Chapitre 2 :

7 minutes de lecture

8 juillet 2021

Silas :

Le regard rivé vers le ciel d'un bleu immaculé, je souris comme un crétin. Cela fait déjà plusieurs heures que je surveille la piscine ; de grosses gouttes de sueur coulent le long de ma colonne vertébrale et imbibent mon tee-shirt qui arbore l'écusson du camping dans lequel je travaille. Cela pourrait être désagréable, pourtant je respire pleinement, bombant le torse et ne me défaisant pas une seule seconde de mon air béat. J'adore bosser dans cet endroit et visiblement je me débrouille assez bien puisque le patron du lieu m'a embauché pour la troisième année consécutive. Mieux encore, c'est lui qui m'a envoyé un mail au mois de mai en m'indiquant qu'il avait gardé ma place au cas où j'avais l'idée de revenir. En effet, c'était dans les plans et je ne peux qu'en être reconnaissant. Les emplois saisonniers m'aident à financer mes études et il n'y a pas plus réjouissant que de travailler en plein air lorsqu'il fait une chaleur pareille. Enfin, ce n'est que mon avis, puisque mon meilleur ami, Félix, lui préfère rester assis derrière une caisse dans un magasin climatisé et souriant comme un con heureux aux clients, du matin au soir.

— Silas, m'interpelle Annie, je prends le relais !

Je descends de mon perchoir en sautant sur mes pieds. De là haut, on a une vue parfaite sur tout le bassin et également sur les toboggans aquatiques. Il y a rarement de cas réellement critiques, la plupart des baigneurs se conforment aux règles et tout se passe correctement. En réalité, je suis là pour répéter qu'il ne faut pas courir au bord de la piscine et vérifier que les bouées et brassards sont bien gonflés. Le seul réel accident dont j'ai été témoin s'est déroulé lors de ma première année. Un gosse d'à peu près douze ou treize ans, tombé dans l'eau alors qu'il ne savait pas nager. Ce n'est pas moi qui l'ai secouru, je n'étais pas assez formé pour cela à l'époque et n'avais pas atteint la majorité, mais j'étais présent et la scène m'avait fait frissonner de terreur. Désormais, je n'ai plus peur et je suis prêt à sauter pour venir en aide à quiconque en aura besoin.

— Tu peux prendre ta pause, me sourit ma collègue, ensuite tu iras au bureau de Marco, il te dira quoi faire.

— Pas de souci ! lui réponds-je en tapant doucement son épaule. À plus tard.

Elle me gratifie d'un petit signe de la main puis toute son attention se pose sur l'endroit qu'elle a ordre de surveiller. Mes pas me guident d'eux-mêmes vers le bar et je soupire de bien-être en m'installant sur un tabouret.

— Une bouteille d'eau ? s'enquiert Thonyo.

Je souris au barman d'une quarantaine d'années, puis acquiesce tout en glissant l'extrémité d'une cigarette électronique entre mes lèvres.

— Bien fraîche, s'il te plaît.

Quelques secondes plus tard, la bouteille glacée est posée sous mes yeux, accompagnée d'un verre en plastique dans lequel se trouve un parasol en papier.

— Je n'ai pas besoin de ça, m'amusé-je, garde les pour les clients.

— Tu ne devrais pas fumer ces cochonneries, me conseille-t-il alors qu'un nuage de fumée à l'odeur de barbe à papa s'élève entre nous. C'est super toxique, à ce qu'on raconte.

— Ça ne peut pas être pire qu'une clope, il n'y a même pas de nicotine dans la mienne.

— Alors quel est l'intérêt ?

Son regard désabusé me fait rire, mais son visage souriant réapparaît lorsqu'une cliente en bikini rose bonbon s'approche pour passer commande. J'avale une longue gorgée d'eau tout en observant le barman tenter des techniques de dragues ringardes à la trentenaire qui semble s'en divertir.
Il va probablement falloir que je lui offre quelques cours, parce que clairement, là ça ne fonctionne pas. Je suis gay, et je l'assume pleinement mais cela ne doit pas être bien différent d'accoster une femme à la place d'un homme comme j'ai l'habitude de le faire, si ? Aucune idée, je n'ai jamais essayé, mais je suis pourtant certain de pouvoir faire mieux que lui et cela même auprès de la gente féminine.

— Je n'arriverai jamais à rien, râle-t-il en revenant vers moi. Est-ce que je me fais trop vieux pour ces conneries ?

Je pouffe de rire alors qu'il entreprend de remplir les distributeurs de serviettes en papier.

— Trop vieux, non, et puis tu es assez beau-gosse pour ton âge. Mais sérieusement, tu t'y prends comme un pied !

— C'est facile à dire quand on a dix-neuf ans, une bouille de bébé comme la tienne et cet air espiègle collé au visage à longueur de journée.

— Je sais, je suis irrésistible ! approuvé-je en levant le menton, passant une main dans ma crinière brune pour rabattre mes cheveux humides vers l'arrière.

