Chapitre 78 : Pas de pause pipi.

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On longe un canal depuis quelques kilomètres déjà. Il fait près de quarante mètres de large mais n'est occupé que par quelques barges tirées à dos d'homme depuis la rive.

C'est un canal en pierre. Vu qu'il n'y a pas trace de maçonnerie, il a dû être conçu magiquement : prenez quelques mages de Pierre, un bon salaire et des potions de restauration de Points de Magie à l'hectolitre et vous avez un canal praticable en quelques jours.

Le plus dur c'est d'éviter que des monstres aquatiques l'infestent. On croise un petit bateau lourdement armé qui patrouille dans le canal : bardé d'épieux pour empêcher son abordage, ses utilisateurs sont si lourdement armés que c'en est à se demander comment il flotte encore.

-Ce réseau de canaux est la fierté de la Ferme des Pentes Noires. Ils se sont rendus compte que le vin transporté par les voies d'eau a un meilleur goût que quand il est chahuté par les chariots. Depuis, ils ont étendu des canaux jusqu'à Ichipolis.

Je hoche la tête, approuvant sans réserves l'idée. C'est la première fois que je les vois mais je comprend leur utilité : beaucoup des marchandises de luxe partagent une caractéristique : la fragilité. Il faut par exemple mettre la porcelaine et la faïence dans un tonneau rempli de paille pour éviter la casse.

Et même ainsi, éviter de confier la marchandise à des débardeurs manquant de soin.

Sans vague, ni choc, ni attaques de monstres, la voie d'eau non naturelle permet de transporter de grosses quantité de fret en toute sécurité.

Mais un point m'intrigue, probablement ramené par mon score d'Intelligence ou de Sagesse.

-Nous descendons doucement en direction de la mer, il y a donc des rapides dans le canal ? Comment font-ils avec leurs barges ?

Il s'agit surtout de vastes bateaux sans voile ni gouvernail, tirés depuis le bord de l'eau par des gens ou des animaux sur des routes dédiées à cet usage. Ce serait l'enfer à gérer en cas de courant violent !

Les trois autres Kitsunes à bord sourient.

J'ai l'impression de plus en plus nette d'être présent ici pour les amuser de ma stupidité.

Isabella, placée dans le sens de la marche, voit quelque chose à l'extérieur et le pointe du doigt.

-Je crois que voici votre réponse.

Je crus d'abord qu'il s'agissait d'un fortin.

Une vaste installation maçonnée entourée de gens en train de travailler et de bateaux en file d'attente. Mais personne ne crie, tout est bien ordonné. Le canal semble s'y arrêter.

Il y a des portes métalliques sur le canal menant à un couloir étroit à peine assez large pour la plus large des barges. On est arrivé à temps pour les voir se refermer et trois barges y sont présentes en file indienne.

Elle coulent !

Non...

Elles descendent...

Ricci fait arrêter la calèche, visiblement tout aussi intéressée que moi par la manœuvre. Curieux, le reste de mon équipe nous rejoint.

Deux portes métalliques closent une portion étroite du canal et un jeu de vannes permet de remplir et vider cette portion à l'envie. En aval, les barges retrouveront un canal doté d'un niveau six mètres plus bas qu'en amont. L'installation étant présente à la fin d'une région de collines et le début d'une plaine, il n'y aura pas de nécessité d'une autre installation de ce type avant des kilomètres.

-C'est donc ça une écluse. Très intéressant. Qu'en pensez-vous frère Mattéo ?

-Je ne sent pas de glyphes ou d'enchantements. Cette installation est donc toute mécanique.

On hoche la tête tous ensemble, admiratifs de ce prodige technologique. Sur Ichimono on se repose essentiellement sur les glyphes et les enchantements pour obtenir quelque chose. La technologie est une chose assez peu développée car globalement inférieure à la puissance des sorts.

Mais les artefacts techniques ont un avantage certain sur la magie : leur résistance à un usage intensif. Un glyphe a besoin de se recharger et les enchantements nécessitent un contact physique constant pour être actifs.

Pour l'écluse, une poignée de manœuvre formés en peu de temps peut réguler le trafic.

On remonte dans les chariots, le temps pressant (et aussi parce que les autres équipages, pas intéressés par l'écluse, se demandent pourquoi on s'arrête).

Maintenant que je commence un peu à m'habituer à la présence de ces dames, je pose une question qui me tarabuste depuis un bout de temps.

-Qu'est ce que vous espérez en allant voir le Conseil ?

-Allons, frère Mattéo... C'est vous que le Conseil veut voir au sujet de l'épuration de la démone.

