Chapitre 11 : Relations de bon voisinage.

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Ce n'est pas que je ne l'ai pas vu.

Je ne l'ai pas senti.

Pas entendu.

Pas remarqué.

Jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche, il était pour ainsi dire une extension de la chaise.

A présent il se tient dans mon salon, habillé d'habits de chasse en cuir, d'un chapeau à large bords, d'une cagoule noir et de gants de la même couleur.

Non.

Sa peau est noire. Pas bronzée mais d'un noir aussi profond que la suie.

Un Kokujin.

Je n'en ai encore jamais vu et pour cause ! C'est un des clans les plus mystérieux d'Ichimono, accueillants mais regroupés dans des endroits presque impossibles d'accès, vivant coupés du monde mais participant massivement dans des batailles décisives, ne se mêlant pas des affaires des autres clans mais les prévenant de possibles catastrophes. Ils ont pour animal totem la panthère noire et sont un des clans les plus homogènes physiquement. Raison pour laquelle ils se couvrent le corps de tatouages rituels personnalisés, tatouages dont je soupçonne le début aux poignets de cet homme mais je ne suis pas pressé de voir le reste.

Maintenant que mon cœur est revenu à un rythme supportable pour le reste de mon organisme, mon cerveau m'envoie l'information suivante : le fortin Briseur est-il oui ou non un endroit reclus et dur d'accès ?

Oui.

Pourquoi s'étonner d'y croiser un Kokujin alors ?

-Heu... Bonjour ?

-Bonssoiiir.

Ses mots avaient tendance à s'allonger, lui donnant des airs de prédateur. L'homme est assez âgé vu les mèches de cheveux blancs qui tombent sur ses épaules. Le visage est lisse, glabre mais les yeux sombre brillent d'une intensité inquiétante.

-Il paraaiiit que Pietrooo le braillaaaard t'as laissé quelque chose pour moiii ?

-Hein ? Heu...

La bouteille d'eau de vie !

-Un instant !

Je fonce dans la graineterie et ramène la bouteille. Il me la prends des mains, la soupèse et l'observe sous tous les angles avant de la mettre dans une poche, sans l'ouvrir.

-Meeerccciii. Alors ? Tu te plait parmiii nouuusss ?

-Heu... oui, merci.

-Salleee affaaaaiiiire. Cette explosion de mannaaaa.

-Hein ? Heu, je veux dire, ça c'est vu jusqu'ici ?

-Nooonnnn. Mais elle était puissante, heeeiiin ? Tu dois le savoooiiiir vu que tu étais au milliiieeeeuuu.

Comment il peut le savoir ? Pietro lui l'a dit ? Mais quand !? Je suis un Kitsune donc habitué à rester imperturbable quand l'autre essaye de deviner mes cartes mais ce Kokujin donne la très désagréable impression de regarder à travers moi.

-Ne dis riieeennn. Ce ne serait qu'un mensssoonnnggge. Et j'ai déjà Hank pour çaaaa.

Je garde le silence.

-Tout ton corps est encore imprégné de mannaaaa corrommpppuuuu. Rarement vu autant sur une personne encoorree en viiiieeee.

Comme tous les gamins, j'ai entendu des histoires flippantes à propos des shamans Kokujins. J'aurai dû me douter qu'il y avait une part de vérité dans toutes ces horreurs.

-Vous... vous... voulez quoi ?

-Te souhaiter la bienvenuuuue. Pour le mannaaa n'ai pas peuurrrr. Je le voit paaartiiir. Il ne tient paaaassss sur les Yukkiiimmiiimmiii... Du moins, ceux encoooorree vivvaaaaannnttt.

Voila qui me rassure. Ça doit se voir sur mon visage vu son sourire.

Belles dents.

Glups.

-Je t'ai amenéééé un matelas en paillleee. Un oreiller en pluuuummmes. Et quelques draaaaps. Les nuiitts sont fraiches. N'oublie pas de mangeeeerrrr.

Le repas ! Vu qu'il est en train de refroidir, je mets vite fait quelques morceaux de viande dans la bouche avant de les mâcher. La texture n'est pas géniale et c'est un peu filandreux mais pour un estomac vide, c'est un régal. Ramenant mon regard vers la chaise devant moi.

Vide.

-Bonne nuiiiittt. Au fait, je suis Sham Koootttt.

Ça venait de la porte d'entrée mais le temps que j'y aille il avait disparu.

Les trappeurs travaillent ordinairement avec des arcs et des flèches mais lui doit juste marcher vers l'animal et le tuer d'une crise cardiaque en criant « bouh ».

