Phobie des pièces borgnes

de Image de profil de SECON DINASECON DINA

Avec le soutien de  AthDeJad 
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Alors bon je vous décris le délire. Mais tout d'abord je vais me dresser un petit portrait.

Je suis la reine des réunions, j'en organise des kilos de créneaux. J'anime, je suis la maîtresse du temps, je recadre quand ça part en crabe, je synthétise quand l'heure défile, je détends l'atmosphère si les scuds fusent, je recentre si ça part en vrille, je donne rendez-vous pour la prochaine réunion à moins deux minutes de la fin, je remercie. Et hop je passe à la suivante.

Seulement voilà, hier, j'arrive rassasiée de certitudes devant la pièce 237 du 4ème étage pour une réunion de suivi QVT. Personne. Qualité de Vie au Travail d'accord mais pas Ponctualité au Travail pour ceux là, je rifougne en pensant à la réunion PT que je pourrais diriger à la place.

J'attends, seule, pas un chat. Bizarre, je me dis, et ce numéro, tiens, c'est bien la chambre 237 dans Shining, bizarre, je frisonne. J'appelle Thierry, un participant qui me dit en reprenant son souffle "On...euh...arrive, on est restés coincés dans l'ascenseur. Un gars a fait une crise de panique, je lui ai filé une beigne euh... je l'ai giflé pour qu'il se calme parce qu'il hurlait et que ça faisait monter la tension à tout le monde...et puis ça s'est débloqué. Après on a appelé les pompiers".

Je souffle en l'attendant et je regarde la porte devant moi. Je vois... le chiffre 217.

J'ai pas le temps de perplexifier, le groupe arrive, hilare et rougi d'émotions et de situations cocasses à raconter. Je compatis deux secondes, je canalise, le préposé aux badges ouvre la porte et nous nous engouffrons tous dans la pièce 237/217.

A l'intérieur, pas une fenêtre, pas une ouverture, rien. Quatre murs pleins couleur indéfinie entre le beige et le jaunasse. Et une porte. Basta. Une pièce borgne. De penser cela me donne un coup au foie, pourquoi borgne, je me dis, borgne comme une personne, comme si la pièce était une entité vivante ou comme un hotel borgne, malfamé, dangereux... J'inspire avec peine et fixe mon regard sur une immense table au milieu avec des chaises alignées autour comme autant d'adeptes sataniques. Un serrement immédiat au cou et une chaleur diffuse me monte du ventre tel un petit volcan. Pour la première fois depuis trois ans, je bafouille. On me regarde avec de droles d'yeux chafouins. Thierry s'approche de moi et me demande si je me sens bien et je l'entends de très loin. Soudain j'ai peur qu'il me file une de ces beignes dont il a le secret. Je fais oui de la tête. Et il part s'assoir en face de moi de l'autre côté de la table.

Les murs se rapprochent, une sensation de malaise se diffuse dans mes veines à l'allure d'un poison foudroyant, et plus je veux m'éloigner de cette idée, plus elle enfle pour me dévorer vivante.

Je m'assieds et je fais vite une petite série de respirations 4 X 4 (Inspire 4 secondes retient, expire 4 secondes bloque) pendant que le groupe s'installe en raclant les chaises, en échangeant encore à grand renfort de rires et en éteignant les portables. Je demande à Thierry de lancer la réunion, d'appeler par zoom les lointains, car je viens de recevoir un appel imaginaire super urgent et je sors de la salle de réunion en quatrième vitesse.

Dans le couloir je tente de me raisonner. Mon oeil est attiré par le numéro de la pièce. 237.

J'entends un bruit, je bloque ma respiration, je n'arrive pas à rentrer de nouveau pour demander de l'aide, je me souviens de Jack Torrance/Nicholson quand il entre dans la chambre 237. Les murs vont m'engloutir, je vais voir une sorcière avec des lambeaux de chairs putréfiés. Que puis-je faire, dire, penser, respirer ?

Je me laisse couler contre le mur et je me frotte la gorge pour faire entrer un peu d'air.

Thierry sort de la pièce, j'ai l'impression que c'est lui et que ce n'est plus lui. Il est plus grand, si... différent. Il me regarde avec un petit air triste et cruel. Je me dis que quelque chose cloche, Je sens qu'il diffuse quelque chose comme de la peur, il s'approche et tend la main, une main décharnée dont il ne reste que les os. Je m'évanouis à ce moment là...

Et me réveille entourée de 2 pompiers attentionnés qui me disent " Vous êtes la 2ème personne à faire une crise de panique à cet étage. C'est étonnant, non ?"

Non

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1 chapitre de 3 minutes
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En réponse au défi

Phobie

Lancé par volume@tahiti

Pour mon tout premier défi et pour ce mois propice aux choses effrayantes, j'aimerais vous proposer de mettre en scène une phobie (une des vôtres ou non) dans texte de la longueur de votre choix (le mien fait une page word), et d'indiquer dans le titre la phobie en question en plus du titre "officiel".

Description, fiction, peu importe : l'idée, c'est que ce soit évocateur pour les personnes non sujettes à la phobie en question (on peut même imaginer une phobie imaginaire... comme la peur des mots de 8 lettres ?)

à vos claviers ! (sauf pour les claviérophobes)

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