Chapitre 22 :

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21 juillet 2021, fin d'après-midi.

Kasper :

Allongé sur l'herbe, je fixe le ciel en triturant les brindilles. Le soleil brille entre les arbres et irrite mes yeux même derrière l'obscurité de mes lunettes. J'attends, étendu et seul depuis plus d'une demi-heure. Silas est toujours aux abonnés absents et je commence à me demander si c'est nécessaire que je patiente. Ce n'est pas dans ses habitudes de ne pas venir, en réalité, ce n'est jamais arrivé. Lorsque nous nous donnons rendez-vous, c'est toujours moi le dernier arrivé.
Mon cœur bat lentement, pourtant dans mon esprit, mes pensées s'emmêlent. Milla tient sa langue pour le moment. Aucun mot désagréable n'a quitté sa bouche en présence de nos parents, bien que les regards qu'elle me lance sont souvent empreints d'une insistance que je ne peux ignorer. J'ai tenté de lui parler, de lui dire que ce qu'elle a vu n'était pas ce qu'elle croyait mais elle m'a rapidement fait taire en me disant que Silas avait été clair avec elle. Je n'ai pas osé lui demander ce qu'il lui avait dit, ni à elle, ni au concerné parce que je ne suis pas certain de désirer l'entendre. Si elle ne dit rien, les choses iront bien. Si elle parle, mon cœur risque de lâcher face aux regards de mes parents et ça, je ne suis pas certain de pouvoir le supporter. Kate est persuadée qu'ils réagiront convenablement, mais comment pourrais-je en avoir la certitude ?
Avant Silas, je ne m'étais jamais posé de questions sur ma sexualité, simplement parce que le moment ne s'était jamais présenté. Depuis qu'il est arrivé face à moi, ses grands yeux verts et son sourire désarmant, je ne cesse de me demander si mon orientation sexuelle diverge de celle de mon entourage ou si c'est seulement lui qui me fait ressentir ça. Il est la première personne avec qui je souhaite être proche et cela m'effraie, mais lorsqu'il me touche, mes doutes s'effacent pour ne laisser que sa tendresse. J'ignore comment agir parce qu'il me désarme complètement à chacun de ses regards. J'aimerais me perdre dans ses bras et y bâtir un empire que je ne quitterai pas. Sa chaleur m'apaise. Sa douceur me rassure. Tout, absolument tout chez lui est fait pour que je me sente en sécurité. C'est à la fois réconfortant et angoissant.

Je soupire en arrachant une poignée d'herbe, les yeux désormais clos et répétant en boucle les textos reçus par mes amis. Outre le fait qu'ils soient persuadés que Silas est une fille, je ne suis pas certain qu'ils aient tort lorsqu'ils m'assurent que j'avais envie de lui. Mon corps réagit à chaque fois que je pense à lui, mon cœur s'emballe et ma peau frissonne même lorsqu'il n'est pas là. Est-ce ça, l'envie ? Je n'en sais rien, et je crois qu'être ignorant me rend malade. J'ai mal au ventre en permanence, ma tête divague et mon esprit s'embrume d'images de nos baisers, de ses mains, de ses doigts qui effleurent ma peau. J'ai l'impression de perdre la raison, désirant sans cesse l'attention de celui qui me rend cotonneux.
Mon téléphone vibre alors qu'il est posé sur mon torse, m'indiquant l'arrivée d'un sms que je m'empresse d'ouvrir.

Silas :
Marco me fait la misère depuis qu'il a remarqué mon absence l'autre jour. Il m'a fait faire les dernières vérifications avant que le pédalo soit accessible au public. J'espère que tu es encore là. J'arrive dans peu de temps.

Kas :
Je suis aux rochers. Je t'attends.

Silas :
Parfait ! Je t'apporte une surprise pour me faire pardonner du retard !

