Chapitre 44 : Travaux hivernaux.

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Le premier mois de l'hiver se termine sans encombres.

On n'a aucune nouvelles du Jardin Bleu et ça ne me surprend guère. Après tout, ils doivent être très occupés à récupérer toutes ses réserves entreposées dans les villages environnants.

Pas de nouvelles des nobles non plus. Nektaria guette quotidiennement mais pas de mouvements de troupe en direction de la forêt. Elle a repérées d'autres troupes placées beaucoup plus loin côté Retour. Visiblement, ils pensent que le moine a utilisé la forêt pour disparaître et est ressorti plus loin, vers le Quadrant Alpha.

Pour une fois, je suis content de la réputation de brutes sans cervelle des Briseurs.

Kahlee a pris ses quartiers. Elle s'est installée dans le manoir, dans une partie prenant à la fois le rez-de-chaussé et le premier étage, une grande pièce lumineuse, bien aérée et totalement hors des griffes de la Komori.

La chapelle.

Elle n'a pas touché aux bancs et à l'autel, s'installant dans le vaste balcon surplombant la nef. Je l'ai aidée à installer son lit et son bureau. Un simple paravent la cache des regards indiscrets des personnes venant prier.

Les prières sont une des nouvelles hantises de Zanathi d'ailleurs. Les habitants du fortin sont d'un naturel discret et prient en chuchotant. Mais Kahlee, elle, chante à plein poumons. Sa voix est magnifique mais entraîne surtout l'agonie de sa voisine de palier.

Contre toutes ses habitudes la Komori sort donc plus souvent, préférant encore suer en travaillant le bois que de se faire infliger des cantiques.

Vers le milieu de l'hiver on a entré assez de bois pour compenser les nouvelles têtes et restons donc au chaud pour travailler nos sorts. Tant que la situation ne s'est pas clarifiée, Hank ne veut pas que des personnes très reconnaissables comme Rada ou Möngke sortent en forêt. Tant pis pour la chasse !

Je laisse de côté le livre de décoction de potions vu l'absence totale de matière première et pense travailler un peu celui d'enchantement.

Ne me demandez pas mes progrès en magie de feu.

J'ai honte.

Elle ne plaisantait pas en disant que vu que j'ai tous les éléments je vais avoir de grosses difficultés pour en contrôler un. J'en suis à espérer que j'aurai une école de magie en guise de cadeau pour une maîtrise de métier.

Sans parler de ma maîtrise aléatoire de l'art de la lecture.

Vu qu'il fait humide en ce moment, je conserve les grimoires dans mon Inventaire. Au moment où je veut sélectionner celui de l'enchantement en posant mon doigt sur lui...

Quelle action souhaitez-vous effectuer ?

Sortir le livre Lire le livre

C'est une plaisanterie ?

Je sélectionne Lire le livre.

Un nouveau Livre immatériel apparaît et son contenu est visiblement celui du livre présent dans mon Inventaire.

Et vu que c'est mon Livre, je le lit avec une totale fluidité sans avoir besoin de déchiffrer un mot après l'autre.

Comment ?

Pourquoi ?

J'ai déjà mis un paquet de livres dans mon Inventaire alors pourquoi seulement maintenant ?!

Minute...

J'ai mit des paquets de livres.

Comprendre, des livres reliés entre eux en un paquet.

Là, l'ouvrage traitant des enchantements est tout seul dans une case.

Griffe et Croc s'inquiètent pour ma santé mentale à me voir me rouler sur le sol en me mordant le poing.

Je me redresse, pris d'une inspiration subite.

-Foutu Livre... tu m'as réservé bien des surprises mais c'est fini !

Pointant un doigt accusateur vers les feuilles volantes, je claironne.

-Manuel d'utilisation !

Pas de réaction.

Je le pense. Très fort.

Rien.

Ce serait trop facile.

Si quelqu'un de l'équipe me demande, je savais faire ça depuis le début. Avant même d'arriver au fort. Si, si...

Je relève la chaise que j'avais renversée en me jetant à terre en hurlant puis m'installe, feuilletant l'opuscule dédié aux enchantements.

Une dizaine de minutes plus tard, j'ai déjà compris les bases.

Contrairement aux glyphes qui s'activent si on effectue une action précise sur lui, un objet enchanté ne réagit qu'en présence d'un flux de mana de contact. En clair, quand le porteur de l'objet le touche il lui insuffle un minuscule fragment de son mana naturel.

Il est difficile de s'épuiser même si on passe la journée à activer un objet magique vu qu'en général on récupère plus vite son mana que l'on ne l'épuise. Il ne s'agit pas de Points de Magie après tout.

L'immense différence est que les enchantements sont liés à la nature même de l'objet, améliorant ses capacités au-delà de ses limites physiques mais avec un certain bon sens.

L'exemple du livre est clair : on peut enchanter une arme pour la rendre plus tranchante, plus robuste, résistante à la corrosion... mais on ne peut pas en faire une arme de feu, de glace ou d'un autre élément : pour ça il faut des glyphes.

Je suis un peu perdu avec un graphique parlant à la fois de qualité et d'efficacité. Après une bonne demi-heure à parcourir les pages en suivant les notes de bas de page, je finis par comprendre : Chaque matériau a une limite maximale de puissance d'enchantement.

Un bouclier de bois, par exemple, peut devenir plus résistant avec un enchantement. Mais si l'on utilise un bouclier tout en acier, on peut lui appliquer un enchantement bien plus puissant.

