Chapitre 1 :

5 minutes de lecture

8 juillet 2021

Kasper :

Le soleil luit de mille feux et m'aveugle malgré les carreaux fumés qui cachent mes yeux depuis notre départ. J'ai toujours été sensible aux rayons UV. Ma mère m'a souvent répétée que cela est fréquent lorsqu'on a des yeux aussi clairs que les miens. Ils sont d'un bleu azurin et pour être tout à fait honnête, sont également ce que je préfère chez moi. Sans eux, je serais d'une terne banalité. Cheveux blonds qui tirent légèrement sur le roux lorsque je suis dans l'ombre, peau parsemée de taches de rousseur, corps fin voire maigre, rien de bien transcendant. Finalement mes iris pâles attirent les regards et bien souvent me font sortir du lot, éloignant ainsi ma fadeur ennuyeuse.

Le front contre la vitre de la voiture, j'observe le paysage défiler, les écouteurs bien ancrés dans les oreilles. Mes doigts tapotent ma cuisse sur le rythme d'une musique aux paroles espagnoles. C'est l'été, je me devais de remplir ma playlist en chansons entraînantes et dansantes pour ne pas perdre mon objectif de vue. J'ai décidé de m'amuser lors de ces vacances, délaisser mes bouquins et mes cours pour ne penser à rien d'autre que la chaleur et les activités que nous propose le camping dans lequel ma famille aime se perdre durant la période estivale. Rien de bien fou : le même bungalow loué depuis des années, une piscine avec quelques toboggans, des feux de camps tous les week-end et une poignée d'animations sportives et culturelles, tout cela agrémenté d'un bar à jus de fruits et alcools en tout genre à l'orée d'un bois que je n'ai jamais franchi.
Mon grand-père était le meilleur ami de celui qui a fait vivre ce lieu et pour cette raison, les Price n'ont pas changé de destination de vacances depuis presque quarante ans. Ma mère est devenue folle l'année dernière, lorsque ma petite sœur, Milla, a chuté en vélo quelques jours avant notre grand départ. Elle s'est brisée le bras et a dû se faire opérer d'urgence. Quand le stress et l'angoisse de la situation se sont peu à peu dissipés et que le médecin nous a annoncé que Milla allait bien, maman a braillé pendant des jours en se plaignant que nos vacances étaient complètement gâchées. Évidemment, pour elle c'était inenvisageable de décaler les dates de notre séjour, si le jour J était passé, cela signifiait tout simplement que nos deux mois au camping étaient annulés. Cela ne m'a pas spécialement dérangé, j'ai toujours préféré rester dans ma chambre avec un bouquin de science-fiction ou de fantasy dans les mains.
Je relève la tête lorsqu'un glaçon atterri sur mes cuisses, retirant en même temps une oreillette pour fixer mon père qui se brise la nuque pour me regarder. Nous sommes en plein bouchon et si la circulation était fluide il y a quelques minutes, désormais nous sommes pris au piège entre plusieurs rangées de véhicules.

— Quoi ? l'interrogé-je en récupérant le cube de glace à moitié fondu dans la paume de ma main.

— Tu n'as pas prononcé un mot depuis quatre heures que nous roulons.

— Je rattrape mon sommeil, bougonné-je. Je te signal que tu m'as réveillé à cinq heures du matin alors que nous sommes partis en milieu de matinée.

— Nous voulions simplement nous assurer que tu avais bouclé ta valise convenablement, intervient ma mère. Tu es du genre tête en l'air, Kas.

— Et nous avons eu raison ! Il y avait deux shorts dans tes bagages. Deux seulement !

— Et six livres nuls ! fanfaronne Milla.

Je lui jette un regard furibond alors qu'elle sourit sournoisement, laissant apparaître l'acier de son appareil dentaire.

— Tu as encore fouillé dans mes affaires ! grogné-je. T'es insupportable, Milla !

— Il n'y a jamais rien d'intéressant dans ta chambre, de toute façon, dit-elle en haussant les épaules. Je préférais quand Kate vivait encore à la maison, je pouvais lui piquer ses rouges à lèvres !

Notre père fronce les sourcils en baissant ses lunettes sur son nez. Le regard qu'il lance à Milla se veut contrarié, pourtant, ma sœur ricane en gesticulant sur son siège.

— D'ailleurs, demandé-je pour changer de sujet, quand nous rejoint-elle ?

— Dans quelques jours, m'informe maman, elle sera là pour ce week-end.

— Et ne t'avises pas de lui voler son maquillage ! grogne mon père en détaillant sa fille dans le rétroviseur centrale.

— Je suis sûre qu'elle me proposera de passer du temps avec elle, renchérit-elle, et si je lui demande gentiment elle acceptera de me relooker !

— Seigneur, soupire maman, ta sœur à vingt ans, et toi onze Milla. Il ne faut pas grandir avant l'âge.

— Mais c'est les vacances, ronchonne-t-elle. En plus, je vais m'ennuyer et Kas va encore rester dans le bungalow pour lire ses romans tout pourris !

Je lève les yeux au ciel, exaspéré. D'ordinaire, j'acquiescerais pour lui donner raison, mais ce n'est pas prévu ainsi cette année. J'ai bien envie d'avoir des choses à raconter à mes amis lors de la rentrée. En général, eux me balancent plein de choses folles tandis que j'énumère seulement les titres des livres que j'ai lu pendant deux mois. J'ignore même comment je suis parvenu à les garder dans mon entourage, étant donné que je refuse la moindre de leurs propositions de sortie et parfois même avant qu'ils n'aient le temps d'ouvrir la bouche pour me le demander. C'est probablement car Jonathan, Jess, Vinny et moi nous connaissons depuis l'époque des couches-culottes.

— Il y a énormément d'activités au camping, contre maman, tu n'auras pas le temps de t'embêter.

Milla roule des yeux tandis que mon regard ne lâche pas celui de mon père qui me fixe avec intérêt.

— Quoi ? soupiré-je. Pourquoi tu me regardes de cette façon ?

— Tu as promis d'essayer de t'amuser, Kasper, me rappelle-t-il. J'espère sincèrement que cette année sera différente et que tu rentreras à la maison avec de bons souvenirs.

— Tu parles ! Il va lire la totalité de la saga Harry Potter pour la centième fois, en fuyant le soleil comme la peste, s'amuse ma petite sœur.

Je grogne pour la faire taire, mais malheureusement cela ne fonctionne jamais avec elle. Je ne connais pas plus agaçante et teigneuse que Milla et je pense réellement qu'une personne pire qu'elle n'existe pas.

— Kas..., insiste papa, alors que la voiture recommence lentement à avancer.

— Oui, oui, je sais. Je vais m'amuser, râlé-je en replaçant convenablement mes écouteurs pour clore cette discussion.

Bien que cela était mon idée, j'ai peur de m'être trop emballé sur mes capacités à sociabiliser. Je ne sais pas m'amuser, et j'ignore comment m'y prendre pour m'ouvrir au monde extérieur. Et pourtant, je connais la quasi-totalité des vacanciers qui séjournent au camping, après tant d'années, ce n'est pas étonnant bien sûr, mais je ne me suis pour autant jamais mélangé.
Vais-je arrivé à mes fins, cette fois ? Ou est-ce que ma timidité va encore l'emporter ?

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