Chapitre 14 :

7 minutes de lecture

17 juillet 2021, début de soirée.

Kasper :

Tu me plais, Kas.

Ma main s'abat sur mon front alors que je pousse un long soupir de frustration. Les mots de Silas me hantent et m'empêchent de penser, de lire, et à cause d'eux, je n'ai pas fermé l'œil la nuit. Que dois-je faire de cette information ? Je n'en sais rien, absolument rien du tout. Je me suis enfui à l'instant même où j'ai avalé les syllabes qu'il a prononcé. Pas au sens propre du terme. Non, je suis resté sur place, assis contre mon rocher et perturbé au possible mais intérieurement, j'étais ailleurs. Mon esprit a décidé de me lâcher en cours de route, me laissant seul face au regard vert de celui qui a chamboulé mon cœur et mis à mal mon cerveau qui peine à penser convenablement.
Voyant aucune réaction de ma part, Silas a finalement fait comme si de rien n'était et a repris notre conversation d'un ton léger et désintéressé. J'ai eu du mal à me replonger dans l'instant, et je crois ne pas y être entièrement parvenu. Depuis, on ne s'est pas croisés. Pas parce que j'ai fait le mort, enfermé dans ma chambre, plutôt car il avait à faire cet après-midi pour le feu de camp qui débutera dans peu de temps.

Quelques coups contre la porte de ma chambre me font sortir de ma rêverie et me ramène à l'instant présent. Je souffle un " oui " pour la personne qui souhaite me voir et Kate pénètre dans mon espace avec un beau sourire sur les lèvres. Les mains dans le dos, elle s'approche de moi avec un regard scrutateur plongé dans le mien.

— Qu'est-ce que tu mijotes ? demandé-je en haussant un sourcil.

— Mon cher petit frère adoré, commence-t-elle d'un ton théâtral. J'ai un cadeau pour toi !

— Qu'est-ce donc ?

— Ferme les yeux !

J'hésite un instant, puis lui obéis en soupirant. Elle ne me laissera pas en paix si je ne fais pas ce qu'elle me demande.

— Ne triches pas !

J'acquiesce, sans vraiment savoir si elle me regarde ou non. Un froissement se fait entendre, puis les pas de Kate résonnent à mes oreilles. Une masse affaisse le matelas sur lequel je suis assis et je comprends qu'elle est venue s'installer près de moi. Sa main se pose sur mon genou alors qu'elle m'invite à rouvrir les yeux. C'est un sourire énorme qui m'accueille puis d'une main impatiente, elle me désigne l'espace inoccupé du lit. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule pour découvrir des vêtements pliés dans mon dos, qui n'ont pas encore délaissés l'étiquette de magasin duquel ils proviennent.
Je détaille la chemise blanche, avec un regard suspicieux, puis le chino quadrillé noir et blanc qui l'accompagne.

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je en fronçant les sourcils.

— Qu'il est bête ! s'exclame Milla qui surgit de nulle part. Il ne reconnaît même pas des vêtements.

— Merci pour cette remarque, Milla ! ronchonné-je. Je vois bien que ce sont des vêtements, mais pourquoi ?

Ma petite sœur ricane et disparaît aussi rapidement qu'elle est apparue. Je lève les yeux au ciel, désabusé.

— J'ai profité que tu ne viennes pas avec nous hier, pour te faire plaisir. Ils ne te plaisent pas ?

— Si, bien sûr. Ils sont très beaux, mais pour quelle occasion je les porterai ?

Elle pouffe de rire et passe ses doigts dans mes cheveux pour les désordonner. Son visage s'approche et elle dépose un baiser sur ma joue.

— Mets-les maintenant. C'est pour le feu de camp que je les ai achetés.

Mes yeux s'arrondissent, pourquoi a-t-elle fait ça ?

— Qu... quoi ? Non. Je... il y aura... beaucoup de monde, bredouillé-je.

— Ce n'est pas un problème, m'assure-t-elle. Je suis certaine qu'ils t'iront à la perfection. Allez, fais moi plaisir, s'il te plaît.

Ses yeux de cocker ont raison de moi. Je ne fais pas le poids devant la grande Katherine Price, ni même devant personne finalement.

— Je ne suis pas sûr d'être à l'aise...

— Essaie ! Si vraiment tu te sens mal, tu pourras simplement venir te changer au bungalow.

— Vous êtes prêts les enfants ? hurle maman depuis le salon.

Milla traverse le couloir en courant tandis que Kate quitte mon lit pour s'approcher de la sortie.

— Non, Kas ne l'est pas encore, répond-elle d'une forte voix pour se faire entendre, puis reprend un ton doux pour s'adresser à moi. Je compte sur toi ! Allez, enfile ça. Tu seras tout beau !

