Chapitre 24 :

9 minutes de lecture

22 juillet 2021, fin d'après-midi.

Kasper :

Mon téléphone vibre sur la table tandis que maman me fixe avec insistance. Mon regard dérive vers l'écran illuminé et orné d'une enveloppe, suivie du prénom de l'expéditeur. Un sourire né sur mon visage lorsque je remarque que ce texto est de Silas.
Hier, nous avons passé plusieurs heures installés contre les rochers, silencieux et dans un calme apaisant après l'écart commis par nos désirs incontrôlables. J'avoue ne pas m'être reconnu, poussé par une force que je ne pensais pas posséder. C'était agréable, bien que la fin de notre échange était embarrassante et angoissante. Lorsque je ferme les yeux, je peux encore sentir ses doigts glisser dans mon dos et mon corps se mouvoir contre le sien. Les souvenirs ravivent l'étincelle de désir qui loge désormais dans le bas de mon ventre. Elle y reste bien cachée, jusqu'à ce que le souffle de Silas vienne la transformer en flamme incontrôlable. Une fois dans mon lit, j'ai longuement songé à ses propos, j'ai tourné et retourné le problème dans mon esprit, faisant glisser mes mains de mon torse jusqu'à l'élastique de mon pantalon de pyjama. J'ai tenté, enfin, presque. La honte est arrivée en force lorsque mon corps a réagi. J'ai pris peur et cessé tous mes mouvements. C'était une mauvaise idée et peut-être ai-je surestimé mes capacités à découvrir mon propre plaisir. Silas maintient que c'est mieux de le faire soi-même mais je n'en ai pas envie. Je me sens inapte à assumer lorsque je suis seul, c'est lui qui me donne le courage de vouloir essayer.

Maman fait claquer son pouce et son index sous mon nez pour récupérer mon attention. D'un clignement de paupières, je chasse mes pensées pour me focaliser sur elle, bien que l'envie d'ouvrir le texto qui m'attend me brûle les doigts.

— Tu ne m'écoutes pas, Kas, se lamente-t-elle.

— Non, pardon.

Elle soupire et d'un mouvement fluide, envoie ses cheveux derrière son épaule. Après avoir levé le bas de sa robe, elle s'installe sur la chaise face à moi et attrape mes mains dans les siennes.

— Mon coeur, je suis vraiment contente que tu passes du temps avec ton ami, mais nous ne te voyons presque plus. Ça te dit qu'on aille en ville ce week-end ? On pourrait peut-être faire quelques boutiques, aller manger ou que sais-je ?

Je fronce les sourcils, inclinant légèrement la tête. J'ai du mal à comprendre, c'est idiot. Je suis idiot. Milla n'a peut-être pas tort lorsqu'elle me le répète à longueur de journée.

— Vous vouliez que je cesse d'être enfermé, et maintenant, tu dis que l'on ne se voit pas suffisamment.

— C'est une bonne chose que tu profites, je dis simplement que nous pouvons passer un moment ensemble, insiste-t-elle.

— D'accord, mais vous ne me forcerez pas à acheter des vêtements, parce que je ne le ferai pas !

Maman rit alors que Kate entre dans le salon. Elle dépose un verre de jus de fruits sous mon nez et un autre sous celui de notre mère.

— C'est bien dommage, se plaint ma sœur. Tu étais trop beau dans ceux que je t'ai offert.

— Ceux-là me suffisent !

Elle passe ses doigts dans mes cheveux en passant près de moi, puis s'attable avec nous.

— Au fait, chéri, invite ton ami à dîner avec nous un de ces soirs. Ton père et moi seront ravis d'enfin faire sa connaissance !

Ma gorge s'assèche alors que je scrute maman d'un air impassible, pourtant dans mon esprit, c'est l'ébullition. Que dois-je répondre à ça ? Ce n'est pas possible, je ne peux pas accepter. Je n'arriverai jamais à cacher ce que je ressens, je ne parviendrai pas à gérer ma maladresse si Silas se retrouve face au reste de ma famille. Je peine déjà à me comporter de façon normale lorsque nous sommes tous les deux, alors, comment pourrai-je me sentir à l'aise sous les yeux de mes parents, de ceux de Kate et Milla qui connaissent la vérité ?
Un coup s'abat contre mon tibia, me faisant sortir de ma léthargie. Caché sous la table, le pied de ma grande sœur continue de cogner ma jambe pour m'inciter à réagir. Je lui lance un regard, le corps crispé et la tête pleine de pensées désagréables. Un sourire encourageant se dessine sur ses lèvres, suivi d'un hochement de tête presque imperceptible. Mon attention retrouve maman qui attend patiemment ma réponse.

