Passez votre chemin si vous n’aimez pas les agrumes ou bien si vous n’en mangez pas pour des raisons philosophiques !

 A la faveur d’une visite d’une ferme d’oranges et de citrons en Espagne, en Andalousie, non loin de Séville, un guide m’a conté l’origine des oranges et des citrons.

 Ces agrumes (du latin médiéval acrumen qui signifie « saveur âcre ») proviennent tous d’Asie et plus précisément de Chine, d’Inde et d’Indonésie.

 Au commencement, n’existaient que 3 familles : Citrus (citrons, pomelos, kumquat,…), mandarines et oranges.

Les Citrus : qui l’eût cru ?

Les citrus se divisent en 3 espèces :

- Citrus maxima qui est, en réalité, un pamplemousse

- Citrus reticulata qui est une mandarine

- Citrus medica qui correspond au cédrat qui connaît, par exemple, un grand succès en Corse et avec lequel confitures, cédrat confit, et autres douceurs sont élaborés pour le plus grand plaisir de nos papilles.

 Ces trois espèces ancestrales ont évolué séparément dans trois zones géographiques : l’archipel Malaisien, le sud de la Chine et le nord-est de l’Inde.

L’évolution séparée des citrus a donné des différences spécifiques pour :

- La taille et couleur du fruit

- La reproduction asexuée

- La résistance à des contraintes environnementales et accrochez-vous ...

- La taille du génome (tout en maintenant un nombre identique de 18 chromosomes).

- Le citronnier (Citrus limon), hybride de cédratier et de bigaradier et le limettier (Citrus aurantifolia) produit d’un croisement entre un papeda* (Citrus micrantha) et un cédratier.

* Papeda comprend les agrumes suivants : yuzu, hassaku, kabosu, sudachi, main de bouddha, kalamansi

Du sexe, diantre !

Ultérieurement dans l’évolution des citrus, des croisements sexués se sont produits et des espèces hybrides sont apparues :

- Citrus sinensis, l’oranger et Citrus aurantium, le bigaradier, qui sont les résultats des amours entre le pamplemousse et la mandarine

- Citrus limon, le citronnier, hybride de cédratier et de bigaradier et Citrus aurantifolia, le limettier qui sont les résultats des relations, non pas charnelles, mais fruitières entre un Citrus micrantha et un cédrat le lime ! Citron si intéressant pour confectionner certains cocktails, dont le célébrissime Mojito.

Que de chemin parcouru ...

 La première migration des agrumes date du premier millénaire avant notre ère, en direction de la Mésopotamie.

 Puis, nos agrumes voyageurs, qui aiment faire du tourisme, atteignirent les rivages de la Méditerranée, l’Égypte et la Grèce, entre le VIIIème siècle et le IVème siècle av J.C.

 L’introduction en Méditerranée du bigaradier, du pamplemoussier et du citronnier est attribuée aux Maures, aux Génois et aux Portugais au cours des Xème et XIIème siècles.

 Puis l’essor du commerce maritime au XVème siècle permit la diffusion des agrumes dans le monde.

 Christophe Colomb les introduisit dans les Caraïbes en 1493.

 Au XVIe siècle, les agrumes sont présents dans de nombreuses régions du continent américain.

 En provenance de Chine, les oranges douces ne furent connues en zone méditerranéenne qu’au XVème siècle et le mandarinier au XVIIIème siècle.

 En Méditerranée, la culture de ces différentes espèces d’agrumes, aboutit à de nouvelles formes hybrides, telles :

- La bergamote

- Le clémentinier et

- Le cédrat Corse

D’autres variations naturelles sont apparues telles :

- Les oranges sanguines

- Le pomelo issu des amours fortuites d’un pamplemousse et d’une orange à la fin du XVIIIème siècle dans les Caraïbes

Trop de choix tue-t-il le choix ?

 La diversité des variétés d’agrumes est, bien souvent, le résultat de modifications naturelles (mutations) et de croisements dus au hasard.

 Ces variétés se sont propagées grâce à la capacité de reproduction non sexuée qui se manifeste par le développement, dans la graine, d’embryons supplémentaires à celui issu de la fécondation.

  Néanmoins, cette reproduction non sexuée est inexistante chez les cédratiers, les pamplemoussiers et le clémentinier.

 Jusqu’au XXème siècle, le rôle de l’homme se limite à la détection fortuite et à la pérennité de la culture de formes nouvelles d’agrumes, apparues spontanément.

 Ainsi, les variations de couleur, de forme et de goût des variétés d’oranges, de citrons, et de pomelos s’expliquent par les modifications naturelles (mutations) des gènes impliqués.

Miam Miam

 Les agrumes ont, de tous temps, été appréciés pour leurs qualités décoratives, leurs parfums, leurs vertus médicinales et leurs goûts.

 Ils sont devenus les fruits les plus cultivés au monde.

 De plus, la maîtrise du sucre et de la distillation par les Arabes Andalous au Moyen-Âge (agrume confit et eau de fleur d'oranger), s'est diffusée en Occident.

Confitures, jus d’orange, de citron ou de pamplemousse pressés, tartes et gâteaux, agrumes confits, orangettes, oranges au chocolat, pâtes de fruit, mendiants, bonbons, berlingots font le régal des petits et des grands.

Business is business

 Les agrumes représentent la première production fruitière mondiale. La superficie totale plantée en agrumes est évaluée à plus de 3 millions d'hectares, répartie dans le monde.

 La production est spécialisée. Ainsi, au Brésil 86 % de la production d'agrumes conerne des oranges (industrie du jus).

 L’Inde, l’Espagne et le Mexique sont d'importants producteurs de citrons et de limes.

 La Chine produit plus de la moitié des pamplemousses mondiaux.

 La production mondiale, toutes variétés confondues, est d’environ 150 millions de tonnes par an.

 Les deux principaux pays producteurs en 2020 sont, en pourcentage, de la production mondiale :

 - La Chine avec 26,2%

  - Le Brésil avec 13,6%

 Puis viennent le Mexique, l’Espagne qui est, de loin, le 1er producteur en Europe (53% d’oranges et 30% de tangerine en Europe) et la République Démocratique du Congo.

 Les agrumes à jus sont les fruits les plus cultivés.

Et pour terminer, une anecdote, oh oui une petite histoire !

 A Séville, où j’ai la chance de vivre une partie de l’année, en centre-ville, c’est à dire la partie de la ville qui est enfermée dans la muraille qui servit à Bizet pour son opéra Carmen :

« près des remparts de Séville chez mon ami Lillas Pastia, j’irai dansé la Séguedille et boire du Manzanilla » ….

il y a, bordant les trottoirs, 18 000 orangers. Ces oranges sont des oranges amères, non comestibles et utilisées pour fabriquer la marmelade anglaise.

 La municipalité a des difficultés pour gérer le nombre trop important d’oranges qui tombent et pourrissent sur les rues et trottoirs.

 La mairie a donc décidé de distribuer ces oranges comme suit :

- La majorité des oranges est vendue aux Anglais pour la fabrication de la marmelade

- Une partie est vendue à des cultivateurs d’oranges pour transformation en produit dérivés : savons, produits de toilettes et cosmétiques, produits d’entretien fabriqués avec le jus des oranges, arômes alimentaires, huiles essentielles, …

- Une partie est transformée en biomasse pour la production d’électricité

et …. le reste est laissé sur les arbres pour nourrir les nombreux oiseaux qui peuplent Séville et autres animaux pour qui l’acidité de l’orange ne pose pas de problèmes gastriques.

Bonne dégustation !