Chapitre 6 :

5 minutes de lecture

11 juillet 2021

Silas :

Lorsque j'arrive près du bureau de Marco, quasiment tous mes collègues sont déjà présents. Le soleil n'est pas encore levé et pour cause, il est à peine quatre heures du matin. J'ai très peu dormi la nuit dernière, je suis resté au téléphone avec Félix pendant un très long moment. Il me manque ce crétin, mais j'avoue que lorsqu'il se met à parler, il ne s'arrête jamais et parfois c'est épuisant. Surtout quand la seule chose que je désire c'est câliner Morphée jusqu'au petit matin.
Aujourd'hui, c'est dimanche et comme chaque fois, nous assistons à la réunion pour le programme de la semaine suivante. Marco souhaite que l'on fasse ça le plus tôt possible pour ne pas déranger les vacanciers, mais surtout pour que chacun soit à son poste en temps voulu.

— T'as mauvaise mine, grimace Thonyo en se plaçant à mes cotés.

— Courte nuit.

D'une main lasse, j'écarte les mèches qui retombent sur mon front puis inspire longuement sur ma cigarette électronique. Le barman me gratifie d'un regard lourd mais retient les réprimandes qu'il meurt d'envie de me répéter pour la cinquantième fois.

— C'est à l'ananas, déclaré-je en expirant ma fumée vers son visage, tu le sens ?

Il lève les yeux au ciel puis se laisse tomber sur un banc. Je le suis de bonne grâce, bien heureux de pouvoir m'asseoir alors que ma journée de travail commence à peine.

— Tu as séduit un petit campeur pour être si lessivé ce matin ? s'intéresse-t-il, un sourire entendu sur les lèvres.

Immédiatement, et sans pouvoir me réfréner, mon esprit se focalise sur Kasper. J'ignore pour qu'elle raison, et j'avoue que ça me perturbe un peu. Cela fait deux jours que j'attends qu'il me donne une réponse suite à la proposition que je lui ai fait, mais ça fait également le même temps que je ne l'ai pas croisé. Je l'ai cherché du regard près de la piscine, un peu partout dans les allées et aussi aux activités qui se trouvent aux quatre coins du camping, pourtant je n'ai pas eu la chance de l'apercevoir, comme s'il n'avait pas quitté son antre pendant tout ce temps. Ce comportement m'a un peu effrayé, c'est pas vraiment commun de rechercher une personne de cette façon, du soir au matin, puis j'ai réalisé que ce n'était pas volontaire. Mes yeux se posent d'instinct sur lui depuis que je l'ai croisé dans le bungalow lorsqu'il cherchait sa sœur, enfin, quand il se décide à se montrer.

— Même pas, soupiré-je, j'ai passé des heures au téléphone.

— Ce n'est pas vraiment ce que j'imagine quand je te regarde.

— Ah bon ? Et que vois-tu dans ce cas ? m'amusé-je, un sourire séducteur aux lèvres.

Mon collègue lâche un éclat de rire avant d'abattre gentiment son poing contre mon épaule.

— Ton charme ne fonctionne pas avec moi, ricane-t-il, puis je suis bien trop vieux pour toi.

— Tout dépend de comment on passe notre temps, songé-je. Hum... ouais, ça pourrait le faire.

— Arrête tes conneries, dit-il en secouant la tête.

Je pouffe de rire, m'amusant de ma propre stupidité. C'est évidemment de l'ironie, mais l'embarras peint sur son visage me fait rire et me pousse à approfondir ma bêtise.

— Quoi ? me défends-je. T'es vachement bien bâti pour un type de quarante-deux ans. Tu sais, moi ça ne me gêne pas.

— Silas, grogne-t-il en se grattant le menton, tu es irrécupérable.

— C'est comme ça que tu m'apprécies, allez, avoue-le !

Il lève les yeux au ciel, désormais complètement désabusé tandis que je me marre sans aucune gêne. J'aime bien user de mes charmes parfois, même si j'ai conscience que tout le monde ne tolère pas ce genre de comportements. Thonyo a beau me le reprocher, je sais qu'il ne voit là qu'une façon de me divertir et en aucun cas une réelle proposition. Ce dernier me dit de la boucler lorsque notre patron arrive enfin. Il se plante au milieu du cercle d'employés, le visage frais et reposé, le parfait opposé de l'image que je dégage ce matin.
Après une réunion de trois quart d'heure, les plannings et consignes distribués, il nous invite à prendre nos postes. Cette semaine, je serai à la piscine du matin et au bar en début de soirée, ce qui ravi le barman et moi aussi, un peu, je l'avoue. Travailler avec Thonyo me va très bien, je préfère cela plutôt que de m'occuper des stands de nourritures. Je déteste avoir l'odeur des beignets et gaufres sous le nez pendant des heures. En soi, mon emploi du temps pour la semaine à venir est assez léger. J'ai mes après-midi de libres, que demander de plus ?

— Je vais pouvoir t'aider à draguer les campeuses, minaudé-je à mon collègue.

— T'es con, ronchonne-t-il. Le premier feu de camps sera ce week-end, tu as déjà ton poste ?

— Pas encore, et j'espère sincèrement que je ne serai pas au restaurant ! T'as de la chance toi, t'es toujours au même endroit.

— C'est évident, je suis barman de profession, se vante-t-il en souriant.

Je m'apprête à répliquer mais mon attention est attirée par la voix grave de Marco, qui visiblement se réjouit. Une petite blonde est à ses côtés, les traits tirés de fatigue, mais un sourire sincère sur les lèvres.

— Tu arrives tôt ! Je pensais te voir en fin de matinée.

— J'ai roulé de nuit, la circulation est bien meilleure, déclare-t-elle en enlaçant le patron.

Je reste fixé sur eux, détaillant la scène et me posant mille questions. Cette demoiselle à l'âge d'être sa fille, je me demande si je n'ai pas loupé un épisode ou deux et qu'elle l'est réellement, finalement.

— Tu dois être épuisée, fait remarquer Marco. Tu peux te reposer dans mon bureau en attendant d'avoir accès au bungalow de tes parents.

Ah... donc non, il n'est pas son père.

— Qui est-ce ? demandé-je discrètement à Thonyo.

Ce dernier suit mon regard, puis sourit en apercevant la blondinette.

— Katherine Price, c'est l'aînée de Harry et Madison. Marco et eux font presque partie de la même famille.

D'instinct, mon esprit se focalise sur Kasper et je tente de trouver des similitudes entre lui et sa sœur. Cette Katherine est belle, plus encore, elle est resplendissante et cela même avec les traces de fatigue qui marquent son visage. Ses cheveux sont d'un blond très clair et ses yeux bleus également. Ils sont jolis, mais pas autant que ceux de son petit frère. Les siens sont plus foncés, légèrement plus froids. Elle a le regard franc et peut-être un peu autoritaire, le contraire de Kasper et de la douce timidité qui noie ses iris azurs. Ils se ressemblent énormément, contrairement à Milla qui détonne avec sa chevelure fauve. Objectivement, cette demoiselle est magnifique, mais pour moi, son frère l'est davantage. J'observe Katherine se diriger vers le bureau du patron, tout en songeant à Kasper. J'aimerais pouvoir l'apercevoir aujourd'hui, réitérer ma proposition avec l'espoir qu'il accepte, qu'il me laisse l'aider à se dérider. Il y a quelque chose chez lui qui ne me laisse pas indifférent. J'ignore de quoi il s'agit pour le moment, mais je vais tout faire pour rapidement le découvrir.

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