Chapitre 5 :

7 minutes de lecture

9 juillet 2021, début de soirée.

Kasper :

— Tu n'as rien avalé, fait remarquer maman. Est-ce que tout va bien, Kas ?

Je hausse les épaules alors que mon regard croise le sien. Je n'ai pas faim, pourtant les brochettes que papa à fait cuire sur la plancha avaient l'air très appétissantes. Depuis ce matin, la seule chose qui tourne en boucle dans mon esprit, c'est la honte que j'ai ressenti face à l'employé du camping. Je me sens encore minable et un mal de ventre ne m'a pas quitté depuis. Lire ne m'a pas aidé, je n'ai pas réussi à plonger dans mon roman et cela n'a fait que croître mon agacement.

— Je suis juste fatigué.

Maman me fixe avec intérêt, puis soupire en se tournant vers Milla.

— Et toi, ma puce ? Tu es étrangement silencieuse.

— C'est vrai, approuve papa, il s'est passé quelque chose ?

— Non, réponds-je hâtivement.

Mon téléphone vibre dans la poche de mon bermuda et attire mon attention. C'est un message de Vinny dans une conversation de groupe, s'ensuit rapidement une réponse de Jess.

— On s'est disputé avec Kas, déclare Milla. C'est ma faute.

Je grogne, pourtant, je ne me soucie pas de ce qu'il se passe et reste concentré sur l'écran du portable. Pour une fois, ma très chère petite sœur assume ses bêtises.

VinGasoil :
Yo, l'équipe ! Quoi de beau pour ce début de vacances ?

Jess Ikea :
L'Italie c'est vraiment le pays de l'amour ! C'est absolument magnifique les gars !

JauneAttend :
C'est toi qu'est magnifique Jessy.

VinGasoil :
Lâche l'affaire, Jonathan, elle n'a d'yeux que pour moi.

Kas LeGentilFantôme :
C'est affreux, je veux rentrer chez moi.

Jess Ikea :
Pourquoi ?

JauneAttend :
Hein ? :ooo

Jess Ikea :
Et désolée de te décevoir Vinny, mais je préfère la beauté des spaghettis !

Kas LeGentilFantôme :
J'ai envie de tuer Milla.

VinGasoil :
Tu me brises le cœur, mais on a d'autres problèmes. Raconte tout Kastor !

JauneAttend :
Ta sœur est une peste, c'est carrément pas un scoop !!!!! X)

Kas LeGentilFantôme :
Elle est insupportable. Elle m'a fichu la honte, je suis passé pour un nul.

Jess Ikea :
Mais... babe ! Dis pas ça :(

JauneAttend :
Babe ? :o Et moi alors ?

VinGasoil :
Tarte-la, ça la calmera.

Kas LeGentilFantôme :
T'as pas d'autres idées stupides, comme ça ?

Jess Ikea :
Boude pas Yellow, vous êtes tous les babiiiies de mon cœur. ♡

— Kasper ! gronde papa, me faisant sursauter.

Lorsque je relève la tête vers lui, il me dévisage, les sourcils froncés et les lèvres pincées.

— Quoi ?

— Tu ne nous écoutes absolument pas.

— Désolé, je répondais aux messages sur WhatsApp.

— Tu auras le temps de parler à tes amis plus tard, ronchonne-t-il, mais moi, j'aimerais que tu me répondes quand je m'adresse à toi.

— Tu peux répéter ?

— Que s'est-il passé avec ta sœur ? s'impatiente maman.

— Rien, elle parle trop, comme d'habitude.

— Je t'ai dit que j'étais désolée, Kas, soupire Milla en tentant de me sourire.

— Je sais, soufflé-je, laisse tomber, c'est pas grave.

Je récupère mon livre posé sur le table et me lève sans rien ajouter. Le soleil commence à baisser et la nuit ne va pas tarder à tomber. J'aimerais avoir le temps de profiter de l'extérieur avant qu'il ne fasse plus suffisamment clair pour que je puisse lire. J'aime bien faire ça, bien que je reste seul la plupart du temps, je ne dis pas non pour un coin calme et à l'air libre, parfois. Enfin, non, cela ne m'arrive presque jamais mais la seule chose que je désire pour le moment c'est être loin de ma casse pieds de sœur.

— Où vas-tu ? me questionne maman.

— Me promener.

— Avec ton livre ?

— Il me tiendra compagnie.

Elle soupire tout en entreprenant de débarrasser la table. Papa s'est éclipsé et je me demande s'il est en colère contre moi, mais je mets rapidement cette pensée de côté pour prendre la route.

— Très bien, concède-t-elle, mais ne rentre pas trop tard, d'accord ?

J'acquiesce puis accélère le pas, en ruminant. Je me sens mal, vraiment nul et bien que mes amis me disent le contraire, je me trouve minable de ne pas parvenir à combattre ma stupide timidité. Chaque fois qu'un regard se pose sur moi, je suis à la fois gêné et incapable d'aligner deux mots. C'est paradoxal, je répète sans cesse que j'adore mes yeux parce qu'ils me différencient des autres, mais à la fois, je les déteste parce qu'ils ont tendance à attirer les gens. C'est idiot comme raisonnement, comment peut-on aimer autant que haïr une même chose ?
J'erre dans le camping, saluant parfois des têtes que je connais tout en restant silencieux et distant pour ne pas les inciter à la discussion. Cela peu paraître malpoli, mais en réalité, je suis juste terrorisé à l'idée de ne pas savoir quoi dire ou d'avoir l'air bête.

