Chapitre 27 :

11 minutes de lecture

23 juillet 2021, dans la matinée.

Kasper :

J'ai les mains moites lorsque je traverse la forêt. Je ne sais pas si Silas y sera et s'il sera accompagné de son ami. J'ignore si j'aurai la force de supporter son regard trop vert, trop tendre, parce que je ne sais absolument pas comment je me sens. J'ai peu dormi, je suis fatigué, triste et en colère, enfin je crois. Mais pourquoi ? Avant tout, je devrais me demander si je suis énervé contre moi qui suis trop bête, contre Silas d'être si doux, ou contre le temps qui s'écoule et qui me fait atrocement peur.
Je ne suis pas son ami, c'est ce qu'il a dit. D'accord, c'est une bonne chose et ça m'apaise, mais ensuite ? Qu'adviendra-t-il ensuite ? Et pourquoi ce genre de pensées m'assaillent si soudainement alors que je les avais mises sous silence pour ne pas me perdre ?

J'inspire profondément lorsque je remarque Silas, seul et adossé à un rocher. D'un geste lent, je relève mes lunettes et coince mes mèches vers l'arrière. Je n'aime pas vraiment ça. Le fait d'avoir le visage dégagé me gêne mais j'ai beaucoup trop chaud et mes cheveux me collent à la peau. Et puis, je le fais parce que Silas adore ça. Oui, c'est sûrement pour cette raison précise que j'effectue ce geste si régulièrement, désormais.

Muet, je m'installe sur l'herbe, à distance raisonnable du corps chaud qui m'accompagne. Le regard perdu au loin, je me contente d'être là. C'est déjà bien suffisant. Silas ne dit rien, m'offrant le calme que je réclame bien que ses iris me brûlent l'épiderme lorsqu'ils se posent sur moi. Les secondes s'égrènent dans un silence qui m'étouffe, finalement. Mais que dire ? Les minutes défilent, cinq ou trente ? Je l'ignore, incertain du temps qui passe, je patiente, plongé dans la contemplation du chêne face à moi. Jusqu'à ce qu'un soupir s'élève et que mon cœur martèle mes côtes. La main de Silas se pose sur mon genou, là où le tissu de mon bermuda s'arrête. La pulpe de ses doigts brûlants provoque une myriade de frissons sur ma peau et m'enflamme instantanément. J'observe cette main, ces doigts qui forment de petits cercles sur mon genou et qui remontent lentement, très lentement, sous la lisière de mon vêtement. Ils effleurent ensuite ma cuisse, tout en légèreté et sans se montrer insistants. C'est la première fois que Silas me touche ainsi, la première fois qu'il s'autorise une telle chose et j'ignore si j'apprécie ou si ça me terrorise. Probablement les deux, oui c'est sûrement ça. Son buste se penche vers moi, et s'immobilise lorsque sa bouche se trouve près de mon oreille. J'ai le corps en feu et le cœur en agitation. Son souffle balaie ma joue rougie, ses cheveux retombent contre mon visage et je suis à deux doigts de soupirer de bien-être malgré les pensées assassines qui m'envahissent depuis la veille.

— Kasper, souffle-t-il contre mon oreille, regarde-moi.

Je coupe ma respiration lorsque je tourne le menton dans sa direction. Il est si près que mon nez frôle le sien dans le mouvement. Ses iris s'ancrent aux miens et je remarque une pointe de tristesse dans ce regard. Il recule de quelques centimètres, examine mon visage et soupir de frustration lorsque ses pouces se lèvent pour retracer les cernes violacés qui soulignent mes yeux. Il n'est pas dans un meilleur état que moi, ses traits sont tirés par la fatigue et autre chose aussi, mais j'ignore de quoi il s'agit.

— Tu as l'air si triste, Kas, soupire-t-il en fronçant légèrement les sourcils. Est-ce ma faute ?

