Chapitre 33 : Premières découvertes et premiers mystères.

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-Ne refait plus ça, Möngke !

-Nous avons pénétré dans l'enceinte, c'est le principal.

-Eux... rire...

C'est vrai que la déclaration solennelle de la centaure a arraché des hurlements de rire aux soldats. Ils riaient aux dépends de leur sergent et un caporal a un peu calmé le jeu en rappelant, avec un grand sourire, que les centaures mâles sont célèbres pour leur « gabarit » et si Giacomo pouvait penser pouvoir rivaliser dans ce domaine, c'est que son pantalon est un objet magique.

J'espère sincèrement que Giacomo reste confiné à l'extérieur pendant la durée de notre séjour. C'est le genre à vouloir se venger.

De toute façon, Möngke a réagi comme une centaure réagirait à ce genre de déclaration. C'est le sergent qui ne devait pas en avoir rencontré souvent pour se comporter ainsi.

Vu que les villageois commencent à se rapprocher, je me tait et reprend le rôle du moine. A l'intérieur de l'enceinte, c'est un village Kitsune classique avec son grand nombre de petites fermes ne débordant pas des zones de construction carré. Mais un élément était clairement différent. Les silos à grain sont énormes ! Ils doivent bien faire dix mètres de haut et les granges attenantes sont tout aussi disproportionnées. Quelle famille peut bien stocker autant de nourriture pour un hiver ?! En marchant dans la vaste rue centrale, je remarque plusieurs de ces énormes réserves. Ils n'auront pas de problèmes en hiver, eux !

Si seulement on pouvait les convaincre de partager avec les Briseurs...

Je finit par tomber sur une des chapelles. C'est un saint Kitsune, sans surprises aucunes, le moine est Hitsuji ce qui surprend encore moins. Il s'appelle Agrippa, est âgé d'une quarantaine d'année et, vu ses sourires charmants à l'égard de Zanathi, ne souffre pas de la maladie de Marbre.

Avec la piété toute naturelle d'un homme d'Église né, il nous prête une salle. Il s'agit visiblement d'une pièce utilisée normalement pour les fêtes ou des rituels de moisson vu la grande double porte menant à l'extérieur. Au moins, Möngke ne se sent pas à l'étroit !

-Merci mon père. Pendant que mes apprentis prennent un repos bien mérité, je vais accueillir ceux qui souhaitent la bénédiction de Sainte Josepha. Puis-je le faire sur le perron sans vous déranger ?

-Mais certainement, frère Mattéo ! Vous arrivez après l'heure de mon repas mais je dois pouvoir chercher du pain et de quoi préparer un solide gruau pour le midi. Aurai-je la joie de votre compagnie pour les vêpres ?

-Certes, mon père. Mais nous nous coucherons tôt, devant prendre des forces avant de rejoindre la cité au Jardin Bleu.

-A tout à l'heure, mon frère.

-Mon père...

Une fois la porte fermée et l'Histuji ayant traversé la route, Zanathi rejette la capuche en arrière, inspirant à plein poumon.

-†J'ai la sensation atroce de sentir mes oreilles pourrir de l'intérieur...†

-Ne retirez pas vos tenues ! Toi non plus Terros ! Maintenant qu'on est là, on va sûrement venir nous voir.

-Tant de... blessés ?

-Non, Rada. On vient de l'extérieur et on n'est pas des soldats. C'est la première fois depuis longtemps pour ce village. Ils voudront des nouvelles de l'extérieur. Et surtout voudront envoyer des messages aux autres villages qu'on va traverser.

-Maître ? On a fait ce voyage et pris ces risques pour jouer le coursier de nouvelles ?

-Non, Möngke, on a fait ça pour avoir des informations. Le point intéressant de mon plan, c'est qu'on n'aura pas à poser de questions, les gens seront trop ravis de tout nous dire.

Rada est en train de se promener en ville. Officiellement pour chercher les autres chapelles et les prévenir de ma présence mais aussi pour laisser traîner ses oreilles. On fait confiance aux Hatos et, vu qu'il est bel homme, je fait confiance aux filles Kitsune pour essayer de le cuisiner en retour. Détourner un Hato de sa mission est aussi probable que de faire dévier de quatre vingt dix degré la chute d'une pomme par le simple pouvoir de sa pensée.

Möngke est restée avec moi. Pas que je risque grand-chose mais les soldats présents dans l'enceinte ont fait trop de commentaires déplacés. Elle croit que je cherche à la protéger mais c'est plutôt eux qui bénéficient d'une forme de protection tant qu'elle reste loin d'eux. Terros dort, roulé en boule dans un mélange de toiles et de fourrures posé dans le coin de la pièce. Zanathi mime le sommeil mais en réalité elle parcourt la ville par les yeux de Miro.

Moi, je suis occupé.

-Merci, frère Mattéo.

-Louez Sainte Josepha si vous souhaitez remercier quelqu'un.

