois cent mètres sur trois cent mètres, pas vraiment d'la place forte ~ . Plus un côté... chaleureux je dirai ~ ! La plupart des maisons encore habitables sont du côté de la porte d'entrée ~ . Les maisons près du manoir sont tout en bois et étaient déjà pourries quand on est arrivés et elles ont fini en bois de chauffage ~ . Le manoir, c'est ça, là-bas ~ .

Il faut être un Hyo pour appeler ça un manoir...

C'est la première fois que je vois un château pour de vrai mais c'en est un, clairement. Il doit avoir au moins quatre étages, a sa propre muraille qui le coupe du reste du fortin et a l'air franchement lugubre. Avec les débris des maisons de bois qui ont plus ou moins disparues à présent, on a franchement l'impression que le château est coupé du reste du fortin.

-Il n'y a qu'une personne qui vit dedans ~. On lui laisse la place ~ . Et avec plaisir ~ .

Il n'a pas l'air de plaisanter. Et je le comprends.

Le reste de la visite fut vers le côté levant où se trouve la porte. Il y a une ou deux maisons habitées sur le chemin et je comprends vite pourquoi c'est à l'entrée que se trouve la plupart des habitants. Le fortin est petit mais son concepteur devait être un génie de l’ingénierie militaire. En plus du pont-levis qui se trouve à l'entrée du fortin il y a un deuxième pont-levis à l'intérieur même des murs ! La personne qui parvient donc à forcer la porte principale se trouve face à un fossé en forme de demi-cercle avec un pont relevé devant lui et un bâtiment massif, arrondi et truffé de postes de tir pour archers en guise de seul horizon. Un abattoir.

La structure a bien tenu le poids des ans, étant renforcée pour résister à des catapultes. Le bâtiment en forme de demi-cercle abrite donc les trappeurs sur le côté Avancé et les ateliers sur le côté Retour. Aucun des trappeurs n'est présent, tous rôdant à la recherche de gibiers. Le bâtiment sent la bête et les peaux en train d'être préparées et je ne m'aventure pas plus loin que l'entrée. Le côté atelier, lui, est garni de machines pour travailler le bois ainsi que d'une forge en parfait état de fonctionnement.

-Wow. Vous êtes bien équipés !

Vu l'air triomphal de Hank, ce devait être son domaine.

-Merci, p'tit ~ . Tu sait faire quoi ~ ?

-J'ai jamais travaillé dans la menuiserie, donc je peut pas faire grand-chose ici...

-Tu piges pas vite, p'tit ~ .

Il ne s'agit pas d'un village. Plus d'un refuge. Le seigneur Inu à qui appartenait le fortin est mort à la guerre et ses héritiers l'ont vendu au plus offrant. A savoir, Hank, quasiment la seule personne intéressée. Il cherchait un endroit paisible où vivre tranquille. Les trappeurs vivaient déjà là et se sont bien entendus avec leur nouveau propriétaire, une relation symbiotique émergeant entre un artisan capable de réparer leur matériel et des chasseurs amenant de la viande.

Avec le temps, d'autres personnes sont venues. Des exclus, parias, fuyards... que Hank a accepté à condition qu'ils aient un talent utile pour la petite communauté.

Les Briseurs n'étaient pas regardant mais n'aimaient pas les bouches inutiles.

Plutôt crever que dire que je suis bon dans les cultes, je n'ai aucune envie de devenir prêtre ici.

Qui dit ferme dit Kitsune.

Merci, très chère réputation !

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