Je souris à l'écran, comme s'il pouvait me voir à travers le téléphone. J'aimerais avoir plus d'assurance pour lui avouer tout ce qu'il me fait ressentir, pourtant je n'en suis pas capable et cela m'agace. Mon rythme cardiaque s'accélère à la simple pensée qu'il ne va pas tarder et mes joues s'enflamment déjà. Je me sens si mal, si petit et insignifiant alors que lui, il est beau, rayonnant et sûr à chacun de ses mouvements.
Les branches d'arbres craquent alors que Silas approche. Je ne bouge pas, inapte au moindre geste. J'attends, encore, simplement qu'il vienne s'installer près de moi pour que je puisse respirer ; ce qu'il ne tarde pas à faire. Son corps s'étend près du mien, ses doigts effleurent ma main et une fraîcheur étrange s'impose sur mon bras. Je sursaute, tournant vivement la tête vers la source froide. Silas secoue un gobelet de granité à la framboise sous mes yeux, tout en souriant.

— Parce que tu as probablement eu très chaud en m'attendant, m'informe-t-il en se penchant vers moi pour embrasser ma joue.

Je me redresse, m'adossant à l'une des pierres. Il m'imite et attrape ma paume pour y placer le verre.

— Merci, murmuré-je en fixant la glace. Tu n'en manges pas, toi ?

— Non. Je préfère la goûter sur tes lèvres.

Mes yeux s'arrondissent alors qu'il rit doucement. C'est une option qui me plaît bien, mais je ne peux pas lui dire.

— Excuse-moi pour Marco, murmuré-je, c'est ma faute s'il te fait l'enfer maintenant.

— Pas du tout ! C'est moi qui a délégué mon travail pour te retrouver, tu ne m'as obligé à rien.

— Si je ne t'avais pas fui, tu y serais resté.

— Dans ce cas, on va dire que c'est Mathias le responsable. C'est lui qui a fait en sorte que tu partes lorsqu'on était sur le terrain de tir à l'arc.

Mes dents s'enfoncent dans ma lèvre alors que je repense à la honte ressentie ce jour là. Je l'ai aperçu plusieurs fois, de loin seulement, tandis que lui ne se doutait probablement pas de ma présence. Chaque fois que je le vois, je ne peux m'empêcher de penser que je suis inférieur à lui. Il est absolument tout ce que je ne serai jamais.

— Mange, souffle Silas en pointant le gobelet. Elle va fondre.

J'acquiesce en approchant la paille près de ma bouche. Mes lèvres se referment autour d'elle et les flocons glacés envahissent ma langue l'instant suivant. Le goût de la framboise s'étale sur mes papilles et la sensation de fraîcheur apaise ma gorge brûlante. Lorsque je lève les yeux vers Silas, son regard enflammé est rivé sur la paille. Ses lèvres entrouvertes laissent échapper son souffle contre mon visage. Il déglutit alors que ma peau s'échauffe face à l'intensité de ses iris braqués sur moi. Les flammes se réveillent dans le bas de mon ventre et font crépiter mon sang, à tel point que mon palpitant rate un battement. Les sensations éprouvées après notre baiser passionné refont surface. Les voix de Vinny et Jonathan hurlent dans ma tête, me répétant inlassablement que l'excitation fait brûler le ventre et chamboule le cœur.
Comment puis-je me sentir ainsi, juste parce que Silas m'observe ?
Lentement, je baisse la main pour éloigner le verre et inspire pour ne pas mourir étouffé. Je n'ai pas le temps d'expirer que Silas capture ma bouche pour un baiser inattendu, pourtant si désiré. Ses lèvres englobent les miennes, les dévorent dans un geste empressé mais d'une douceur qui m'arrache des frissons. Sa paume passe sur ma nuque pour me maintenir près de lui, comme si l'idée de m'éloigner pouvait ne serait-ce que me traverser l'esprit. J'attends ses baisers comme un assoiffé quémande un verre d'eau. Étant incapable d'amorcer le premier pas, j'attends chaque fois que l'envie lui vienne pour profiter de tout ce qu'il éveille en moi.
Son bras libre passe contre mes reins et d'un mouvement assuré, il me soulève pour me déplacer sur ses cuisses. Le gobelet m'échappe et retrouve le sol alors que je profite d'avoir mes doigts libres pour les refermer sur son tee-shirt que je presse contre mes paumes. Lorsqu'il met fin à notre échange, son front s'appose doucement au mien tandis que mon souffle s'échoue lamentablement sur le bas de son visage. Je suis en feu, encore et lui aussi, si j'en crois la chaleur qui émane de sa peau pour atteindre la mienne.