J'avais commencé mes soins dans la rue, sur le pas de la porte. Puis j'ai prétexté la fatigue pour poursuivre à l'intérieur.

Le petit manège des soldats boitant à la périphérie de ma vision était clair. Ils voulaient que je les soigne mais n'osaient pas le demander à la vue de tous. Ils venaient donc par la chapelle, se glissant par la porte arrière pour pénétrer dans la salle où nous nous reposions.

-Z'êtes plus sympa que l'Hitsuji.

-Pas de paroles sacrilèges en ce lieu, malheureux !

-S'cusez ! Nan, c'est juste qu'y sont pas très content d'nous voir.

-Ne vous laissez pas perturber par les apparences. Tout peuple est ravi de la protection contre les monstres que lui fournit son armée.

-Leur armée, j'dit pas ! Fit le soldat en remettant sa chemise.

-Venez-vous du village voisin pour tenir de tels propos ?

-Nan, j'suis du coin mais pas d'la Milice.

-Oh ? J'ose espérer que je ne vous ai pas blessé.

-J'm'y fait à force. L'milice était d'plus en plus mal lotie. Y gardent plus qu'la ville maint'nant.

-La situation est si dure pour le Fermier Général ? Le peuple a l'air bien nourri et les greniers énormes sont prêts à tenir un rude hiver !

-L'Fermier ? Pwah ! L'en a rien à battre d'nous !

Je n'eus pas à beaucoup pousser les trois autres soldats un peu commotionnés qui se présentèrent par la suite. Ils racontaient la même histoire : l'armée locale (la Milice chez les Kitsune) était si mal payée et armée que son nombre a fondu comme neige au soleil, se limitant à présent à une force de police à l'intérieur des murs de Jardin Bleu. Pour compenser, les bourgmestres des gros villages, les Nobles Paysans comme on les appelle, ont recrutée une armée en catastrophe pour assurer la sécurité des habitants.

Hélas, je ne peut ni parler de l'étrange chasse au monstre de la fin de l'automne ni du fait que les habitants sont cloitrés dans les villages, n'étant pas officiellement au courant de tout ça.

Möngke, en ayant assez du gringe que lui faisaient les soldats, mettait en jeu une soirée avec elle comme prix d'une partie de bras-de-fer.

Vu qu'elle a luxée l'épaule du premier a avoir accepté (je l'ai soigné par la suite), plus personne n'a osé lui demander quoi que ce soit.

Il y a des nouvelles qui circulent vite.

Rada, lui, fut plus lent.

Le soir tombait quand il rentra enfin de sa mission. Vu l'odeur de parfum qu'il dégage, il a eu droit à l'autre version de l’accueil Kitsune.

-Femmes Kitsune... étranges...

-T'as pas idée... Alors, des nouvelles ?

-Au moins huit... Voulaient que je... dorme chez elles. Ai dit ai pièce... dans chapelle... Mais elles insistaient... Bizarre.

-Tu demanderas pourquoi à ta mère mais d'abord fait-lui promettre de ne pas se fâcher contre elles. Autre chose ?

-Trop de greniers... Partout ! Ai demandé... Si fête ou... grand nombre de... habitants... En fait... provision ville !

-Quoi ! Tu veut dire que la cité de Jardin Bleu a fait bâtir ses réserves de nourriture à l'extérieur de ses murs ?!

-Ce raisonnement est stupide et dangereux ! Tout combattant qui se respecte sait qu'en cas de siège les réserves doivent se trouver dans l'enceinte de la cité. Faire l'inverse s'est s'exposer à une famine rapide en cas d'invasion.

Je m'assieds, me prenant la tête entre les mains.

Je ne suis pas un Fermier Général. Je ne sait pas ce que c'est que de gérer tout un ensemble de villages et une ville pour distribuer du grain, des épices et des produits de première nécessité à l'échelle de tout l'anneau. Mais je suis un Kitsune.

Nous sortons d'une guerre de Scission. Il n'y a plus de risques pour quelques années de grande horde de monstres. Le bon moment pour se lancer dans des grands travaux si on a la main d'oeuvre. La région a été relativement épargnée par les démons. Rien à réparer de grand comme une ville détruite ou une campagne rasée. Pourquoi fabriquer des greniers à l’extérieur de la cité ? Y a t'il encore des greniers à l'intérieur ? Pourquoi investir dans de telles constructions si on réduit la défense des habitants et des silos eux-mêmes en sacrifiant le budget de la Milice ? Tout ça ne tenait pas...

-Je suis un imbécile qui essaye de comprendre un problème à l'échelle d'un pays... Et je ne comprends pas !

-†Non. Tu es un imbécile qui essaye de comprendre un problème à l'échelle d'un pays... sans avoir tous les éléments.†

-Quoi ?

