Chapitre 19 :

10 minutes de lecture

19 juillet 2021

Silas :

Ma tête va exploser.
Je n'ai pas dormi la nuit dernière. Bien qu'épuisé, le sommeil m'a fui et j'ai passé un très long moment à fixer mon téléphone avec l'espoir que Kasper réponde à mes textos. Je l'ai cherché dans le camp après qu'il soit parti, je me suis rendu aux endroits où il a l'habitude de se cacher mais il est resté introuvable. J'ai une fois de plus songé à son bungalow sans me laisser le droit de frapper à la porte. Je me sens horriblement mal ce matin et les odeurs de nourritures qui s'élèvent de mon chariot me donnent la nausée. J'ignore si Marco m'a posté là car il a remarqué mon absence à la soirée et qu'il a décidé de me punir en faisant mine de rien mais je déteste ça. Il le sait. J'ai horreur de me balader dans tout le camping à attendre qu'on me hèle pour une gaufre ou un beignet. L'huile me colle à la peau et je mets toujours un temps fou à me débarrasser de ces odeurs désagréables. Mais après tout, je ne suis qu'un employé, je n'ai pas mon mot à dire. Par chance, l'après-midi, je suis à la piscine cette semaine. Je termine à 17h00, et j'espère apercevoir Kasper d'ici là.

Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon pantalon. Je le sors vivement en priant pour que ce soit le sms que j'attends depuis hier matin. En soupirant, j'en ouvre un de mon meilleur ami.

Félix :
Fais moi de la place dans ton bungalow, j'arrive ce week-end !

Silas :
Je t'aime mon pote !

Félix :
Oula, qu'est-ce qui t'arrive ?

Silas :
Pas le moral, juste fatigué.

Félix :
Qu'est-ce que t'as encore foutu ? Ça a un rapport avec ton petit campeur ?

Silas :
Je t'ai parlé de lui à peine deux fois, comment tu peux savoir ça ?

Félix :
Je te connais. T'as encore foiré ?

Silas :
J'ai rien fait...

Félix :
Je rentre au boulot, je t'appelle ce soir. Je jugerai par moi-même si t'as vraiment rien fait.
Ps: Je t'aime aussi, british à la con.

Je lève les yeux au ciel, en rangeant mon téléphone. Mon esprit est toujours perturbé par la fuite de Kasper, énervé par le comportement de Mathias mais je suis heureux que Félix débarque.

Une douleur surprenante et inattendue me fait fléchir le genou. En grognant, je me tourne pour voir d'où provient le désagrément. Mes yeux se posent sur Milla, les sourcils froncés, les poings sur les hanches et sa crinière rousse indomptable qui se balade au gré du vent.

— Mil... aïe ! me plains-je alors que son pied s'abat contre mon tibia.

— T'es un gros nul ! peste-t-elle du haut de ses un mètre quarante.

Sa main délaisse sa hanche pour venir enfoncer ses ongles dans mon bras.

— Bon sang, mais Milla ! Qu'est-ce qui te prends ? bougonné-je en frottant la trace laissée par ses doigts.

— Tu as dit que tu ne faisais pas de mal à mon frère ! Tu as menti. Depuis hier, il n'a pas parlé ! Et il n'a pas bougé de sa chambre avant que Kate le pousse à aller lire dehors !

Je ferme les yeux, inspirant doucement alors que la fillette continue de s'acharner sur mes tibias. Mon cœur est douloureusement comprimé, je ne voulais pas mettre Kasper dans un état pareil.

— Où est-il ? Et bon Dieu, arrête de me frapper Milla ! Je ne lui ai pas fait de mal, c'est juste que certaines personnes sont idiotes, d'accord ? Jamais je ne lui causerai du tort.

Elle cesse enfin de me donner des coups de pieds et lève son index vers moi alors qu'elle froncent davantage les sourcils.

— Je ne sais pas où il est parti. Il a pris ses écouteurs, son livre et puis voilà. C'est tout ce que je sais, mais toi, t'es un gros nul.

Je soupire, désabusé. Je regarde l'heure sur ma montre, ma pause est dans plus d'une heure. Je dois essayer de le voir maintenant, si j'attends, peut-être qu'il sera déjà rentré.

— Je vais réparer les dégâts, ne t'inquiète pas, assuré-je à Milla.

Le téléphone en main, j'appelle Thonyo qui décroche très vite.

— J'ai besoin de toi ! lui dis-je avant même qu'il ne puisse parler.

— Pourquoi ? Tu travailles, non ?

— Oui, justement. Je sais que c'est ton jour de repos mais tu peux venir prendre ma place un petit moment ? Je suis avec le chariot à nourriture. J'ai besoin de faire quelque chose mais je ne peux pas le laisser sans surveillance.

— Qu'est-ce que tu as fait, Silas ? soupire-t-il. Si Marco remarque que tu t'es encore absenté, tu vas avoir des problèmes.