— Elle est très bonne cette glace, susurre-t-il en esquissant un sourire sur le coin de sa bouche. Dommage qu'elle ait fini par terre.

— Je... euh, oui, elle l'est, enfin elle l'était, soupiré-je complètement désaxé.

— Tu me fais faire n'importe quoi, Kas.

— Qu... quoi ?

— Tu n'en as pas conscience, c'est incroyable.

Sa voix est légèrement rauque, un peu brisée et j'aimerais tant lui demander pourquoi. Ses iris verts disparaissent derrière ses paupières tandis que ses doigts tirent doucement mes cheveux, sur ma nuque.

— Je ne sais pas... de quoi tu parles, murmuré-je embarrassé.

— Tu te souviens de tout ce que tu as dit avant que Milla nous surprenne ? s'enquiert-il en un souffle.

Mes joues sont brûlantes et je me maudis de rougir toujours autant. C'est insensé, comment est-ce possible d'être constamment gêné ?

— Kas, je peux sentir ta peau s'enflammer sous mes doigts et tous tes muscles se contracter contre moi. Détends-toi, tout va très bien, d'accord ?

— Oui... je suis désolé.

— Arrête donc de t'excuser, s'amuse-t-il en rouvrant les yeux. Tu n'as vraiment aucune idée de ce qu'il se passe dans ma tête chaque fois que tu agis comme ça. C'est perturbant, Kasper, pas seulement pour toi. Tu me rends dingue, sérieusement, je vais finir aliéné.

— Pardon ? hésité-je.

Mes sourcils se froncent, notre proximité m'étouffe autant qu'elle m'aide à respirer. C'est un peu brouillon, inexplicable et incompréhensible.

— Je me souviens de chaque mot que tu as prononcé, m'informe-t-il contre mes lèvres. Je sais que là, à l'instant, tu le ressens encore et je peux t'assurer que c'est réciproque.

— Qu'est-ce que... ça veut dire ? Enfin, qu'est-ce que c'est ? J'ai du mal à... gérer ça et je... ça devient vraiment dur de...

Un grognement lui échappe et me coupe dans mon bégaiement. Sa tête bascule en arrière et vient s'échouer contre le rocher. Je le fixe un instant, mort de honte et ne sachant pas comment agir. Je tente de quitter ses cuisses, désormais affreusement mal à l'aise. Je me tortille pour m'enfuir mais ses mains viennent se refermer sur mes hanches alors qu'il relève brusquement le visage vers moi. Ses yeux sont écarquillés, sa peau légèrement rose et ses lèvres entrouvertes. Il semble souffrir, en lutte contre je ne sais quoi alors que ses doigts s'enfoncent dans ma chair.

— Kas... par pitié, arrête de gigoter comme ça, grogne-t-il en emprisonnant sa lèvre entre ses dents.

Ma tête tourne violemment tandis que son bassin fait pression contre le mien. Ses mains m'incitent à m'immobiliser mais la chaleur qui explose en moi et qui fait dérailler mon rythme cardiaque me pousse à tenter de partir.

— Kasper... se plaint-il laborieusement, tu dois... cesser de bouger.

— Qu'est-ce qui... se passe ? suffoqué-je. Silas, je vais... mourir de chaud... je dois... lâche-moi...

Ses doigts se relâchent instantanément et me laissent la voie libre pour m'éloigner. Mes fesses trouvent brusquement le sol et provoquent une douleur dans le bas de mon dos. Silas respire bruyamment, semble essoufflé mais je suis incapable de le regarder. Je tente de m'ancrer à quelque chose, de fixer un point pour me calmer, apaiser les incendies qui ont pris place dans le creux de mes reins, le bas de mon ventre et partout ailleurs. Un fourmillement étrange s'étale dans une partie au sud de mon anatomie et j'écarquille les yeux lorsque je remarque mon bermuda déformé par une proéminence jusqu'ici inexistante. Par automatisme, mon regard dérive au même endroit sur le corps de Silas et mon cœur cesse de battre dans la seconde en remarquant qu'il est dans le même état que moi. La peur m'étreint soudainement et me glace le sang. Une douleur surprenante m'oppresse et ma paume se plaque contre ma gorge alors que je rabats mes genoux contre mon torse pour cacher mon entrejambe.

