Chapitre 8 :

7 minutes de lecture

12 juillet 2021

Silas :

Il est 13h30 lorsqu'Annie vient prendre ma place à la piscine. Cette matinée a été étrangement longue à mon goût, c'est une première depuis que je travaille ici. C'est probablement parce que je trépigne d'impatience de retrouver Kasper pour lui faire enfin découvrir les plaisirs de l'été. Je n'ai absolument aucune idée de ce que nous allons faire, je n'ai pas vraiment fait de plan en amont. Je vais simplement laisser les choses se faire naturellement et nous verrons bien comment notre après-midi évolu, à supposé déjà, qu'il n'ait pas changé d'avis depuis. Il s'est sauvé avec ses verres en main avant que je ne puisse lui dire quoique ce soit, par chance, j'ai croisé sa route ce matin alors qu'il cherchait Milla, ainsi, nous avons pu nous mettre d'accord pour l'endroit et l'heure de notre rendez-vous. Ses joues ont rougi et ses yeux m'ont regardés avec énormément de timidité, mais il ne s'est pour autant pas démonté.

— Ils ont prévu de l'orage pour cette nuit, m'informe Annie. Tu sais comment on doit agir dans ces cas là ?

— Oui, évidemment, lui réponds-je en souriant. Marco nous donnera sûrement les consignes en temps voulu.

Elle acquiesce puis me tend une pile de flyers avant de grimper en haut du perchoir.

— Je sais que tu ne travailles pas cet après-midi, mais tu peux en donner un aux campeurs que tu croises ? C'est l'annonce pour l'ouverture du pédalo.

— Pas de problème ! m'exclamé-je avec enthousiasme.

Notre grand patron à décidé d'élargir les activités du camping et à fait installer une dizaine d'embarcations dans le lac qui encercle la forêt. Son père avait eu l'idée plusieurs années plus tôt mais les moyens ne lui permettaient pas à cette époque. Depuis quelques temps, le camping fait de plus en plus de bénéfices et Marco a enfin passé le cap. Je suis surexcité à cette idée, c'est génial autant pour les employés que pour les vacanciers et le bouche-à-oreille ameutera probablement plus de monde.
Je délaisse ma collègue puis me rend à l'endroit où Kasper doit me rejoindre. Je m'adosse contre l'arbre sur lequel je l'ai surpris en train de lire quelques jours plus tôt et j'attends patiemment. Quelques minutes plus tard, je le vois apparaître, lunettes de soleil sur le nez et vêtu d'un polo blanc et d'un pantalon cargo vert kaki. Il est vachement beau. Je me demande pourquoi il est si gêné en présence d'autres personnes. Il n'a rien à envier à mon humble avis, ses yeux sont incroyables, sa peau pâle est sans défaut à première vue et les petites tâches brunes sur son visage lui octroient un coté juvénile que j'apprécie particulièrement.

— Salut..., souffle-t-il alors qu'il s'arrête face à moi.

Ses joues rosisent déjà, font s'étirer mes lèvres en un sourire tendre et compréhensif. J'aimerais qu'il ne soit pas si embarrassé en ma présence, bien que la vue qu'il me donne lorsqu'il rougit me plaît assez.
Mon regard se baisse vers sa main droite, ses doigts crispés sur le bouquin qu'il emmène partout avec lui.

— Tu n'en auras pas besoin, déclaré-je en le pointant de l'index.

— On ne sait jamais, bredouille-t-il.

— Remets-tu en questions mes capacités à te divertir ?

Je prends un air faussement blessé, les sourcils haussés et les lèvres pincées tandis que Kasper danse d'un pied à l'autre.

— Quoi ? Euh... non, c'est juste que... c'est une habitude.

— Détends-toi, pouffé-je, c'était une blague. Allez, viens, on y va.

— Où ?

— Je viens de terminer mon service, j'ai pas mangé et j'ai une faim monstrueuse. Ça te dit ?

— J'ai déjà mangé avec mes parents.

— Hum... Et un dessert, ça te tente ? proposé-je en entrant dans le restaurant.

Je lui jette un coup d'œil furtif afin de déceler ses réactions. Je remarque alors que ses doigts tremblent affreusement. Il n'est pas à l'aise du tout et ses yeux restent fixés sur le sol. Il y a énormément de monde à cette heure-ci, ce n'était peut-être pas fort malin de l'emmener ici.
Je pivote dans sa direction, tentant vainement d'attirer son attention. Il reste immobile, la respiration lourde alors pour qu'il se concentre sur moi, j'exerce une petite pression sur son menton avec mon index. Il remonte ses lunettes sur ses cheveux blonds, pour river ses yeux aux miens et me dévisager avec anticipation.

— Je vais passer commande, lui assuré-je. Tu n'as qu'à nous chercher une place en terrasse et lire en m'attendant. Tu seras sûrement plus à l'aise, non ?