Plus le matériau est robuste, plus l'enchantement peut être efficace.

Visiblement, il y a aussi une limite à la quantité d'enchantements pouvant être appliqués sur le même objet mais là, l'auteur semble être évasif, ne sachant pas si les limites viennent du matériau, de la nature de l'enchantement, du niveau du lanceur ou des trois à la fois.

Foutu auteur, tu avais si bien commencé !

Je tourne la page vers les exemples et les travaux pratiques.

J'aime les travaux pratiques !

La première ligne me refroidit carrément.

Pour enchanter un objet, il faut en détruire un autre.

Par exemple, pour rendre un couteau plus résistant, il faut sacrifier un petit bout de métal. Le « sacrifice » en question consiste à prélever le Mana de l'objet pour l'insuffler dans celui à améliorer.

Dire que je n'ai pas vraiment de matériel en surplus serait un euphémisme.

Je regarde le couteau de chasse dans son fourreau, pendu au crochet près de la porte. La lame fait environ vingt centimètres et on n'a même pas assez de métal pour faire des clous !

Ce n'est pas comme pour les potions où à force de développer la serre je finirai par avoir la matière première. A moins de dégoter une mine et de créer une fonderie, le fortin restera dépendant du bon vouloir des villages et de Jardin Bleu pour son apport en acier. Avec un soupir, je lis la suite.

Visiblement, l'enchantement le plus simple consiste en celui qui renforce la solidité de l'objet vu qu'il s'agit de densifier le mana qu'il contient.

Vient ensuite l'amélioration du tranchant, plus dur car le mana doit être concentré sur le fil de la lame.

Le reste est un ensemble de cas particuliers mais l'un attire mon attention : la résistance à la magie ! Avec ça, un objet fait non seulement bénéficier son porteur d'une résistance supplémentaire aux sorts ennemis mais aussi empêche un sorcier sournois de dissiper les enchantements sur l'objet au cours du combat.

Hélas, il y a un effet pervers que l'auteur souligne au propre comme au figuré : Une fois l'enchantement posé, il devient difficile, voir impossible, d'en effectuer d'autres sur l'objet devenu résistant à tout type de sortilèges et, plus complexe à gérer encore, le porteur de l'objet peut devenir insensible aux sorts de soin.

Maintenant je comprends pourquoi tant de héros portent des armes enchantés et meurent de façon stupide car ils n'ont pas d'armure tout aussi efficace.

A moins que les troubadours soient des tordus sadiques.

C'est dommage : Vu la facilité avec laquelle je procède aux épurations de mana corrompu, je dois avoir une affinité surnaturelle avec le contrôle du mana. Tout le monde est surpris de l'aisance avec laquelle je déplace de grosses quantités d'énergie magique, moi le premier.

Mais la seule personne que je connais qui a accès à un arsenal est Isabella Ricci et elle a besoin de toute l'aide disponible pour lutter contre l'influence des Nobles Paysans. Pas question de sacrifier des armes pour me faire monter de niveau.

Il commence un peu à faire frisquet, le feu ayant bien diminué pendant ma lecture. Je met deux bûches dans la cheminée puis retourne au Livre.

Un peu dégouté de l'arrêt brusque à mes plans d'enchantement, je place le grimoire de feu dans l'Inventaire et me met à le lire de cette façon.

C'est bien plus facile ainsi !

Ça me donne envie de toujours faire comme ça mais ma récente promenade en ville m'a appris qu'il faut que j'apprenne de toute façon à mieux lire ne serait-ce que pour déchiffrer les enseignes et les panneaux.

Des coups à la porte m'informent d'une visite.

C'est Nektaria.

Et elle n'est pas seule.

Deux petites boules de fourrure pénètrent à l'intérieur puis perdent leur couches successives, révélant les deux sœurs de Rada. Contrairement à leur grand frère et leur mère elles sont pleinement expressives et j'espère qu'elles ne développeront pas le mal en grandissant.

Je n'avais pas remarqué au début à cause de leur coupes de cheveux différentes mais elles sont jumelles.

Kallisto a des cheveux blonds courts et est la plus énergique du duo. Katharos a de longs cheveux raides et est la plus posée. Elles se jettent sur Croc et Griffe dès le dernier manteau au sol, Kallisto ayant jeté son dévolu sur le renardeau joueur et Katharos sur le fier louveteau. Depuis que je les leur avait confiés, elles passent régulièrement les voir. Pendant que leur mère rassemble leurs habits, je vais chercher quelques noix sèches et les place dans un bol.

Je ne m’embarrasse pas en un salut : les gamines sont là pour jouer avec leurs amis à poil et Nektaria considère la politesse sociale comme une civilisation disparue. Je n'ai pas d'inquiétudes pour les enfants : si elles deviennent aussi belles que leur mère et leur frère, les prétendants se bousculeront au portillon.

Du moins, ceux épargnés par leur futur belle-mère.

La Hato s'installe à ma table. Je m'y installe donc aussi, me demandant si elle a quelque chose à me demander.

-Filles vont habiter ici.

Huh ?

-Pardon ?

-Demande quotidienne... voir Croc et Griffe. Assez.

Elle accorde sa confiance assez rapidement finalement.

-Rada vient aussi.

Oubliez ce que je viens de penser.

-Je n'ai pas beaucoup de nourriture, vous savez. Vu que je suis arrivé à la fin de l'automne...

-Je fournis. Rada fait sacs.

Visiblement, demander si j'ai le choix serait une injure personnelle.

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