Ma première nuit dans mon premier lit rien qu'à moi fut agréable. Probablement parce que j'étai si fatigué que j'aurai pu dormir sur des pierres. Je me suis réveillé frais, dispo et presque pas ankylosé. Il est temps de chercher le petit déjeuner mais avant il faut que je vois avec Hank si je pouvais avoir quelque chose dans mon garde-manger.

-Tu travailles pas, tu mange pas ~ !

Et il touille en même temps, le bourreau !

-Je viens à peine d'arriver et il y a rien à manger dans l'herboristerie !

-Il y a des plantes ~ ?

-Y va me falloir un temps pas possible pour faire le tri dedans !

-Har har har ~ !

Essuyant les larmes de rire au coin des yeux, il mets une grosse louche de sa tambouille dans une petite casserole dont il ficèle le couvercle et coince une cuillère entre la corde et le métal.

-Tiens ~ !

-Merci !

-C'est pas pour toi ~ ! Tu livres et je te donne à manger ~ …

Il m'expliqua un peu après qu'il comprend la situation et veut bien me filer des petits boulots en attendant que je démarre. Mon boulot sera de fournir la petite communauté en aromates et herbes médicinales. Il en pousse peu dans les environs et ils seront ravis d'envoyer bouler les marchands qui leur demandent des prix excessifs, profitant de l'isolement du fortin.

Le travail du jour consiste à ramener son repas à la sentinelle du groupe. Tout ce que Hank m'a dit, c'est que c'est une personne dotée de sens très affûtés qui passe le plus clair de son temps au sommet de la plus haute tour de guet pour avoir un œil sur les environs.

Aucun monstre n'a échappé à sa vigilance pour le moment.

Il y a une des tours qui s'est éboulée, celle placée à gauche du côté porte. La tour la plus grande est celle à droite du manoir. En fait, elle est juste à côté de chez moi mais je ne peut pas y accéder depuis le sol, la porte d'accès se trouvant au niveau du chemin de ronde passant au sommet de la muraille.

Ce qui me permet de voir pour la première fois de l'autre côté du fortin.

Hélas, j'ai le repas chaud dans les mains et je doit me dépêcher. Je pourrai bien le mettre dans l'Inventaire mais je ne sait pas si ça change le goût ou retire toute la chaleur, donc, j'évite.

Le mur d'enceinte est en bon état et des créneaux plus grand que moi dépassent régulièrement du muret déjà plus haut que mes hanches. Le chemin de ronde fait plus de deux mètres de large et c'est tant mieux vu que la plupart du temps il n'y a aucun garde-fou du côté intérieur de la forteresse. Tout ce que je vois à ma droite c'est de la forêt mais je préfère me concentrer sur là où je mets les pieds vu que je suis plus haut que la plupart des toits.

La tour est en assez bon état. J'ignore combien d'étages elle fait mais il y a régulièrement des portes menant à des pièces dont j'ignore le contenu vu que tout est fermé à clé.

Pas que je sois atrocement curieux, mais Hank n'a pas précisé à quelle hauteur se trouvait la vigie.

J'espère que ce n'est pas tout au sommet.

J'ai beau être en forme, escalader ces escaliers interminables, étroits et serpentant à l'intérieur de la tour commence à me taper sérieusement dans les jambes pendant que la casserole donne l'impression d'avoir triplé de poids. Je n'ai jamais monté autant de marches et je suis surpris de l'endurance que ça demande. Je finit par tomber sur des escaliers éboulés et sur une porte ouverte. Ce doit être là.

La pièce me coupe le souffle, pourtant déjà bien court après l'ascension.

Il y a au milieu de la pièce une table avec un tabouret orienté pour voir à travers la fenêtre.

Une fenêtre grande taille. La mère de toutes les fenêtres.

On peut voir à 180 degrés, les piliers métalliques supportant régulièrement le linteau en pierre étant fins et peu nombreux. Pas de verre ou de cadre en bois, juste une grande ouverture de deux mètres de haut dans le mur.

Heureusement que je n'ai pas le vertige.

Même sans le vertige, j'avance doucement pour poser la casserole sur la table et ne me risque pas plus loin.

Vu l'orientation de la tour, je dois voir de l'autre côté du fortin, vers le côté Avancé Levant. Il y a là une énorme forêt avec une chaîne montagneuse sur son côté couchant. Le fortin semble être situé en fait à l'endroit où la montagne commence. Si je regarde sur ma droite, je vois que la grande forêt est interrompue par un ensemble de petits pics rocheux inexpugnables, ne laissant que quelques cols de libres vers une autre forêt un peu moins dense.

Pas de vigie.

- Héhoooo ! J'ai ramené le repas ! Venez le manger tant que c'est encore chaud !