Il me fixe un instant, puis hoche lentement la tête avant de se diriger précipitamment vers la sortie. Je soupire, l'observant se frayer un chemin entre les affamés qui remplissent l'espace. Cela ne va pas être chose aisée de le débrider, mais je ne lâcherai pas l'affaire pour autant. Je me suis lancé une mission, rien ne pourra m'empêcher d'arriver au bout et avec entière satisfaction. Lorsqu'enfin je récupère le plateau, je sors et observe les alentours pour finalement repérer Kasper dans un coin et le visage caché derrière son livre. Un sourire se forme sur mes lèvres, il est mignon, effrayé et perturbé mais rien ne le coupe dans sa lecture.

— Je ne sais pas ce que tu aimes, déclaré-je en arrivant à sa hauteur, alors j'ai pris un peu de tout.

Son regard se relève vers moi, puis se baisse vers les assiettes et s'arrondissent de surprise. Il détaille les beignets, les gaufres, les crêpes et enfin mon assiette de frites et l'énorme hamburger qui me fait envie. J'ai les crocs !

— Euh... je ne vais pas manger... tout ça.

— C'est pas grave, tu n'auras qu'à apporter le reste à tes parents.

Nous mangeons silencieusement pendant plusieurs minutes, enfin, moi je dévore mon plat tandis que Kasper grignote un beignet à la pomme. Il fuit mon regard et fait en sorte de ne pas attirer mon attention, s'enfonçant contre le dossier de sa chaise pour paraître minuscule. C'est raté, parce qu'honnêtement, comment peut-on ignorer des yeux aussi éblouissants que les siens ? Une pensée me traverse subitement l'esprit et j'attrape l'un des flyers que j'ai sécurisé sous le plateau pour ne pas qu'ils s'envolent. Je le fais glisser sur la table jusqu'à ce qu'il soit sous le nez de Kasper.

— Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il intrigué.

Il récupère le papier, le zieute brièvement puis le pli et l'enfonce dans sa poche.

— C'est top, mais je n'irai pas, déclare-t-il à voix basse.

— Pourquoi ça ?

— Je n'aime pas l'eau, répond-il d'un ton plus faible encore.

— J'ai cru comprendre, oui. Mais là, il n'est pas question de se baigner.

— Je pourrai tomber...

— Non, lui assuré-je, impossible.

— Pourquoi ?

— Premièrement, c'est sécurisé et deuxièmement, si tu y vas, je viendrai avec toi et ferai en sorte que cela n'arrive pas.

Son regard croise brusquement le mien tandis qu'il mâchouille sa lèvre inférieure d'une façon désespéré. Il tente de ne pas perdre pied mais je remarque la terreur et l'angoisse dans ses yeux bleus pâles. J'incline la tête, détaille chaque recoins de son visage, de ses joues écarlates aux quelques petites mèches blondes qui tombent sur son front.

— On risque les orages cette nuit, détourné-je pour éviter de le laisser s'enfoncer dans son trouble.

Évidemment, je ne lâche pas l'affaire, je remets simplement la conversation à plus tard. J'ai bien envie de tester les pédalos pour découvrir la beauté de la forêt sous un autre angle et c'est avec lui que je désire le faire. J'aborderai à nouveau le sujet lorsque le moment sera venu.

— Je n'aime pas ça, soupire-t-il en frissonnant. Le tonnerre me fait... peur.

Étonné, je le fixe sans rien dire pendant un court instant. Décidément, je n'ai pas choisi les sujets adéquats aujourd'hui. Mais au moins, ça me permet d'en apprendre davantage sur lui. Il a peur de l'eau, de l'orage et visiblement il aime les beignets à la pomme.

— Ce n'est que du bruit, le rassuré-je.

— Non, les éclairs sont dangereux.

— En effet, mais toi, tu viens de dire que c'est le tonnerre qui te dérange.

— Je n'aime pas... c'est trop brutal, trop fort.

— Tu sais quoi ? Moi aussi, j'ai peur de l'orage.

— C'est vrai ? s'exclame-t-il en ouvrant de grands yeux.

J'acquiesce en enfonçant une frite dans ma bouche, tandis que lui m'observe avec intérêt.

— Quand j'étais petit, ma mère me disait que c'était simplement le ciel qui faisait de la musique.

— C'est insensé...

J'éclate de rire face à son air dubitatif. Ses sourcils sont légèrement froncés alors qu'il semble réfléchir à je ne sais quoi.

— Pas vraiment, à mon avis. Grossomodo, c'est du son qui provient du ciel alors... c'est assez logique.

— Mais, et les éclairs alors ?

— Ce sont les spots de lumière pendant le solo de batterie !

Le silence s'installe alors que je continue mon repas, sans vraiment lâcher Kasper des yeux. Pendant plusieurs minutes, il fait la moue, puis son regard se pose sur moi à nouveau et pour la première fois, un léger sourire étire la commissure droite de ses lèvres. Je vois ça comme une mini victoire.

— Donc, si je comprends bien, déclare-t-il, pendant les orages, on assiste à un concert du ciel ?

— Absolument, m'amusé-je en hochant vigoureusement la tête. Nous sommes des privilégiés.

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