Résigné, je délaisse mon bermuda et mon polo lorsque la porte se referme derrière elle. Désormais vêtu de mes nouveaux habits, je m'observe pendant quelques minutes, le regard rivé vers la psyché qui traine au milieu de la chambre. Je n'aime pas mon allure, je suis trop fin pour porter ce genre de vêtements, bien que la taille choisie pas Kate soit effectivement la bonne. Ce n'est pas difficile, c'est la plus petite qui existe au rayon adulte et la plus grande au rayon enfant. L'avantage, c'est que je peux me rhabiller dans n'importe quel magasin, je trouve toujours mon bonheur.
Lorsque le courage me gagne enfin, je glisse mon téléphone dans la poche du pantalon et soupire en rejoignant ma famille qui patiente.

— Mon bébé ! s'exclame maman en me voyant approcher. Tu es absolument magnifique !

— Arrête, grogné-je en baissant la tête, c'est n'importe quoi...

— C'est vrai que tu as bien choisi, Kate, fait remarquer papa en me détaillant.

Mes joues rougissent, je sens la chaleur m'envahir. Je m'apprête à faire demi-tour pour aller me changer mais ma grande sœur attrape ma main pour m'empêcher de fuir.
Lorsque nous arrivons à l'endroit où se déroule le feu de camp, il y a déjà énormément de monde et instinctivement, je me recroqueville sur moi-même. Mon regard parcourt les alentours, priant pour ne pas croiser celui de Silas. Je sais qu'il sera là, mais plus tard je le verrai mieux ce sera pour ma santé mentale. J'observe la buvette installée pour éviter aux fêtards de se rejoindre au bar, la table de mixage ainsi que celui qui nous fera danser ce soir, les spots de lumière, les bancs qui entourent l'énorme tas de bois qui sera enflammé lorsque la nuit tombera. Depuis des années, le moment que je préfère lors de cette soirée d'ouverture, et la raison pour laquelle je me laisse entraîner par ma famille, c'est le spectacle éblouissant de pyrotechnie qui est tiré à minuit tapant. J'adore les feux d'artifice, les explosions de couleurs qui s'enlacent et se câlinent au milieu de l'obscurité du ciel. Vraiment, c'est absolument divin à admirer. Le seul problème et pas des moindres, c'est que je déteste l'horrible bruit caractéristique à cette fameuse déflagration. Ce vacarme qui me rappelle le tonnerre et qui me glace le sang. Maman glisse toujours des boules Quies dans son sac pour m'isoler du boucan qui résonne partout sur le camping, me les glissant discrètement lorsque l'heure approche. Malheureusement, cela n'est pas suffisant alors je suis contraint de m'éloigner pour profiter du spectacle. Ce soir ne dérogera pas à la règle.

— Comment tu te sens ? me demande doucement Kate en glissant ses doigts entre les miens.

— Je... ne me sens pas très... à l'aise.

— Inspire doucement, Kas. Tout se passera très bien, tu me fais confiance ?

Je hoche lentement la tête, tandis qu'elle m'attire vers le bar improvisé. Elle commande deux boissons, un cocktail pour elle et un thé glacé pour moi. Nos parents se sont déjà mêlés aux autres vacanciers, ceux qu'ils côtoient chaque année depuis bien trop longtemps. Milla est en compagnie de quelques enfants avec qui elle s'est liée d'amitié et moi... et bien moi, je n'ai que Kate pour ne pas me sentir seul. Ce n'est pas les gens de mon âge qui manquent. Il y en a beaucoup et répartis partout autour de moi mais je n'ai jamais sociabilisé avec personne alors je crois, qu'ils n'ont pas spécialement envie de me parler. Cela ne me gêne pas en soi, je me sens surtout coupable d'obliger Kate à rester en ma compagnie alors qu'elle s'est faite quelques copines après toutes ces années. Elle préférerait sûrement passer sa soirée avec elles plutôt que collée à moi.
J'avale une gorgée de ma boisson tout en laissant mon regard traîner sur les environs. Je ne vois Silas nulle part, pourtant, plusieurs employés sont présents. J'ignore si cela me rassure qu'il ne soit pas encore là, qu'il ne me voit pas dans cette tenue et honteux de la porter, ou si cela m'angoisse parce qu'inconsciemment je désire qu'il se trouve près de moi, quelque part, m'importe où, mais ici.

— Tu peux aller voir tes amies, lui dis-je finalement, je vais bien trouver un endroit où m'installer.

— La soirée n'a pas encore commencée, je ne vais pas te laisser maintenant.

Au même moment, le grésillement d'un micro s'élève et Marco se met à remercier les vacanciers d'être présents. S'ensuit un discours dans lequel il raconte comment le camping à ouvert ses portes, exactement comme chaque année et je suis certain que la moitié des personnes ici le connaissent par cœur. Puis enfin, il déclare que la soirée commence et le platiniste met la musique en marche.

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