Chapitre 3 :

6 minutes de lecture

9 juillet 2021

Kasper :

Je soupire de bien-être lorsque je m'installe sur la terrasse de notre bungalow. Il est encore très tôt et l'air n'est pas étouffant. Je me suis levé aux aurores pour profiter de la tranquillité du camping. En général, à partir de neuf heures, les vacanciers vont et viennent et font un boucan terrible. Cela ne m'empêche pas pour autant de me plonger dans mon livre mais je préfère tout de même être au calme. Je me place correctement, le dos contre le moelleux du fauteuil et les pieds sur la table, puis enfin, j'ouvre mon bouquin.
La journée d'hier a été longue et j'ai sombré dans un profond sommeil à peine allongé dans mon lit. Ce matin, je me sens reposé et prêt à attaquer le troisième et dernier tome de la saga dystopique que j'ai débuté il y a quelques jours.

Je sursaute brusquement lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Absorbé par ma lecture, je n'ai pas entendu maman approcher. Je relève la tête, les yeux ronds tandis qu'elle me fixe désespérément.

— Ce n'est que moi, dit-elle en posant un verre de jus de fruits sur la table. Avec qui mas-tu confondu cette fois ?

— Désolé, soufflé-je, mais j'étais en plein combat avec un réfractaire politique, tu m'as fait peur !

Elle lève un sourcil, puis soupire et pousse mes jambes pour venir s'asseoir près de moi. Sa main se pose sur mon bras et un baiser atterri sur ma joue.

— Kasper, rassure-moi, tu as conscience que tu n'es pas le héros de toutes les histoires que tu lis, n'est-ce pas ? Tu es au camping, et non pas dans un univers parallèle.

— Ce n'est pas un monde parallèle, en fait, cela se déroule en 2145, la révolution a éclaté et a causé...

— Kas ! bougonne-t-elle. Il est à peine huit heures et tu es déjà avec ton livre. Tu as pris ton petit-déjeuner, au moins ?

— Non, bredouillé-je en baissant la tête, mais je n'ai pas très faim.

— Il va faire très chaud, tu dois manger pour ne pas avoir de vertiges. Attends, je vais te préparer des tartines. Pâte à tartiner ou confiture ?

— Confiture, réponds-je à contrecœur, merci maman.

Elle me sourit et pénètre à nouveau dans le logement, tout en fredonnant je ne sais quelle musique. J'observe rapidement les alentours et remarque que le monde se lève peu à peu. Les volets des bungalows s'ouvrent, la fermeture des tentes se baisse et des chaises sont sorties un peu partout pour prendre le repas en plein air. Ma tranquillité aura été de courte durée mais soit, je me replonge entre les pages jusqu'à ce que tout le monde débarque sur la terrasse. Lorsque je lis, j'ai l'impression d'être invisible et j'apprécie particulièrement ce fait. C'est comme si personne ne pouvait m'atteindre.

— Que voulez-vous faire, pour ce premier jour de vacances ? s'intéresse mon père alors qu'il pose son journal sur la table.

— Je veux me baigner ! s'enthousiasme Milla. Ils ont un nouveau toboggan, je veux l'essayer.

— C'est un bon plan, ça ! se réjouit-il. Et toi, ma chérie ?

Ma mère incline la tête et semble réfléchir quelques instants, avant de faire glisser un flyer sous les yeux de son mari. Papa lit brièvement le papier puis hoche la tête.

— C'est super, on y va !

— Qu'est-ce que c'est ? m'enquiers-je, en mordant mon toast.

— Une visite guidée du village voisin, ça a l'air super intéressant. Tu nous accompagnes ?

J'observe mon père, une mine dépitée sur le visage.

— Non, merci. Je vais plutôt rester là pour...

— ... lire, me coupe Milla, oui, on le sait.

Je me renfrogne, maintenant ma tête sur la paume de ma main pour fixer mon assiette presque pleine.

— On vient ici depuis toujours, on connait le village, me défends-je.

— C'est vrai, mais ça peut être chouette d'en apprendre davantage sur l'histoire du coin. Tu aimes ça, fait remarquer maman.

— Oui, mais je préfère apprendre en lisant.

— Tu es tellement ennuyeux, ronchonne ma petite sœur. Vraiment, tu me donnes envie d'aller me recoucher.