On laissait Zanathi tranquille vu qu'elle disait qu'essayer d'attirer son attention alors qu'elle vole dans les rues sous la forme de Miro est perturbant. Mais elle vient de se relever toute seule.

-†Merci d'avoir mis Analyse en compétence partagée. J'ai pu voir beaucoup de choses. Certaines très intéressantes...†

Miro pénètre dans la pièce en passant par le conduit de cheminée. Maintenant qu'il est là, Terros et Rada se pressent d'allumer un bon feu : la température s'est stabilisée avec la chute de neige mais à un niveau bas, hélas.

-Qu'as tu découvert ?

-†Ni plus ni moins que la noirceur de l'âme ! Des gardes qui ne payent pas leur ardoise, qui pincent les fesses des serveuses... Des femmes qui monnayent leur charmes mais droguent la nourriture pour dépouiller leurs victimes...†

-Je veut dire, as tu découvert quelque chose d'inhabituel pour un village Kitsune.

Elle me regarde, l'air de me demander si je plaisante. Je connais les membres de mon clan et le respect des autorités ne fait pas partie de nos habitudes, l'encourageant donc du geste à continuer. Elle toussote un peu avant de poursuivre.

-†Le bourgmestre ne sait que faire. Il obéit au capitaine des forces armées locales. Point intéressant, ce capitaine partage deux choses avec le sergent qui nous a... asticotés. Le nom de famille et le faible niveau.†

-Armée... corrompue ?

-On parle de Kitsunes là ! Bien sûr qu'ils n'ont rien contre quelques extras de temps en temps mais je ne pense pas qu'ils rackettent les habitants en les cloitrant chez eux ! Déjà, avec de tels niveaux, ils ne pourraient pas résister à une révolte.

-†Tous ne sont pas ainsi. Il y a deux genres de groupes de soldats qui ne se mélangent pas trop. Des soldats aux faibles niveaux et des soldats avec des niveaux aux alentours de 15-20.†

Donc de vrais soldats. Mais pourquoi garder les groupes séparés ? Je ne sait pas grand-chose sur la formation militaire (à part l'entraperçu cauchemardesque infligé par Nektaria) mais lâcher un groupe de soldats tous de faibles niveaux face à un monstre ne permet pas d'apprendre grand-chose.

A part la notion de brièveté de l'existence, bien sûr.

J'allais prendre la parole quand on frappa à la porte. Tout les « moines » remirent leur capuche et les gardes du corps prirent une apparence faussement nonchalante.

Möngke, pas la peine de gonfler tes biceps comme ça !

J'ouvre la porte et tombe sur un enfant se secouant pour dégager la neige de sa cape. Il ne mesure pas plus d'un mètre et peste contre le froid avant de remarquer que la porte s'est ouverte. Il pivote vers moi, rabattant la capuche en arrière en faisant un grand sourire.

Ce n'est pas un enfant.

C'est un Nezu.

Il s'agit des plus faibles parmi les Yukimimis dotés d'un totem. Ils gardent une apparence enfantine toute leur vie mais elle est courte, dépassant rarement les trente ans, étant adulte à partir de cinq. Les membres du clan de la souris, en plus des oreilles rondes et de la queue annelée, ont comme caractéristiques un côté hyperactif et un débit de parole rapide. Ils vivent en une étrange symbiose avec les membres du clan du chat, formant le gros des garçons de course, émissaires et employés de leurs magasins.

-B'jour m'sieur le moine j'ai un message d'mon boss y voudrait vous voir ça prendra pas longtemps et il y a des biscuits.

C'est un homme doté d'une tignasse ébouriffée grise. Le visage aux grands yeux est enfantin mais ça ne veut absolument rien dire avec eux. Je me méfie un peu quand même. Ils servent aussi d'émissaires à des agences peu recommandables.

Le genre dont on met quelques semaines à se remettre d'une discussion.

-Quel est votre employeur, noble Nezu ?

-C'est madm'selle Mégumi m'sieur une Neko tout ce qu'il y a de plus adorable m'sieur elle est au comptoir Tachibana m'sieur.

Une Neko ! Je n'en ai que rarement vu malgré le fait qu'ils soient sur tout l'anneau. Ce sont les marchands attitrés d'Ichimono, parcourant inlassablement les routes pour apporter leurs marchandises jusqu'aux villes les plus isolées. Les membres du clan du chat sont très appréciés par la totalité des clans et il est quasi-physiquement impossible d'avoir envie d'en vouloir à ces êtres enjoués, rieurs et souriants.

Je leur en veux un peu de n'employer que des femmes comme vendeuses par contre.

Comment s'empêcher d'acheter quelque chose qu'une mignonne petite Neko vous conseille ?

C'est de la triche.

-Si ta maîtresse souhaite que je la soigne, je peut le faire ici. A moins qu'elle ne puisse se déplacer ?

-Que'qu'chose comme ça m'sieur faut vous presser avant le couvre-feu m'sieur

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