— Je suis prêt à prendre le risque. S'il te plaît, Thonyo ! Je te promets que je t'aiderai à draguer la plus jolie des campeuses.

Je l'entends se plaindre en prononçant des propos incompréhensibles. Un sourire se dessine sur mes lèvres, je sais déjà qu'il va accepter.

— J'arrive dans cinq minutes, bougonne-t-il, mais je te jure que tu me revaudras ça !

— T'as ma parole ! C'est toi, le meilleur des collègues !

Il raccroche en râlant alors que Milla est toujours là, tapant du pied sur le sol terreux.

— Ton frère est important pour moi, lui avoué-je en me mettant à sa hauteur. On va discuter tous les deux, et tu verras ensuite il ne boudera plus.

Elle hoche la tête, son regard méfiant a laissé place à une petite pointe de tristesse. Cette petite est désagréable avec Kas, mais j'ai bien compris qu'il ne fallait pas le blesser. Mes tibias ne risquent pas de l'oublier avant plusieurs jours. Bien que je lui ai assuré réparer les pots cassés, j'espère vraiment que Kasper acceptera de parler avec moi. Je ne lui veux aucun mal et Mathias va m'entendre si je perds ce que j'ai patiemment mis en place avec mon Pikachu.
Lorsque Thonyo arrive enfin, je ne perds pas de temps. Je le remercie d'une tape sur l'épaule et lui promets de revenir bientôt. Rapidement, je longe l'allée principale du camp pour atteindre les arbres qui nous servent de point de rendez-vous. Je ne suis pas vraiment étonné en remarquant qu'il ne s'y trouve pas. Sans perdre espoir, je traverse la forêt pour rejoindre les rochers. S'il n'y est pas, cela voudra dire que je n'ai plus de piste pour le trouver et dans ce cas, je perdrai du temps.
Je passe entre les troncs, le cœur battant et m'immobilise lorsque sa chevelure blonde s'offre à moi. Je soupire, rassuré. Je ne me suis pas trompé, c'était certain qu'il serait là.
Il est dos à moi, appuyé contre une pierre et son livre posé près de sa cuisse. J'approche lentement, puis remarque qu'il ne m'entend pas, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Je m'installe sur le sol, près de lui mais pas trop afin de ne pas l'alarmer. Lorsqu'il remarque du mouvement dans son champ de vision, son corps se tend et sa tête pivote vers moi. Ses yeux sont cachés derrière ses lunettes et j'aimerais les lui retirer pour me perdre dans le bleu de ses iris.
D'une main tremblante, il ôte une oreillette en mordillant sa lèvre. Il est beau. J'ai l'impression de ne penser qu'à ça, mais c'est une vérité qui ne peut être mise de côté. Il n'en a pas conscience, mais sa beauté naturelle et inégalable me frappe chaque fois que je le regarde.

— Silas..., souffle-t-il en baissant la tête.

— Tu veux bien que je reste un peu ?

— Tu ne... travailles pas ?

— Si, mais j'avais besoin de te voir.

Ses joues rougissent, alors qu'il fait tout pour ne pas me regarder.

— Pou... pourquoi ?

— Nous sommes restés sur un malentendu, et je n'apprécie pas ça.

Ses doigts tremblants s'aggripent au tissu de son pantalon. Il me paraît mal à l'aise et je n'aime pas ce constat. J'étais parvenu à le dérider, j'espère que les efforts faits jusqu'à maintenant n'ont pas été anéantis par la stupidité de Mathias.

— Je... je ne suis pas..., commence-t-il, enfin... Mathias est... et moi, je suis...

— Tu es quoi ? Mathias est un crétin et toi, tu es tout le contraire de lui. J'ignore ce que tu as imaginé, mais je peux te garantir que ce n'est pas du tout ce que tu crois.

Je tente d'approcher mes doigts de son bras, puis me ravise pour ne pas le brusquer.

— Retire tes lunettes, Kas, lui demandé-je doucement.

— Pourquoi ?

— J'aimerais voir tes yeux.

Il hésite un instant, puis les fait glisser dans ses cheveux. Lorsque son regard se pose sur moi, mon cœur se serre. Ses yeux sont rougis, légèrement gonflés, comme s'il avait pleuré.

— Est-ce que... Mathias et toi... avez fait, enfin... bredouille-t-il en grattant nerveusement une tache imaginaire sur sa cuisse.

Il inspire brusquement, ferme les yeux à tel point que ses paupières se plissent.

— Est-ce que vous avez fait ce que nous faisons tous les deux ? demande-t-il à toute vitesse.

Je le regarde fixement, étonné pendant un petit moment puis enfin, enfin, je me décide à effleurer sa peau. Mes doigts trouvent lentement son bras afin de récupérer sa paume. J'entrelace ses doigts aux miens puis laisse nos mains reposer sur ma cuisse.