— Ok, m'entends-je dire, je vais... lui proposer.

Quel idiot !
Ça va aller, Kas, tout va très bien se passer.

— C'est super ! s'enthousiasme-t-elle.

— Chérie ! s'exclame papa. Nous allons être en retard pour la visite guidée du musée ! C'est la dernière de la journée, si on la loupe, nous devrons attendre la semaine prochaine.

Maman observe l'heure sur sa montre et se lève à la hâte. Après avoir embrassé mon front et celui de Kate, elle hurle après Milla pour que cette dernière enfile ses chaussures.
Une fois seul avec ma sœur, sa main vient énergiquement frotter mon bras.

— C'est une bonne idée, m'assure-t-elle, il fallait bien que ce moment arrive.

— Mais, Silas n'est pas mon... ami, soufflé-je perturbé.

— Qu'est-il, dans ce cas ?

— Tu le sais déjà, grogné-je, ne m'oblige pas à le dire.

— C'est vrai ! Mais j'avais envie de l'entendre, ricane-t-elle. Tu n'es pas forcé de leur dire toute la vérité pour le moment. L'important pour l'instant, c'est qu'ils remarquent que Silas est une bonne personne. Ensuite, on avisera.

— C'est une mauvaise idée.

— Ne sois pas si pessimiste, Kas ! Que vas-tu faire ? Je dois rejoindre Salomé à la piscine, tu m'accompagnes ?

— Non, bougonné-je, Salomé parle trop fort.

— Elle est gentille, proteste-t-elle en souriant.

Mon téléphone vibre à nouveau et je réalise que je n'ai pas encore ouvert le premier texto de Silas. J'empoigne l'appareil sous le regard curieux de Kate.

Silas :
Il y a une projection de film demain soir, après le feu de camp. Je ne travaille pas, tu veux qu'on y aille ensemble ?

Silas :
J'ai terminé mon service. Tu me rejoins ? J'ai envie de te voir...

— Pourquoi tu fais cette tête ? s'enquiert Kate en pouffant de rire. Tu arrives à rougir en lisant un simple texto, je me demande bien de quoi vous pouvez parler.

— Katherine ! râlé-je. Arrête de te moquer de moi.

— Je ne me moque pas, c'est adorable.

Je lève les yeux au ciel, tandis qu'elle quitte la table pour récupérer son sac de piscine.

— Tu vas à la projection, demain ? demandé-je.

— Oui ! J'y vais avec Salomé, Gabrielle, Mathias et Enzo. Pourquoi ? Tu y vas aussi ? Ce serait top ! Viens avec Silas.

— Mathias... répété-je sans me soucier du reste. Je ne sais pas, non, je ne pense pas y aller.

— Oh... dommage, soupire-t-elle. Si tu changes d'avis, préviens-moi.

Ma sœur disparaît en un courant d'air, faisant virevolter le bas de sa jupe, exactement comme notre mère. Pendant un moment, je reste à me lamenter, la joue contre le bois frais de la table. J'aimerais que cette journée se termine. Entre la proposition à dîner de maman et le fait que Mathias soit présent pour le film, mon moral bat de l'aile.
Lorsqu'enfin, je trouve le courage de quitter la pièce, je récupère mes lunettes, enfile une veste et pars rejoindre Silas. Il fait frais, en cette fin d'après-midi, le vent souffle et je frissonne en remontant la fermeture de mon vêtement.
J'arpente les allées du camping, jusqu'à ce que la chevelure brune de celui qui fait battre hâtivement mon cœur se dessine face à moi. Je m'immobilise derrière lui, tandis qu'il a la tête baissée vers son téléphone. Au même moment, le mien vibre dans ma poche.

— Salut, soufflé-je.

Silas sursaute et éclate de rire avant de se tourner vers moi. Il me sourit. Ce fameux sourire qui provoque une avalanche de frissons le long de ma colonne vertébrale. Il pointe l'écran de son portable vers moi et je remarque qu'il tentait de m'appeler.

— Tu n'as pas répondu à mes textos, je pensais que tu me fuyais encore.

— Non... j'étais avec ma mère et Kate.

— Oh, je ne t'ai pas dérangé ? s'inquiète-t-il.

— Elles sont parties. Je savais où te trouver donc je n'ai pas pensé à te répondre.

Il acquiesce puis se penche pour embrasser ma joue. Ses doigts trouvent les miens pour m'approcher de lui. Son souffle chatouille ma peau et son sourire m'anime.

— Alors, pour le film ? C'est oui ?

Une grimace déforme mon visage et fait froncer les sourcils de Silas.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu n'as pas envie ?