— Tes chevilles vont gonfler, ronchonne-t-il, tu n'arriveras plus à avancer si tu continues de te lancer des fleurs.

— Elles vont parfaitement bien, merci de t'en soucier, m'exclamé-je en riant.

Pendant les dix minutes de temps libre qu'il me reste, je l'écoute se plaindre de ne jamais réussir à séduire les campeuses tout en le charriant quelques fois. J'adore ce type, il est probablement le plus vieux des employés et travaille ici depuis plus de dix ans. Je me suis immédiatement entendu avec lui lors de mon arrivée. Enfin, il y a une bonne ambiance entre tout le monde dans ce camping mais j'en apprécie certains plus que d'autres.
Après avoir avalé ma dernière gorgée d'eau, je prends congé pour me diriger vers le bureau du patron. Je slalome entre les tentes, les bungalows et les camping-cars jusqu'à mon point de destination. Je frappe quelques coups contre la porte en bois et entre lorsque la grosse voix de Marco se laisse entendre.

— Salut, chef ! Annie a pris ma place à la piscine, que me réserves-tu maintenant ?

Sans lever le nez de son ordinateur, il gratte son menton avant de me tendre une clé avec le numéro 13 inscrit dessus.

— Va vérifier si tout est en place pour l'arrivée des Price. Ils devraient être là d'une minute à l'autre.

— À tes ordres !

Je quitte la pièce en souriant encore. Je vais probablement me provoquer des crampes aux zygomatiques à force d'étirer les lèvres comme un crétin, mais je suis réellement heureux d'être là. L'été est la période que je préfère.
Je pénètre dans le logement et fais le tour des pièces pour m'assurer que les lits soient parfaitement faits, que le sol soit impeccable et que le cadeau de bienvenue soit à sa place sur la petite table de la cuisine. Marco accueille chacun de ses clients avec une corbeille de fruits. C'était une habitude de son père, apparemment et lorsqu'il a repris les rênes, il n'a pas fait cesser le geste. Il a même ajouté à ceci, un carnet de coupons pour des boissons gratuites au bar.
Lorsque j'arrive dans le petit salon, mes pas sont stoppés face à une fillette aux cheveux flamboyants. J'incline la tête en lui souriant, puis lui demande gentiment pour quelle raison elle se trouve ici.

— Mes parents louent cette maison chaque année. Toi, pourquoi t'es là ? m'interroge-t-elle en me pointant du doigt.

— Oh ! Tu es une Price, alors ! Moi c'est Silas, je travaille ici. C'est quoi ton prénom ?

— Ma maman m'a dit de ne pas parler aux inconnus.

J'éclate de rire face à sa repartie. Elle a un sacré caractère cette petite.

— Je me suis présenté, donc théoriquement, tu sais qui je suis.

Elle lève un sourcil en tapant du pied, les poings sur les hanches.

— Pas du tout, gronde-t-elle, peut-être que tu es un psychopathe et qu'en réalité tu ne travailles absolument pas ici.

Amusé, je m'apprête à lui montrer mon badge mais une voix résonne et me coupe dans mon élan.

— Bon sang, Milla ! Mais qu'est-ce que tu fais ? Comment tu es entrée ici, on n'a même pas encore les clés.

J'observe le garçon aux cheveux blonds qui à priori ne m'a pas remarqué. Il est dos à moi, et même en passant à un mètre de mon corps, il ne m'a pas vu.

— Moi je les ai, déclaré-je en riant.

Le blondinet sursaute et se retourne vivement pour me faire face. Sa main se pose sur sa poitrine, au niveau de son cœur alors qu'il rougit brusquement. Moi, je reste planté là, désormais aimanté à ce regard gêné et d'un bleu à couper le souffle.

— Oh, euh... je, pardon, enfin, je..., bégaie-t-il en rougissant davantage.

Sa peau pâle est désormais de la même teinte qu'une tomate trop mûre et sa réaction me fait éclater de rire.

— Je ne voulais pas te faire peur, m'excusé-je en secouant la tête. Je suis employé, et j'avais pour mission de faire le tour du logement avant votre arrivée.

— Oui, chuchote-t-il, pardon pour... le dérangement.

Il fait demi-tour et attrape fermement le poignet de la fillette au caractère bien trempé avant de se diriger vers la sortie.

— Aïe ! Tu serres trop fort, Kasper, se plaint la petite Milla.

— Je m'en moque, grogne le second, tu ne peux pas écouter de temps en temps ? Tu t'es sauvée et maman pestait déjà. T'es chiante !

La gamine râle mais je ne comprends pas ce qu'elle raconte. Ils sont désormais en dehors du bungalow et je les observe de loin en ricanant. Il n'a même pas pensé à récupérer les clés.
C'est génial d'avoir des frères et sœurs, non ? Je suis fils unique et cela me convient très bien.

Annotations

Vous aimez lire Li nK olN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0