Bonus : Sur la voie de la flèche.

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Je reviens bredouille de la chasse.

Ce ne serait pas aussi frustrant si je n'avais pas eu l'ordre de laisser repartir les prises. Je suis en entraînement et n'ai donc que le droit d'acculer mes cibles sans les achever, laissant ça au reste du groupe.

Ces plaines sont bien plus agréables que plus loin dans le Quadrant Bêta. Il y a moins de monstres et on a donc des nuits plus calmes. Mon père, Gürke, est en train de replier la tente, la mettant dans le chariot familial.

-Nous partons, père ?

-Oui, ma fille. Voila deux semaines qu'il n'y a eu de contrat de chasse. On dirait qu'ils veulent se débrouiller seuls...

Père croise les bras, mettant en valeur ses muscles sans le vouloir. Depuis le décès de mère il s'est entièrement consacré à notre éducation, mes frères et moi. Ils sont sur la frontière avec le Quadrant Gamma et je suis bien consciente que si mon vigoureux géniteur est ici, c'est par la faute de ma faiblesse.

Je l'aide à replier les vastes toiles et les fourrures. Nous partirons dans la journée même, ne possédant que peu et n'ayant qu'un chariot par famille.

Je sait enfin pourquoi je subis ces entraînements étranges à la lisière de la forêt. Un être étrange est venu voir mon père, parlant par geste. Je comprends l'essentiel : les ours m'acceptent dans leurs rangs !

Comme nous ce sont des Yukimimis sauvages mais leur talent à l'élimination de hordes entières de monstre est légendaire dans mon clan. Ils ne se mêlent que rarement à nous, la cause de cette timidité en revient à nos fréquents contacts avec les autres clans. Cette vie de mercenaire nous convient mais les ours, radicaux dans leur façon d'être, n'ont aucun intérêt pour l'argent, les biens matériels et la réputation.

C'est un véritable honneur que de voyager en présence d'un de leurs groupes afin de peaufiner mon art de l'arc !

Ils sont encore plus étrange que je ne le pensais.

Je dépends d'un jeune ours nommé Sent Comme la Terre Couverte d'Os un Soir d'Hiver. Il est le plus jeune des chasseurs et je suis donc à ses côtés. Malgré tous mes efforts, ils ne semblent pas impressionnés par mon usage de l'arc, préférant jeter des pierres et tuer leurs adversaires à main nues.

Ce sont des méthodes de sauvage mais les ours ont tant raffiné leur art de la traque et de l'élimination que la mise à mort est un procédé si rapide qu'il ne faut pas cligner des yeux pour rater la moitié de l'action. Pour apprendre à leur côtés, je suis prêt à continuer de vivre en une grotte !

On doit aller dans l'autre forêt aujourd'hui. Je la préfère car les arbres, plus espacés, me permettent de mieux viser et de mieux manœuvrer.

Je suis surpris par le nombre de proies : on aurait dit qu'une horde entière a pénétré dans les bois !

Les ours les encerclent, les terrifiant par des démonstrations de force pour les rabattre en leurs bois touffus où patiente le gros de leur groupe. Il faut les rabattre en direction des cols, entreprise ardue s'il en est tant les monstres se méfient de ces espaces étroits et à découverts. Je galope en tout sens, décochant flèche après flèche sur tout monstre qui brise l'encerclement.

J'espère que les ours apprécieront mon enthousiasme à la tâche !

J'ai fait une erreur.

Une énorme erreur.

Une des créatures que je croyais avoir foudroyé d'un magnifique trait à survécu à ses blessures ! Le pire est qu'il s'agit du genre de monstre à se créer des hardes en corrompant les animaux qui l'entourent. Avec cinq ours, je part donc en direction de la forêt clairsemée. Ils sentent sa présence près des murs du fortin.

Pourquoi ne pas laisser ses habitants se débrouiller avec ?

Je vais mettre du temps à me remettre de ce soufflet...

Dire qu'il est si petit mais si vigoureux...

On suit la trace de la harde en courant car on les entends faire du dégât. Le bruit d'un arbre que l'on brise. Des cris d'une personne.

Oh non...

Quelqu'un va mourir ?

Parce que j'ai mal fait mon travail ?

Je passe au galop, dépassant les ours.

J'arrive derrière un groupe de sangliers. Mais s'ils sont aussi près d'un monstre natif et ne fuient point, il n'y a aucun doute sur leur vraie nature. Je commence à décocher mes traits, aidés par les ours que je pensai avoir semé.

Dans la clairière un combat fait rage. L'ours responsable de l'expédition me pousse de côté sans ménagement, juste à temps pour voir passer un chasseur poursuivi par un énorme monstre.

Ma cible.

Les ours m'empêchent de lui donner chasse, m'ordonnant d'éliminer les reliques de la harde.

Nous sommes là à cause de ma maladresse, je m’exécute donc, laissant le chef poursuivre le monstre de son pas pesant.

Je suis chassée !

Pas bannie, mais punie, ce qui est encore pire !

Accompagné du jeune ours et de sa famille, je suis guidé jusqu'à un point de la forêt. Là, les ours me quittent, ne me laissant en compagnie du jeune chasseur.