" Ton ouistiti s'est réveillé ? " 

Bon sang, Vinny ! Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? Pourquoi est-ce que tes mots s'imprègnent dans mon esprit alors que je les ai trouvés stupides en les lisant. Est-ce que maintenant, je réalise que t'avais raison ?

Je secoue la tête pour éloigner les bêtises de mes amis et revenir à l'instant présent. Je suis mort de peur, d'angoisse et de honte. J'ignore comment me comporter et je me sens minable pour ça. Je suis probablement le seul type de seize ans à avoir la trouille d'une érection inopportune.

— Silas... bredouillé-je, j'ai besoin de... savoir ce que... je ressens.

Dans mon champ de vision, je vois son visage pivoter vers mon profil alors que je m'évertue à fixer l'arbre qui se trouve face à moi. Ma respiration me fait mal, saccadée et brûlante.

— On avait dit qu'il était trop tôt, se défend-il en un murmure.

Mon regard effrayé trouve le sien. Son visage est crispé, tout comme le reste de son corps et je peux presque voir le combat intérieur qu'il mène.

— Non... c'est toi qui l'a dit, parviens-je à dire. Je veux que tu m'éclaires parce que c'est la deuxième fois que je... ressens ça avec toi et ça m'angoisse.

Sa paume chaude vient couvrir ma joue alors que son front retombe contre mes lèvres. Statufié, j'attends que la suite me parvienne, incapable d'articuler un mot de plus. Ses cheveux chatouillent ma peau et son souffle s'échoue contre mon cou. Il inspire longuement puis se redresse pour capturer mon regard.

— C'est du désir, Kas, me confirme-t-il. Tu me désires et bon sang, moi aussi je te veux. Si tu savais...

— Je... quoi ?

— Je suis désolé.

— Comment ? Je veux dire, enfin... comment tu peux me désirer ? Je suis...

Sa paume couvre ma bouche alors qu'il colle presque ses lèvres contre le dos de sa main. Les yeux ronds, je le fixe sans comprendre ce qu'il se passe. Ses pupilles sont dilatées et l'expression de son visage est légèrement plus sévère.

— Tais-toi, m'ordonne-t-il un peu durement. Je sais ce que tu t'apprêtes à dire mais je refuse de l'entendre. Cesse de te dénigrer. J'aimerais que tu puisses te voir comme je te vois, pour que tu comprennes.

Les larmes s'agglutinent aux coins de mes yeux, ne sachant absolument pas pour quelle raison. Ses traits s'adoucissent et il lève le visage vers le ciel pour lâcher un éclat de rire nerveux avant de me regarder à nouveau.

— Kasper... j'ai envie de toi, depuis que je t'ai vu le jour de ton arrivée au bungalow. J'ai eu envie de toi à l'instant où tu m'as regardé. Je te désire parce que tu me fais ressentir des choses incroyables. J'ai envie de toi à chaque fois que tu es près de moi, et même quand tu ne l'es pas. J'ai envie de te toucher, te découvrir, t'embrasser, de te faire sourire et rire. J'ai envie de toi, parce que tu es toi, tu comprends ? Je sais que tu n'es pas prêt et je m'en veux de ne pas réussir à me contrôler mais, regarde-toi ! Tu es si... irrésistible.

Mon cœur est en avance rapide, tambourinant dans ma poitrine comme jamais auparavant. J'ai le souffle coupé et pas seulement parce que sa main recouvre le bas de mon visage. Je suis incapable d'aligner deux pensées cohérentes alors que le fourmillement entre mes jambes n'a pas cessé. Est-ce que c'est ça, le désir ? Parce que si c'est le cas, je veux Silas plus que n'importe qui d'autre.

— Est-ce que toi aussi tu me veux, comme ça ? s'enquiert-il en murmurant.

Sa paume délaisse mes lèvres pour me laisser l'occasion de parler, tandis que je sens les larmes m'échapper. Mon cœur va éclater, d'amour et de perplexité. Pour toute réponse, je me redresse jusqu'à ce que ma bouche trouve la sienne pour un baiser empreint de timidité et d'hésitation.
Un soupir de soulagement lui échappe alors qu'il passe son bras dans mon dos pour m'enlacer.

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