— Ce n'est pas ça, soupiré-je en baissant la tête. C'est juste que ma sœur y va avec... Mathias et je ne sais pas si c'est un bonne idée de... que j'y aille également.

Son pouce vient doucement relever mon menton pour capter mon regard. Ses grands yeux verts semblent me sonder jusqu'à l'âme.

— Où est le problème ? demande-t-il en effleurant ma joue.

— C'est Mathias, le problème, dis-je durement. Enfin... non, ce n'est pas... c'est moi, en fait.

— Parle-moi, Kas.

— Je... je me sens mal quand il est là, je ne veux pas qu'il se moque de moi et qu'il te...

Je me tais, mal à l'aise et honteux d'éprouver toute cette jalousie. C'est une première pour moi, j'ai un peu de mal à assimiler tout ce qu'il se passe en ce moment. C'est trop de nouveautés en peu de temps.

— Qu'il me quoi... ? insiste Silas en inclinant la tête.

— Je ne veux pas qu'il t'éloigne de moi, avoué-je en un murmure.

Mes doigts triturent nerveusement le bas de ma veste alors que je mords brusquement ma lèvre pour tenter de ravaler mes paroles. Mais c'est trop tard, elles sont dites et il est impossible de faire marche arrière.
Silas approche son visage du mien, jusqu'à déposer un baiser sur le bout de mon nez.

— Je pensais que nous nous étions mis d'accord à ce sujet, dit-il contre mes lèvres. Mathias ne me plaît pas, Kasper. Le seul qui m'intéresse ici, c'est toi.

Mon regard croise le sien, il est doux et tendre. Comme chaque fois qu'il m'observe, finalement. Ses doigts viennent pincer mon menton pour libérer ma lèvre prise au piège, puis son pouce effleure la marque douloureuse de mes dents.

— Je me moque de Mathias, continue-t-il, et je ne le laisserai pas te dénigrer si l'envie lui prend de le faire. Je veux simplement profiter du fait que je ne travaille pas pour passer ma soirée avec toi. Puis tu as dit que ta sœur sera là aussi, je ne suis pas certain qu'elle laisse ce crétin s'amuser de toi.

Mon cerveau s'échauffe, je pèse le pour et le contre en me demandant si c'est une bonne idée d'y aller. Silas a raison, Kate ne le laissera pas faire mais je ne veux pas me sentir étranger au milieu de tous ces gens qui ont l'habitude de se fréquenter.

— Et puis, ajoute-t-il, nous pouvons aussi rester loin d'eux. Rien ne nous oblige à passer la soirée en leur présence juste parce qu'ils seront là.

Son sourire tendre me fait rougir. Il semble sincèrement vouloir que je l'accompagne et une part de moi le désire aussi. Dois-je accepter ?

— C'est quel film ? demandé-je pour me laisser le temps de réfléchir à ma réponse.

Gretel et Hansel.

Je le fixe, perplexe.

— Quoi ? Le conte des frères Grimm ?

— Pas vraiment, s'amuse-t-il. Là, on est plus sur un film d'horreur ou un truc dans le genre, je crois.

— Il est bien ?

— Comment pourrai-je le savoir ? Nous le verrons que demain !

— Nous... répété-je, toujours indécis.

— Oui. Viens avec moi, s'il te plaît.

Il fait la moue d'une façon qui me désarme. Ses lèvres boudeuses me donnent envie de les embrasser jusqu'à ce que son sourire réapparaît. Mes propres désirs me montent à la tête. Jamais je n'y aurais songé il y a quelques jours encore.

— Je vais venir, concédé-je, mais arrête de faire ça.

— Faire quoi ? demande-t-il innocemment.

Mes yeux scrutent sa bouche, jusqu'à ce que ses dents se montrent dans un sourire éblouissant. Silas a définitivement tout cassé en moi. Plus rien ne tourne rond et j'ai l'impression d'être une personne totalement différente sans vraiment avoir changé. Mes joues sont brûlantes et mon souffle devient lourd. J'aimerais m'enfuir, me cacher pour ne plus jamais avoir l'air bête et mal à l'aise devant lui.

— Mais si... ça se passe... mal ?

— Il n'y a pas de raison que cela arrive, mais si c'est le cas, on quittera la projection, juste toi et moi.

— D'accord, soupiré-je en laissant tomber mon front contre son épaule.

Sa main vient se perdre dans mes cheveux. Ses doigts grattent mon crâne pendant un moment, jusqu'à ce qu'une voix grave résonne dans mon dos et brise le calme.

— Silas Miller ! Tu vas bouger tes fesses pour m'accueillir ou je dois m'appeler Kasper pour avoir ce privilège ?

Annotations

Vous aimez lire Li nK olN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0