J'ai déjà vu deux des numéros habitant ici et me doute bien que la sentinelle doit aussi être particulière pour passer sa vie dans un endroit pareil.

Je redescends les marches rapidement, poussé par la faim et la promesse du repas gratuit.

Sur les remparts, je regarde un peu mieux les environs. Côté Avancé, il y a la montagne et la grosse forêt. Côté Retour, il y a une autre forêt plus clairsemée et finissant en collines boisées au loin. C'est côté Levant qu'il y a quelque chose d'intéressant de l'autre côté du massif forestier.

Une ville !

C'est un peu loin mais je vois les remparts, la mosaïque de petites maisons autour des mêmes remparts et la fumée qui sort des cheminées.

Je suis allé rarement à la ville près de Haute-côte mais c'est un gros village comparé à ce bourg ! J'ai très envie d'aller voir comment c'est mais je me rappelle vite fait que je dois faire profil bas. La mort dans l'âme, je reprends la marche.

Je passe la matinée à bosser avec Hank. Il y a quand même quelques éléments de cassés chez moi, comme par exemple la serre. Du coup, je l'ai aidé à faire les planches ainsi que les manches des outils de jardinage ayant pourris. Pour sauver les parties métalliques, ce sera plus dur, la rouille ayant fait son office. Il le fera cet après-midi, le temps que la forge monte en température.

- Tu travailles pas, tu manges pas ~ !

L'enflure a prétexté que, vu que le matériel finirait dans mes poches, il faut quand même que je fasse un extra pour mériter mon repas de midi.

Ce coup-ci, c'est au tour du repas du locataire du manoir. Hank m'a dit qu'il serait facile à trouver malgré la taille du bâtiment mais on parle d'un Hyo.

Tout ce que j'espère c'est que le repas ne sera pas froid d'ici là.

Je pénètre dans le manoir par la porte principale entrebâillée.

J'ai froid dans le dos.

Il y a des tentures miteuses accrochées un peu partout, toutes les fenêtres sont couvertes ce qui plonge la pièce dans la pénombre.

Et la décoration...

Dès que l'on passe la porte d'entrée on est frappé par la vue de tout ces ossements. Pas laissés au sol comme des reliefs de repas de fête, non.

Attachés par des lanières de cuir, ils forment des objets d'apparence fragile, malsaine et sont disposés un peu partout comme un musée des horreurs. Ils ne reproduisent pas des squelettes de créature connues pour ceux organisés comme des organismes.

Enfin, si, on les croise dans nos cauchemars les plus imaginatifs.

Des crânes de sangliers ornent les bords de l'escalier de pierre montant à l'étage.

Il n'y a qu'à suivre les crânes d'animaux pour trouver le locataire. Il n'y a qu'un seul chemin.

Je le soupçonne d'avoir dissimulées toutes les autres portes derrière les tentures.

Heureusement, il semble habiter au premier étage et pas loin de l'escalier.

Je n'aurai pas tenu beaucoup plus longtemps le regard vide et fixe de tout ces crânes hideux.

Je frappe à la porte doucement.

- Heu... Bonjour ? C'est le repas...

Pas de réponse.

D'un autre côté, je suis pas sûr d'avoir aimé en entendre une.

Je frappe à nouveau, plus fort. Toujours rien. La porte n'est pas verrouillée... J'ouvre la porte doucement et entre dans la pièce.

L'ouvrir doucement était une erreur. Elle grince abominablement.

C'est une bibliothèque.

Enfin, c'en était une.

Maintenant, c'est un lieu de culte au démon.

L'énorme pentagramme au sol, les bougies noires coulantes, le grimoire ouvert posé sur un piédestal fait en ossements...

Je fait un pas en arrière.

Et bute contre le propriétaire des lieux.

-† Vous apportez donc l'offrande pour apaiser le monstre qui me tord les entrailles ? †

Je fait un bond et manque de lancer la casserole à la tête de la personne qui parle comme une crypte.

Si un endroit fait pour accueillir les morts avait une voix, ce serait celle-ci. De la glace crissant contre de la pierre.

L'être, plus grand que moi, est habillé d'une longue robe crasseuse et sa tête est un crâne nu, allongé, fin et doté de deux grandes cornes arrondies.

Vu la faible lumière ambiante, impossible de voir ses yeux ou quelle que partie de son corps. Étant donné la hauteur de la voix éraillée, il s'agit d'une femme mais ça ne me rassure pas.

- † Esclave de ton corps de chair et de sang, pose ton offrande sur l'autel dédié † !

Elle désigne une petite table avec un tabouret dans un coin. Sans quitter la sorcière des yeux, je me glisse jusque là-bas et dépose le repas.

