Chapitre 4 :

5 minutes de lecture

9 juillet 2021

Silas :

Je souris face au blondinet, attendant patiemment qu'il me réponde. Il semble troublé et je m'interroge sur ce qu'il peut bien se passer dans sa tête à cet instant. J'ignore ce qui m'a poussé à venir vers lui, si c'est le fait qu'il est le seul vacancier qui bouquine au lieu de profiter de la piscine ou si c'est parce que son visage ne me semble pas inconnu. Plus je l'observe et plus j'ai la sensation de l'avoir croisé plusieurs fois, et c'est fort possible puisque sa famille fait partie des habitués. En réalité, c'est le bleu de ses yeux qui me perturbe. Ils sont si clairs et si peu communs que les oublier aurait été un drame. Je suis persuadé de les avoir déjà vus, pour autant je ne lui ai jamais parlé auparavant, je m'en souviendrais si cela avait été le cas. En réalité, j'aimerais juste comprendre pourquoi je ne l'ai pas accosté les années précédentes. Il paraît jeune, et c'est sûrement la réponse à ma question mais désormais, je souhaite faire sa connaissance.

— Tu viens souvent ici ? insisté-je face à son silence. J'ai l'impression de t'avoir déjà vu.

Je connais évidemment la réponse, mais j'aimerais réussir à le faire parler. Ses joues rougissent, me provoquant un énième sourire. Toujours muet, il lève la main pour atteindre les lunettes de soleil posées sur sa chevelure dorée. Je fronce les sourcils lorsqu'il me prive de la profondeur de ses iris ; ils sont bien trop beaux pour être cachés. C'est probablement excessif comme réaction, mais je suis du genre à admirer les belles choses et je n'aime pas qu'on m'empêche de me repaître d'une vision agréable. Si Félix était présent, il me bassinerait sur le fait que je m'intéresse à tout ce qui bouge. C'est faux, évidemment, j'aime simplement faire de nouvelles rencontres. C'est sûrement pour cette raison que ça me plaît de travailler dans un endroit comme celui-ci.

— Je..., commence-t-il, oui, enfin... mon grand-père était...

Il fait une pause, inspire longuement tandis que ses doigts se mettent à trembler sur son livre. J'ignore comment réagir face à cela. Mon intention n'est pas de l'embarraser ou de le contraindre à me parler, mais je n'ai pas non plus envie de partir sans avoir tenté de le dérider.

— ... un très bon ami du propriétaire, finit-il en baissant la tête.

— Ah oui ? Moi, je ne l'ai pas connu, quand je suis arrivé ici, c'était déjà son fils aux commandes. Marco, tu le connais ?

Il hoche la tête, puis déglutit en déposant son livre dans l'herbe.

— Ma mère a grandi avec Marco, dit-il sans me regarder, je le connais depuis... toujours.

— C'est fou ! m'exclamé-je. Il est pas mal cet endroit, tu dois avoir passé de bons moments, ici.

— Pas vraiment, me répond une voix dans mon dos, la seule chose qu'il aime, c'est lire !

Je pivote vers Milla qui a fait son apparition aux côtés de son frère. Ce dernier grogne en cachant son visage rougi derrière ses paumes. Je réprime un sourire, je le trouve assez mignon pour être franc.

— Tient donc, mais c'est Salamèche que voici. Es-tu de meilleure humeur qu'hier ?

La petite grimace en s'asseyant contre le tronc d'arbre qu'occupe Kasper.

— Pourquoi Salamèche ? ronchonne-t-elle en se couvrant d'une serviette de bain.

— Parce que tu es rousse, Milla, soupire son frère en dévoilant enfin son visage.

— Et alors ? Toi t'es blond, pourtant personne t'appelle Pikachu.

Je pouffe de rire face à l'air désabusé de ce dernier. Il tente un regard vers moi mais change d'avis lorsqu'il remarque que je le fixe en souriant. Ses lunettes me dérangent, j'aimerais admirer la timidité dans ses yeux.

— Pikachu, répété-je tout en le détaillant, oui, ça te va bien. Il me semble qu'il a les joues toutes rouges, lui aussi.

Un hoquet de surprise passe ses lèvres alors qu'il s'enfonce contre son arbre. Sa cadette éclate de rire en hochant la tête.

— Finalement, je t'aime bien, toi !

— Ravi de l'apprendre, m'amusé-je tandis que Kasper devient blême.

Il récupère son livre et se cache derrière en nous ignorant. Milla lève les yeux au ciel puis me lance un regard dépité en désignant son frère.

— Il ne sait pas s'amuser, soupire-t-elle. Il a promis d'essayer mais ça commence mal.

— Bon sang, tais-toi, Milla, grogne le concerné sans lâcher son bouquin des yeux.

— Hum, peut-être que tu pourrais te baigner, proposé-je, tu es déjà sur place.

— Je n'ai pas de maillot de bain.

— Il ne va jamais dans l'eau de toute façon. J'avais espoir qu'il vienne avec moi mais encore une fois, je me suis trompée.

Mes yeux dérivent vers Milla, qui hausse les épaules. Elle a l'air déçu, tandis que son frère paraît désormais agacé.

— Pourquoi ?

— Il n'a pas mis les pieds dans la piscine depuis qu'il est tombé dedans, il y a deux ans. Il a dû se faire peur, sûrement.

— Ferme-la ! peste-t-il en se relevant à la hâte. En plus, c'est toi qui m'a poussé !

Les joues de Kasper ne sont plus rougies, par contre, il est étrangement livide. Les doigts crispés autour de son livre, il commence à s'éloigner en râlant contre sa sœur. J'observe la scène, sans vraiment savoir quoi faire.

— Attends, Kas ! s'écrie-t-elle. Pardon, reviens.

Il ne répond pas, continue de nous distancer tandis que la gamine soupire en laissant tomber l'idée de le rattraper. L'envie subite de le suivre me prend aux tripes, pourtant je ne bouge pas. Ce n'est pas l'heure de ma pause et je suis contraint de rester près de la piscine. Je ne souhaite pas me faire réprimander par Marco, pourtant, j'aimerais le rejoindre pour tenter de l'apaiser. Il avait l'air mal à l'aise et en colère. Ce n'était pas mon intention en venant vers lui, bien au contraire.
Je me tourne finalement vers Milla qui triture un coin de sa serviette.

— Tu ne vas pas le voir ?

— Il ne parlera pas, je l'ai énervé, je crois.

— Ouais... je crois, aussi.

Mon regard balaie le bassin pour m'assurer que tout se passe convenablement, puis les paroles de la petite me reviennent en mémoire.

— C'est ici qu'il est tombé dans la piscine ?

— Oui, pourquoi ? Il a avalé une grosse quantité d'eau et un secouriste a dû lui venir en aide.

Soudainement, les pièces du puzzle se rejoignent et je comprends enfin.

— Il y a deux ans, tu dis ?

Elle acquiesce, puis récupère son sac à terre et part en me faisant un petit signe de main.
Les yeux de Kasper, ils me sont familiers parce que je me suis déjà plongé dedans lors de ma première année au camping. Comment ai-je fait pour ne pas m'en apercevoir plus tôt ? L'accident dont j'ai été témoin lors de mon arrivée, le gamin qui s'est presque noyé dans le bassin, en fait, c'est lui. J'en suis persuadé, je me souviens parfaitement de la scène dorénavant. Il est plus grand et son visage a relativement changé depuis, mais ses iris eux, me confirment qu'il est bien la personne à laquelle je pense.

Annotations

Vous aimez lire Li nK olN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0