— Oh ! Kasper, je suis heureuse de te voir, me hèle Magnolia, tu passeras le bonsoir à tes parents.

— Je n'y manquerai pas, murmuré-je en souriant timidement à la vacancière que je connais depuis que j'ai cinq ans.

Je me presse un peu, pour la dissuader de continuer sur sa lancée. Elle m'envoie un baiser qu'elle souffle sur la paume de sa main avant que je ne baisse la tête. Magnolia est une vieille dame qui adore parler mais elle me connait et sait parfaitement que j'ai du mal à discuter alors en général, elle n'insiste pas.
Je continue de marcher durant plusieurs minutes, jusqu'à trouver l'emplacement parfait pour être au calme. Je me place entre deux arbres et respire enfin correctement lorsque je suis en paix avec moi-même. Je continue ma lecture, cette fois un peu plus attentif que plus tôt dans la journée. L'air est doux, il ne fait ni trop chaud, ni froid. C'est agréable et reposant. J'ignore depuis combien de temps je bouquine mais l'obscurité se propage peu à peu et me force à plisser les yeux pour parvenir à lire.

— Qu'est-ce que tu lis ? s'élève une voix qui me fait sursauter.

Mon corps se crispe lorsque je reconnais celle de l'employé dont j'ignore toujours le prénom. Ce n'est pas difficile de le différencier des autres, il a un léger accent britannique lorsqu'il s'exprime. Un timbre chaud et perturbant, que j'avais tenté d'ignorer plus tôt dans la journée. Mes joues s'échauffent et je remercie la nuit qui pointe, elle cache probablement mes rougeurs.
Pourquoi est-il encore venu me parler ?
Lentement, je relève le regard vers lui. Il sourit, encore. Je me demande comment c'est possible d'être si joyeux mais jamais je n'aurai la force de lui poser la question. Je pointe la couverture du livre dans sa direction pour qu'il puisse lire le titre, ainsi, j'évite de parler et de risquer de me ridiculiser pour la troisième fois face à lui.

— Je ne connais pas, déclare-t-il. Mais bon, je ne lis pas souvent, en fait, je n'aime pas trop ça. Je préfère les séries, mais je n'ai pas vraiment le temps de me prélasser sur un canapé. Ça parle de quoi ?

Sans se soucier de mon avis, il se laisse tomber les fesses par terre, face à moi. J'aimerais lui demander pourquoi il s'intéresse à moi, la question me chatouille la langue mais je sais pertinemment que je ne parviendrai pas à la prononcer alors je hausse les épaules. Mon mal de ventre s'intensifie lorsque je croise le vert pâle de ses yeux, repensant à mon comportement pathétique.

— C'est un roman dystopique qui se déroule en 2145, dans une Amérique en guerre. Les révolutionnaires ont pris le dessus et se sont dressés contre le pouvoir. Ils mènent une...

J'arrête de parler lorsque ses lèvres s'étirent et que je sens mon cœur s'emballer. Pourquoi il me regarde comme ça ?

— Quoi ? bredouillé-je en baissant la tête, les joues anormalement chaudes.

— Oh, rien. C'est juste que cette fois, tu n'as aucune difficulté à discuter. C'est parce que ta sœur n'est pas là, ou parce que tu me racontes ton livre ?

Étonné, je lève brusquement la tête dans sa direction. Mes doigts tremblent et mon cœur bat beaucoup trop rapidement. Je me sens accablé, oppressé et les mots restent désormais coincés au fond de ma gorge.
Il m'observe pendant ce qui me paraît être une éternité. Souvent, mon regard quitte le sien, incapable de le supporter pendant de trop longues secondes. Son sourire s'efface peu à peu, tandis que mon palpitant continue de battre à un rythme effréné. Ses yeux détaillent chaque recoin de mon visage alors que je peine à respirer correctement.

— Je suis désolé, pour tout à l'heure, finit-il par dire en passant une main à travers d'épaisses mèches brunes. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise.

J'acquiesce, lentement, puis clos les paupières pour tenter d'inspirer. Je frotte mes paumes moites sur mon bermuda et ferme mon livre après avoir inséré le marque-page. Il fait désormais trop sombre pour que je tente de l'ignorer en lisant.

— Je m'appelle Silas, dit-il en me tendant la main.

J'écarquille les yeux, le regard rivé sur ses doigts pointés dans ma direction. Avec hésitation, je lui serre mollement la main avant de me racler la gorge et de m'enfoncer davantage contre le tronc qui me soutient.

— Kasper, chuchoté-je.

— Je sais, sourit-il en hochant la tête. Dis-moi, Kasper, j'ai une proposition à te faire, tu veux bien l'écouter ?

Mon corps se fige, d'instinct, probablement. Le regard rivé au sien, j'attends la suite, sans vraiment savoir à quoi m'attendre. Je ne le connais pas, que peut-il bien me proposer ?
Il hoche deux fois la tête face à mon silence, puis, l'incline légèrement avant de lâcher la bombe.

— Milla a dit que tu souhaitais t'amuser, n'est-ce pas, et que tu ne sais pas comment t'y prendre, non ? Alors, je me demandais...

Il s'interrompt, observe ma réaction puis ricane pour je ne sais quelle raison avant d'ouvrir à nouveau la bouche.

— ... si tu accepterais mon aide pour y parvenir ? J'adore m'éclater, je peux être un bon professeur, je t'assure !

Pris de cours, j'avale ma salive de travers et me mets à toussoter, le visage brûlant et le cœur en arrêt momentané.

— Par... pardon ?

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