- † Que désire tu de la part de la servante des ténèbres † ?

-Heu, rien merci !

- † Absurdité ! Tout le monde a une part de désir ! Un philtre ? Une malédiction † ?

- Rien !

- † Kuhuhuhuhuuuu † !

Un pas après l'autre, elle s'approche de moi. Des ailes de cuir dotées de griffes aux articulations se déploient lentement dans son dos.

- † Alors... tu es mon... sacrifice † ?

Je décampe en quatrième vitesse, contournant la folle aussi vite que je le peut et dégringolant plus que descendant l'escalier. Son rire démoniaque m'accompagna jusqu'au milieu de la place et je ne m'arrêtai de courir qu'une fois la porte de l'atelier de Hank verrouillée derrière moi.

- Je vois que ça s'est bien passé ~ .

- Hank ! Le... le manoir... Elle... démon... je...

- Elle est totalement inoffensive ~ .

- C'est un putain de démon !

Et il rit, l'animal !

- Je lui dirai ~ ! Ça lui fera plaisir ~ !

- Mais on est tous en danger ! Les démons veulent tout détruire, pourquoi vous en avez un dans le fortin ?!

- C'est pas une démone ~ . C'est une Komori ~ .

Je reste silencieux et immobile quelques secondes, le temps que mon cerveau fasse mijoter l'information.

Un crâne animal sur la tête, des ailes de chauve-souris, une mentalité à la ramasse... Oui, Komori.

Les Komori sont le clan le plus bizarre d'Ichimono. Et de loin. Si on ne comprends pas tout le temps les actions des Kokujins, les membres du clan de la chauve-souris, eux, mènent en permanence leur stabilité mentalité à la frontière de la folie, passant leur temps à aller voir de l'autre côté ce qui s'y trouve puis de revenir pour en faire profiter leur entourage. La seule chose de certaine c'est qu'ils aiment entendre des histoires et les raconter, formant le gros des troubadours de l'anneau. Sorti de là, il y a une variété infinie, certains vivant de façon parfaitement intégrée dans de grandes villes pendant que d'autres sont de purs sauvages se nourrissant de sang.

Et pas que de sang animal.

Personne ne peut supporter un Komori à part un autre Komori.

Ils sont donc indépendants par la force des choses et sont souvent nomades.

Mais là, j'ai tiré le gros lot.

C'est ma voisine !

C'est ma foutue voisine !

Je comprends maintenant pourquoi personne n'a pillé en profondeur l'herboristerie.

- Mais... Mais... Pourquoi elle... les crânes... le pentagramme... les bougies...

- C'est sa magie ~ . C'est une mage noire ~ .

Les mages sont souvent des mages élémentaires, étant naturellement plus disposés à utiliser un élément plutôt qu'un autre. Il est possible de lancer des magies d'un autre élément mais avec une efficacité moindre et un coût plus élevé en mana. La magie ténébreuse est dans une classe à part, ses sorts étant abominablement durs à effectuer et ayant un coût colossal en mana pour des résultats faiblards.

Sauf si on est un mage noir.

Ses utilisateurs sont rares et craints car les magies ténébreuses sont maîtrisées de façon naturelle par beaucoup de monstres.

Visiblement, l'usage de ce genre de magie fait aussi des dégâts sur le mental du lanceur.

- Elle a été corrompue ?

- C'est ce qu'elle dit ~ . Elle dit qu'elle est corrompue de naissance ~ . Qu'elle vient d'un cristal de mana impur souillé par le sang d'un démon ~ . Et beaucoup d'autres choses dont je ne me souviens pas ~ .

- Heu... c'est possible, ça ?

- Har har har har !

Le rire dure longtemps ce coup-ci, il se tient les côtes et a même des problèmes pour respirer. Après deux rechutes, il respire profondément avant de reprendre, des larmes dans les yeux.

-Ce sont des bêtises ~ ! Des histoires ~ ! Elle change sa version chaque fois qu'elle en trouve une plus démoniaque dans les livres qui trainent au manoir ~ !

-Oh...

Komori. Troubadour. Histoires. Faible stabilité mentale.

Ce n'est pas une démone.

Juste une cinglée.

-Vu que c'est une mage noir c'est dur de la chasser...

-Pourquoi la chasser ~ ? Elle ne fait de mal à personne et est pratique quand elle veut ~ ! Fait pas cette tête, tu vas faire comme nous et l'apprécier ~ !

Je n'ai pas la force ni l'envie de lui faire remarquer qu'ils vivent presque tous près de l'entrée du fort, à l'opposé total de l'endroit où vit la Komori pendant que moi, je suis sous ses fenêtres en permanence.

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