— Je..., commencé-je, toi aussi, tu as l'air triste.

— Je le suis.

— Pourquoi ?

Il entrouvre les lèvres, comme s'il s'apprêtait à parler, puis se ravise en laissant tomber sa tête contre le rocher. J'écarquille les yeux tandis qu'une grimace de douleur déforme son visage.

— Doucement ! m'exclamé-je en me dressant sur les genoux. Tu vas te blesser.

Ma main glisse entre ses mèches brunes et je mets de coté mon embarras pour ne pas faire cesser ce geste qui m'a paru si naturel. Son crâne se décolle légèrement de la pierre alors que ses yeux se ferment. Mes doigts massent l'endroit qui a heurté la surface dure et je détaille son visage. Ses lèvres qui laissent échapper son souffle, ses paupières plissées et ses sourcils baissés. Penché au-dessus de son visage, je sens chacune de ses respirations s'abattre contre le mien. Le temps semble s'arrêter lorsque ses mains attrapent mes hanches pour me placer sur ses cuisses. Ses bras se referment dans mon dos alors qu'il me serre contre lui. Sa poitrine se gonfle contre la mienne et ma tête se niche instinctivement dans le creux de son cou. J'ignore d'où me vient cette étonnante hardiesse, si c'est parce que désormais je sais que je l'aime véritablement ou si c'est simplement le moment qui l'exige mais mes lèvres se posent sur sa gorge que j'embrasse à plusieurs reprises. Je sens sa jugulaire battre sous ma bouche, ses doigts s'agripper à mon tee-shirt pour ensuite glisser et s'infiltrer par-dessous pour caresser mon dos. Ma peau frissonne contre ses paumes tandis qu'il expire son air en soupirant. Nous restons ainsi un moment, profitant de l'autre en tendresse et douceur puis je relève la tête, étouffé par cette proximité ainsi que les battements acharnés de mon cœur. J'ai besoin de respirer pour ne pas totalement perdre l'esprit. Je me redresse, sans pour autant le quitter, mes paumes se posent sur sa poitrine tandis qu'il m'observe les yeux mi-clos, le crâne contre la pierre.

— Je ne veux pas que nous soyons amis, dit-il tout bas. Je n'avais pas compris ton malaise hier, c'est Félix qui m'a fait réfléchir. Mais je ne te considère pas comme tel, Kas.

Je hoche la tête, ne sachant pas quoi répondre. C'est ce que je voulais entendre et j'en suis soulagé mais ça ne résout qu'une partie du problème.

— Excuse-moi, si je t'ai blessé. Ce n'était pas mon intention, mais je pensais que c'était clair pour nous deux.

— Je... oui, enfin, je voulais juste que tu... le dises.

— Je te le dis maintenant et je le répéterai s'il le faut. Kasper, je... j'aimerais qu'on discute, si tu veux bien ?

J'approuve en un mouvement de tête. Silas se redresse, m'attirant un peu plus haut sur ses cuisses de façon à ce que nous soyons à la même hauteur.

— Je ne sais pas vraiment comment aborder le sujet, déclare-t-il, mais j'aimerais savoir ce qu'il se passe dans ta tête. Est-ce que tu te sens capable de me le dire ?

Ses mots finissent leur route contre mes lèvres, et ses doigts caressent lentement la peau de mes avant-bras.

— Je crois, oui. Enfin, je vais essayer.

— Très bien, approuve-t-il en déposant un baiser sur mon nez. Dis-moi, est-ce que tu te vois avec moi ? Sur le long terme, je veux dire. Lorsque l'été se terminera, est-ce que tu souhaites que l'on poursuive notre relation ?

Mon cœur s'emballe. C'est ce que j'attendais, sans avoir la force de commencer la conversation. Conversation que je redoute autant que je désire. Moi, je sais que je veux être avec lui, mais est-ce identique de son coté ?

— Je... je... je crois que... que...