Un bruit.

Je reconnais le pelage noir du jeune chasseur. Celui qui a tenu tête à toute la harde et vaincu son chef en combat singulier. Mon nouveau Maître.

Il ramasse des collets ?

Hein ?

De la terre ?

Il met de la terre et des débris végétaux dans un sac ?

Je m'approche de lui par l'arrière, voulant l'impressionner par ma discrétion.

Je suis juste derrière lui et il ne remarque rien !

Rien du tout !

C'est un incompétent !

Et c'est ça qui doit m'améliorer !?

N'y tenant plus, je sort mon arc, encoche une flèche et le vise.

Il remarque enfin ma présence mais ne tente rien. Pas d'acte héroïque, de geste brave ou de réflexe surprenant. Il a peur de moi !

C'est une plaisanterie ?!

Il a l'air faible, petit et ses traits sont trop fin pour un guerrier.

Dire que je vais devoir suivre ses ordres...

Quelle journée, mes aïeux, quelle journée...

J'ai un Livre.

Je suis la toute première centaure depuis les origines d'Ichimono a posséder son propre Livre des Âmes !

Je n'ose imaginer les répercutions si ça venait à se savoir.

Dans le même temps, j'ai beaucoup de mal à réfléchir. Cette Hato a fait passer les efforts de mon enfance pour une vaste plaisanterie. Même si mon Maître n'est point vigoureux il a dans son entourage des êtres capable de m'apporter beaucoup.

Si je ne décède point avant la fin des cours.

Elle est plus petite que moi. Maigre. Faible. Terrifiante.

Je n'ai jamais craint que des personnes plus fortes que moi physiquement. Mais cette Komori est parvenue à éveiller en mon sein une espèce de peur ancestrale de ce qui est inconnu, se tapissant dans les ombres avant de se repaître de votre chair. Voir de votre âme.

Mon Maître n'a aucune peur vis à vis de cette femme, étant totalement décontracté. Je suis en train de subir ce qu'elle nomme rite de l'Illumination et il ne fait que se plaindre que je soit en train de ruiner les manches de sa tenue.

Je l'ai sous-estimé.

Je les ai tous sous-estimés.

Les murs sont sombres, entrecoupés de tâches lumineuses. Le sol est régulièrement couvert des cadavres de nos adversaires. Et je me sent bien !

Je suis au lieu où je me devais d'être !

Je chasse les monstres en leur tanière, là où ils sont les plus forts et les plus habitués. Mais les stratégies de mon Maître ne leur laissent pas la moindre chance. Il y a des fois où je doute du bien-fondé de ses idées mais je dois admettre que nos victoires successives plaident en sa faveur.

Nous suivons ses ordres, heureux de l'avoir en nos rangs.

Non seulement il cherche d'infimes variations dans la façon de nuire aux monstres, de plus il tient à veiller sur nous, usant de sa magie de soin si besoin est et fournissant même de quoi satisfaire nos estomacs.

En aucune chasse je n'ai eu un tel responsable. J'aime ça.

C'est un carnage. Les adversaires, pris individuellement, sont plus faibles que nous. Mais leur nombre est tel que nous ne parvenons pas à nous extraire de la mêlée.

Pire, ce lanceur de sortilège gobelin traque la moindre occasion pour nous lancer de puissantes vagues de ténèbres. Dame Zanathi s'est blessée au bras gauche pour bloquer son dernier assaut, se sacrifiant pour notre groupe. Si ça continue, nous allons vers la défaite !

L'ordre de mon Maître est désespéré : le laisser seul avec le plus petit niveau et la lanceuse de sort c'est l'exposer à un destin funeste. Mais il n'y a plus le choix ! Je charge à travers la masse des adversaires, ignorant les impacts et frappant du couteau plus pour dégager ma voie que pour occire les gobelins.

Il m'a vue.

Il prépare quelque chose.

Trop tard pour toi, immonde engeance des ténèbres.

Rien ne peut stopper la charge d'une centaure.

Pas même sa mort.

Il est mourant !

Ils m'affirment tous le contraire mais le Maître est alité, incapable de bouger !

Après être parvenu, par un effort héroïque, à effacer toutes traces de mes blessures, il a chuté au sol comme une pierre. Heureusement que sire Sham était là et qu'il nous as vite ramené à la surface.

N'en tenant plus, j'escalade ces maudits escaliers de bois, trop fragiles pour mon poids. Le Maître est dans le lit, calme et mortellement fatigué. Il ne semble pas m'en vouloir alors que c'est par ma faute qu'il est ainsi !

Maître !

Ma décision est prise.

Jamais centaure n'a eu de Livre d'Âme.

Jamais centaure n'a eu la chance de parcourir un Donjon alors qu'elle vient à peine d'atteindre l'âge adulte.

Jamais centaure n'a eu de Maître aussi généreux, risquant sa vie pour une sauvage.

Les ours savaient-ils tout ceci ?

Je l'ignore et m'en moque à présent !

Je suis Möngke, centaure, chasseresse et guerrière. Et mon bras sûr a une vie à défendre.

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