— Non, affirmé-je d'un ton clair et direct, absolument pas.

— Alors... pourquoi a-t-il dit que... que vous aviez passé... du bon temps ?

— Parce que Mathias est un crétin, répété-je. Ce n'est pas du tout ce que tu crois. On a juste échangé quelques verres l'été dernier. J'ai passé quelques soirées avec ses amis lorsque j'avais du temps de libre mais c'est tout. Rien de plus.

Kasper lève un regard vers moi, me laissant constater que ses joues ont perdues leur couleur pour un teint pâle et blême.

— Je croyais que... que tu lui avais... proposé la même chose qu'à moi, que tu passais tes journées avec lui et que...

Il se tait, inspire lentement puis lève la tête afin d'observer le ciel entre le feuillage des arbres.

— Est-ce que... tu l'as embrassé, comme moi ? tente-t-il tout bas.

Je grimace face à l'image qui s'impose dans mon esprit. Je ne souhaite pas imaginer d'autres lèvres que celles de Kasper, encore moins s'il s'agit de celles de Mathias.

— Non, pas du tout. Kas, regarde-moi, lui intimé-je doucement.

Il m'obéit, le regard embué et les doigts tremblants entre les miens. Ma main libre vient caresser sa joue alors qu'il incline légèrement la tête contre ma paume.

— Je peux comprendre que tu as pu imaginer ce genre de choses, mais pourquoi tu ne me l'as pas dit ? J'aurais pu te rassurer bien avant. Tu es... enfin, Mathias ne compte pas, les autres non plus.

— Mais... regarde-le, et regarde-moi, souffle-t-il en fermant les yeux. Je ne suis pas comme lui, et il est plus... attirant, enfin, moi, je n'ai rien de... bien. Je ne comprends pas.

— Justement, Kas, c'est parce que tu n'es pas comme tous les Mathias que tu m'attires. J'aime bien être avec toi, je n'ai pas besoin de trop réfléchir, les choses se font naturellement et ça me plaît. Arrête de te poser trop de questions, je n'ai pas besoin de type comme lui. J'aime ta timidité et ta douceur, d'accord ? J'aime que tes joues rougissent et que tu bégaies en cherchant tes mots, parfois.

Ses yeux trouvent les miens alors qu'il frotte doucement sa joue contre ma main. Ses lèvres tremblotent et j'aimerais les embrasser pour laisser s'échapper ses doutes et sa peine. Le voir comme ça m'attriste. Je n'aime pas qu'il se dévalorise.

— Mathias vient ici depuis... des années et... il ne m'a jamais parlé, chuchote-t-il. Il ne m'a même jamais regardé et là... il s'est moqué de moi. Il m'a fait... me sentir... mal et je...

— Eh, Kasper, le coupé-je, oublie-le. Il ne vaut rien. N'écoute jamais les bêtises que les gens disent. Ne te réduits pas à ce qu'il pense, ce qu'ils pensent tous. Moi, je ne te vois pas comme ça. Quand je te regarde, j'aime ce que je vois. Lui, c'est un imbécile qui n'a visiblement aucune gêne.

— Tu... c'est vrai ? Enfin, tu le penses vraiment ?

— Bien sûr que c'est vrai, affirmé-je en caressant sa tempe du bout des doigts.

— Tu n'as pas honte de moi, alors ?

— Mais non, soufflé-je en posant doucement mon front contre le sien. Pourquoi tu imagines une telle chose ?

— Parce que... je ne suis pas comme toi. Moi, je ne...

Il se tait, ferme les yeux alors que son souffle chaud effleure mes lèvres.

— Tu ne me prends pas pour un idiot ? demande-t-il en grimaçant. Je ne suis pas... un jeu, pour toi ?

Décontenancé par sa question, je m'éloigne en fronçant les sourcils. J'étudie son visage, légèrement crispé par l'angoisse. Comment peut-il penser que je joues avec lui ?

— Jamais je ne ferai ça, Kasper. Comment peux-tu l'imaginer ? murmuré-je la gorge nouée.

— C'est juste que... je t'aime bien et je... ne veux pas être blessé.

Sa voix se brise et mon cœur est pris au piège dans un étau. Il fuit mon regard, baisse la tête et clôt les paupières.

— Moi aussi je t'aime bien, Kas. Je t'ai déjà dit que tu me plaisais. Tu me plais pour ce que tu es, juste toi.

Il hoche la tête, la relève lentement pour que je puisse me perdre dans la beauté de ses iris bleu pâle.

— Est-ce que... tu veux bien... m'embrasser, encore ? chuchote-t-il si doucement que je dois m'approcher pour l'entendre.

Mon cœur s'emballe et malmène ma cage thoracique.
Évidemment, bon sang ! Bien sûr que je veux encore l'embrasser, j'en meurs d'envie chaque fois que je le regarde.

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