Mon palpitant s'acharne, à tel point qu'il m'essouffle et me met dans l'incapacité à communiquer. J'aimerais hurler que oui, presque le supplier de ne pas me quitter si c'est ce qu'il cherche à me dire mais j'en suis inapte. Je me maudis d'être si faible, si fébrile face à lui et ses yeux qui m'observent avec tristesse.
Ses paumes encerclent mon visage et son nez effleure le mien. Ses pouces caressent mes pommettes et effacent les larmes que je n'avais pas senti s'échapper. Je me sens si pathétique que ma tête se met à tourner violemment, me rendant nauséeux.

— Calme-toi, souffle-t-il. Kasper, respire. Ne te mets pas dans cet état, je t'en prie. Je veux juste que tu me dises si oui ou non tu le souhaites. Peu importe ta réponse, je l'accepterai, d'accord ? Mais avant, je veux que tu saches que...

Il se tait, me sourit doucement pour tenter de m'apaiser mais mon cœur ne veut rien entendre.

— Je te veux, avoue-t-il en un soupir. Je veux que tu restes avec moi, que nous soyons au camping ou non. Je sais que ce n'est pas la meilleure des idées, parce que rien n'est en notre faveur dans cette histoire. Tu vis loin d'ici et moi, moi, je passe une partie de mon année dans un autre pays, mais j'aimerais qu'on essaie. Je veux que l'on tente notre chance parce que, je refuse de te dire au revoir, tu comprends ? Ça risque d'être difficile, nous allons sûrement mal le vivre mais si... si le soir, lorsque je rentre chez moi, je peux entendre ta voix alors ça me va. Si, le matin en me réveillant, je peux t'envoyer un sms pour te souhaiter une bonne journée, ça me va aussi. Kasper, je...

Il s'interrompt, ferme les yeux en penchant la tête vers le ciel. Tremblant, je fixe sa pomme d'Adam monter et descendre lorsqu'il déglutit. Ma tête est brumeuse, mon esprit est en errance mais mon corps est éveillé. Chacun de ses mots résonne en moi, jusqu'à venir se loger dans mon cœur qui palpite pour lui. J'ai ouvert une porte pour qu'il puisse venir me réchauffer de l'intérieur. J'ai enlevé les barricades, pour lui, avec lui. J'ai brisé toutes mes barrières pour pouvoir l'accepter et je veux continuer à le faire, encore et encore. Même si son corps s'éloigne de moi, que le mien rentre au bercail, mon âme, elle, elle restera en symbiose avec la sienne.

— Je t'aime, Silas.

Les yeux ronds, je laisse échapper un hoquet de surprise face à ces mots que je n'ai pas contrôlé. Mon cœur rate un battement, tandis que j'analyse sa réaction. Ses yeux s'ouvrent alors qu'il reste figé, le regard vers le ciel à demi-caché par le feuillage des arbres. Sous ma paume, je sens l'acharnement de son palpitant. Dans un courant d'air, les effluves de son parfum viennent titiller mes sens. Ses doigts se fraient un chemin sous mon tee-shirt, s'agrippent à mes hanches tandis qu'il respire par saccades. Après ce qui me paraît une éternité, il relève la tête pour ancrer ses iris verts au font des miens.

— Pardon, mais... qu'as-tu dit ? Je ne suis pas certain d'...

Mes lèvres contre les siennes l'empêchent de finir sa phrase. Je ne l'embrasse pas, non, je le fais taire seulement. Les paupières closes, j'écrase ma bouche contre la sienne tandis que ses doigts se resserrent sur ma peau. Mon cerveau est en ébullition, mes pensées se croisent, s'emmêlent et forment d'énormes nœuds.

— Kasper, soupire-t-il, s'il te plaît.