Mon cœur se comprime, alors que je grimace en sentant mes joues s'enflammer. Milla n'en a probablement pas conscience mais ses propos m'ont peiné. J'aimerais avoir tant de facilité qu'eux pour me divertir, ce n'est pas ma faute si je ne trouve ma place que dans des univers qui n'existent pas.

— Milla, gronde papa, cesse d'être méchante. Kas a promis de s'occuper autrement qu'en lisant, nous devons l'encourager plutôt que lui lancer des vacheries.

— En fait..., soufflé-je, je voulais accompagner Milla à la piscine.

C'est faux.
Ce n'est absolument pas ce que j'avais prévu mais je me devais de rembarrer ma sœur pour ne pas lui montrer que je suis blessé. Elle est agaçante, à cause d'elle, je vais devoir prendre sur moi.
Le visage de maman s'illumine lorsque je relève la tête pour détailler la réaction de ma famille. Cela apaise très légèrement mon trouble.

— C'est vrai ? s'exclame Milla. Oh, pardon, Kas ! T'es génial, en fait.

Elle se penche sur sa chaise pour me serrer dans ses bras alors que je bougonne des propos inintelligibles.

— Parfait ! se réjouit papa. C'est top, ça, Kas !

Le petit-déjeuner se poursuit, les conversations se diversifient tandis que j'angoisse à l'idée de me retrouver au milieu des campeurs. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de dire une telle chose, mais maintenant je n'ai pas d'autre choix que de m'y conformer.
Une heure plus tard, je me retrouve seul en présence de ma petite sœur. Nos parents se sont rapidement préparés pour rejoindre l'accueil, là où un bus attendait déjà le groupe de visiteurs.
Je quitte la salle d'eau après une douche rapide, vêtu d'un bermuda bleu et d'une chemise à courtes manches.
Milla me dévisage puis fronce les sourcils en récupérant son sac à dos.

— Je ne suis pas sûre que tu as le droit de te baigner habillé.

— Ce n'était pas mon intention, déclaré-je en attrapant mes lunettes de soleil ainsi que mon bouquin fraîchement commencé.

— Quoi ? Mais tu as dit que...

— J'ai dit que je t'accompagnais, pas que j'allais sauter tête la première dans la piscine.

Elle grogne de frustration en quittant le bungalow d'une démarche mécontente. Cela m'est égal, moi aussi je suis de mauvaise humeur et c'est à cause d'elle. Si elle n'avait pas prononcé des mots désagréables, j'aurais pu rester ici, et seul en plus.
Lorsque nous arrivons près du bassin, mon regard se balade rapidement d'un campeur à un autre. Il y a trop de monde et je me sens mal à l'aise. Je place les lunettes sur ma tête et pars vite m'isoler dans un coin plus calme, tout de même assez prêt de la piscine pour garder Milla en visuel.

— Je vais me mettre ici, l'informé-je en m'installant contre un arbre. Ne fais pas de bêtises, ok ?

— Oui, soupire-t-elle. T'es pas marrant.

J'ignore sa remarque et lui balance le tube de crème solaire que j'avais dans la poche.

— Mets ça, et ne t'éloignes pas trop.

Elle hoche la tête, puis se dirige tranquillement vers le plongeoir tandis que je reprends ma lecture. Il y a trop de bruit, beaucoup de remue-ménage que je tente d'oublier en me concentrant sur les mots qui défilent sous mes yeux. Le temps passe, parfois, j'observe ce que fait ma sœur avant de replonger tête baissée vers le récit incroyable qui me tient en haleine. J'ai la sensation d'être seul au monde, perdu au milieu d'une Amérique en guerre, jusqu'à ce qu'une ombre se dessine face à moi et m'incite à lever la tête.
Mon cœur s'emballe d'appréhension lorsque je croise un regard vert d'eau planté dans le mien. Je reconnais immédiatement l'employé de la veille, monté sur un bon mètre quatre-vingt, qui me surplombe et m'empêche d'inspirer convenablement. Il me sourit, et je me demande pour quoi il est venu à ma rencontre. L'angoisse me submerge à l'idée de devoir parler, je sens mes joues s'enflammer tandis qu'il incline la tête en souriant toujours plus.

— Salut ! s'exclame-t-il en baissant rapidement le regard vers mon livre ouvert sur mes cuisses. Kasper, c'est bien ça ?

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