-Votre convoi est bien trop chargé pour un simple témoin.

-Oui, effectivement... Disons qu'il n'y a aucun mal à se faire des amis en haut lieu.

-Ce sera dur de corrompre les Conseillers.

-Impossible vous voulez dire. La majeur partie des cadeaux est dédiée aux cadres de l'Inquisition. C'est actuellement la seule force armée de l'anneau à m'aider dans ce conflit et je tiens à m'assurer leur soutient pendant cette année au moins.

-Une année seulement ?

-Oui. Le temps pour moi d'avoir ma propre Milice qui renait de ses cendres. Avec votre aide, évidemment.

-Quelle aide puis-je donc vous offrir ?

-Vous le faite déjà, frère Mattéo ! Le Donjon, en grandissant, me fournira ce qu'il faut pour entraîner mes troupes. Le processus par lequel la Milice de Jardin Bleu a été discréditée fut long et pernicieux, donnant de plus en plus de missions aux troupes des Nobles Paysans tout en retirant leurs prérogatives aux soldats fidèles. La plupart d'entre eux manquent de pratique à présent. Ils retrouvent leurs bonnes habitudes et leur forme grâce à cette structure.

Je commence à comprendre pourquoi elle envois de plus en plus d'hommes.

-Pourtant vous ne rétribuez pas la population du fortin à la hauteur de ce qu'ils seraient en droit d'attendre. Nous ne manquons pas de viande à céder en échange de céréales et légumes marinés mais votre intendance ne suit pas.

-Je le sait. La faute au moyen de transport lui-même : la quantité de ce que peuvent porter des personnes sur leur dos reste limité, surtout avec les deux jours d'escalade vers le fortin.

Ce ne doit pas être une tâche agréable, effectivement.

-Voila pourquoi j'ai hâte que la route soit ouverte entre la scierie et le fort Briseur.

Pardon ?!

-Une route ?

-Elle existait déjà avant, du temps de la présence des troupes Inus. Hélas, elle est retombée à l'état sauvage après leur départ pour le front. La forêt l'a engloutie et les nouveaux habitants n'ont rien tentée pour la restaurer. Voila pourquoi le Jardin Bleu la restaure à ses frais.

Elle dit ça comme si c'était un cadeau qu'elle nous faisait !

-J'espère que votre initiative sera bien accueillie... Certains des Briseurs se sont installés dans cet endroit isolé par envie de couper le contact avec la civilisation.

-J'en suis bien consciente, raison pour laquelle j'ai tenu une réunion avec vos chefs. J'ai été étonnée que vous n'y étiez pas convié.

Hank. Fichu cachottier...

-Je leur fait toute confiance.

Un jour ça se paiera tout ça...

La Mer du Pain est en vue depuis ce matin. Je n'ai jamais vu tant d'eau à la fois et suis impressionné par l'eau bleu presque de la même couleur que le ciel. Vu qu'on est au printemps, on ne peut pas encore voir le spectacle du lever de soleil sur la mer mais il paraît que c'est un spectacle magnifique.

Je m'attendais à une ville portuaire mais ce n'est qu'un gros port de pêche.

La différence, c'est que la seule marchandise à y transiter est le poisson. Il y a donc des hangars de salaison, de séchage, fumage et autres variantes de transport de poisson en direction des villes du Quadrant Alpha et Bêta. La plupart des quais sont en bois avec quelques petits bateaux de pêche amarrés de ci de là. Les maisons sont celles de pêcheurs ou d'ouvriers, du coup elles sont vides la plupart du temps. Je suis surpris de voir des enfants jouer au milieu de ce qui ressemble à une usine.

Mais tout cet ensemble de charmantes maisons en bois posées au bord de la mer ne fait pas le poids face à lui.

Je veut parler du Dedalus.

Enorme navire de guerre taillé pour le combat contre les monstres, il est bardé d'épieux acérés sur tout son pourtour, promesse de blessures graves pour tout monstre massif qui tenterait de l'éperonner. Sur les flancs, les ouvertures régulières sont masquées par des panneaux de bois mais je me doute bien que derrière doivent se trouver les canons magiques. L'ensemble du bateau faisant plus de deux cent mètres de long et d'une largeur encore agrandie par les pointes dont il est recouvert il ne lui est même pas possible de s’amarrer au quai normalement : une longue passerelle de près de vingt mètres suspendue par des poulies lui permet de garder un contact avec la terre.

Le drapeau de l'Inquisition flotte dessus.

C'est notre moyen de transport.

Claudius n'a pas fait les choses à moitié.

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