J'ignore ce qu'il me demande, j'hésite entre lui répéter les mots qui m'ont échappé ou me laisser aller à lui offrir un baiser qui lui partagerait mes sentiments.
Une petite voix dans ma tête s'éveille, elle me réprimande, me dit de prendre mon courage à deux mains et d'assumer mes propos. Elle me gronde de ne pas baisser les bras, de relever la tête et d'affronter la réalité. Alors, pour une fois, j'assomme ma timidité à coup de livre. J'inspire longuement, me gorgeant du souffle de Silas pour ne pas sombrer.

— Je t'aime, répété-je tout près de son visage.

Un soupir lui échappe et sans prévenir, sa bouche m'arrache un baiser ardant. Ses lèvres se meuvent contre les miennes, avec ferveur et détermination. Il m'embrasse à en perdre haleine, me coupant le souffle à l'aide de sa langue qui s'infiltre dans ma bouche. Nos salives se mélangent, nos souffles se mêlent et mon cœur bat d'amour et de passion. Mes mains glissent sur sa poitrine, parcourent son cou et enfin, mes doigts se perdent à travers l'épaisseur de sa chevelure. Je le retiens contre moi, tandis qu'il s'accroche à mes hanches.
La peur a disparu, laissant place à un soulagement presque palpable. Silas me désire, plus que pour un été. Il m'a demandé de ne pas le quitter. Comment le pourrais-je ? Je suis épris de chacune de ses caresses, alangui à chacun de ses baisers. Au-delà de son corps d'une beauté d'Adonis, je suis amoureux de son cœur et de son âme.
Mon gémissement brise le calme environnant lorsque ses dents mordent doucement ma lèvre. Je ne réponds plus de rien quand ses baisers dérivent sur ma mâchoire et se faufilent dans mon cou. Ses lèvres humides tracent des sillons de frissons sur ma peau et instinctivement, ma tête s'incline pour lui laisser l'accès qu'il réclame. Mon corps est bouillant, frémissant tandis qu'il remonte lentement sous mon oreille.

— Est-ce que je dois comprendre que tu acceptes d'essayer ? souffle-t-il contre ma peau.

— Oui, réponds-je sur le même ton. Tout... tout ce que tu veux, mais ne me brise pas... le cœur.

— Je n'y compte pas.

Ses baisers reprennent alors que mon dos se cambre lorsqu'il creuse mes reins du plat de la main. Mon âme est en larmes, elle pleure un mélange de bonheur et de détresse, mitigée entre l'amour et l'envie qui fait crépiter mon sang sous ma peau.

— Ça ne sera pas simple tous les jours, me prévient-il.

— Je le conçois.

Ses lèvres pincent ma peau, l'aspirent doucement, la maltraitent tendrement, me faisant perdre la notion du temps, de tout, finalement.

— On ne pourra pas se voir chaque fois qu'on le souhaitera. On devra se contenter du temps que nous aurons de disponible et supporter les heures de trajets qui nous séparent, continue-t-il.

— Je l'accepte.

Sa langue effleure la succion brûlante laissée par sa bouche avide, tandis que mes paupières se ferment sous la déflagration de plaisir qui me submerge.

— On devra s'appeler pour combler le manque de l'autre, s'écrire pour se sentir moins seuls la journée, et se souvenir que les kilomètres qui nous barrent la route ne sont pas la mer à boire.

— On le fera, affirmé-je en tirant doucement ses cheveux.

Son sourire se dessine sur ma peau, alors que mes soupirs n'en finissent pas. Je n'ai jamais été si confiant qu'à cet instant, bien que les événements à venir risquent d'être difficiles, Silas et moi sommes sur la même longueur d'onde et c'est ce qui m'importe le plus.
Sa bouche retrouve le mienne, cette fois avec énormément de tendresse, moins d'empressement, plus de calme. Un baiser lent et langoureux. Un baiser qui me fait vivre et qui me donne du courage.

— Moi aussi je t'aime, ma Douceur, susurre-t-il contre mes lèvres.

Au même moment, mon cœur explose de bonheur.

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