Chapitre 29 :

10 minutes de lecture

24 juillet, minuit.

Kasper :

Je suis émerveillé face à ce que Marco a mis en place ! C'est la première année que nous avons le droit à un cinéma en plein air et tout à l'air incroyable. L'écran de projection est énorme, suspendu à une armature en ferraille, juste à l'entrée de la forêt. Des gradins ont été installés, ainsi que plusieurs structures gonflables qui ressemblent fortement à des canapés, recouverts de tissus sombres et de quelques coussins. Un stand de boissons et friandises est placé sur le coté et accueille déjà une file d'impatients. Je me demande bien comment c'est possible, ce matin, lorsque j'ai rejoint Silas, il n'y avait rien à cet endroit.

Ouah, soufflé-je, c'est... génial !

— N'est-ce pas ? s'amuse Silas placé juste derrière moi.

Mon dos contre son torse, ses bras sont enroulés autour de ma taille tandis que son menton repose sur le haut de mon crâne. Je pourrais me sentir mal à l'aise d'être dans une telle posture alors que la foule nous entoure mais étonnamment, ce soir, j'aime ça. Il fait nuit noire et seulement quelques spots de lumière éclairent les alentours pour que nous puissions nous installer. Mes parents sont au bungalow avec Milla et la plupart des gens présents ne font pas attention à nous. C'est probablement la présence de Kate qui me rassure, en plus de celles de Silas et Félix. Je ne connais pas vraiment ce dernier mais le fait qu'il soit là me dérange moins maintenant que je sais qu'il n'y est pas pour rien dans la prise de conscience de son ami.

— Eh, Kasper, m'intime Félix en nous bousculant Silas et moi.

— Euh... oui ?

— Ta sœur et ses amis accepteraient que je m'installe avec eux pour le film ?

— Euh, oui... oui, évidemment. Pourquoi ?

Ses iris bruns s'ancrent aux miens alors qu'il sourit malicieusement.

— Je vais vous laisser en amoureux ! déclare-t-il comme si c'était l'évidence même.

Mes joues s'enflamment et je remercie l'obscurité environnante, mais malgré cela, je ne peux m'empêcher de baisser les yeux. Les doigts de Silas effleurent mon ventre par-dessus ma chemise. Je sens la chaleur de sa peau à travers le vêtement et je comprends qu'il tente de calmer mon embarras. Pourtant, son geste ravive la flamme incandescente qui brûle et consume absolument tout ce qu'il se trouve en moi.

— Tu n'es pas obligé, lui assure Silas. Kate est top mais Salomé ne fait que parler, Gabrielle n'aime pas grand-monde, Enzo est... cool, oui, Enzo est sympa mais Mathias est un gros con !

— Sans blague ? Je n'avais pas remarqué !

Silas pouffe un rire et me relâche doucement pour venir se mettre à ma droite. Il donne un coup dans le bras de son ami en levant les yeux au ciel.

— Je suis sérieux, tu peux rester si tu veux. Il y a assez de place pour tout le monde. Et Cassandre ferait les gros yeux si elle te voyait avec toutes ces nanas !

— Pas du tout ! Cassandre est un petit sucre, tout en gentillesse et compassion.

Silas éclate de rire, si brusquement que sa paume se plaque contre son flanc. Je le fixe un moment, les lèvres entrouvertes, à la fois surpris par sa réaction et complètement hypnotisé par le son qu'il laisse entendre. Un rire rauque qui diffère complètement de sa voix habituellement douce, bien qu'un peu grave.

— Va chier, sale con ! ricane Félix.

— Mon Kas ! s'exclame Kate en bondissant face à moi. Tu viens avec nous dans les gradins ?

Mon Kas, réplique Silas en enlaçant mes doigts.

Ma sœur lui lance un regard amusé, puis attendri avant de se focaliser à nouveau sur moi. J'examine ses amis, un peu en retrait derrière elle. Salomé est la seule qui me sourit, les autres ne font pas attention à moi, sauf Mathias. Lorsque mes yeux croisent les siens, mes muscles se contractent violemment. Il me fixe d'un air mauvais, le regard sombre et dédaigneux, puis dévie sur ma paume pressée contre celle de Silas. Instinctivement, je le relâche en faisant un pas sur le coté. Je sens son attention se poser sur moi, puis Kate qui fronce légèrement les sourcils et je crois qu'à cet instant, mon cerveau se déconnecte. J'ai du mal à respirer, les mains moites et la gorge sèche. Un sourire moqueur se dessine sur le visage de Mathias alors que je ne sais plus où me mettre. La honte m'envahit, mon cœur s'emballe et ma peau s'enflamme. Katherine place ses mains sur mes joues et souffle doucement sur mon visage, afin de gonfler mes poumons d'air. C'est douloureux, désagréable, mais ça me permet de me calmer un peu.

— Je pense qu'on devrait se mettre à l'écart, annonce Silas en venant se placer derrière moi.

— Oui, approuve-t-elle, il y a probablement trop de monde pour lui.

J'aimerais lui dire que ce n'est pas forcément ça mon principal problème, que la foule me gêne mais que son ami Mathias est celui qui me rend malade. Pourtant, je n'y parviens pas. Silas me fait pivoter vers lui en plaçant une main sur ma taille. Ses yeux verts cherchent les miens tandis que son visage se penche vers moi.

— Arrête de te prendre la tête, souffle-t-il pour que moi seul l'entende. Tu te fais du mal, Kas. Fais comme s'il n'était pas là, il n'y a que toi et moi, d'accord ?

J'acquiesce lentement, un peu surpris qu'il ait si rapidement compris d'où venait mon trouble. Lorsqu'il est certain que je vais bien, il s'éloigne d'un pas décidé. Je n'ai pas le temps de poser de questions qu'il attrape brusquement Mathias par le bras pour l'emporter avec lui. J'ignore ce qu'il se passe, je le vois enfoncer son index contre la poitrine de ce dernier, l'air contrarié mais je n'entends pas ce qu'il lui dit.

— Quel est le problème avec Math ? demande Kate en inclinant la tête.

Son regard fouille le mien, m'examine, tandis qu'elle pose une main sur mon bras. J'essaie de voir ce qu'il se passe derrière elle, tente d'apercevoir Silas qui continue de beugler sur l'autre. Je jette un coup d'œil inquiet à Felix, celui-ci arbore une mine se voulant rassurante. Je comprends alors, que s'il doit s'emmêler, il le fera mais que pour le moment il ne juge pas utile de le faire.

— Kasper ! insiste Katherine.

— Euh oui... rien, il n'y a rien... avec Mathias. C'est juste que... je ne l'apprécie pas... beaucoup.

— Est-ce qu'il t'a embêté ? Je le connais, il est parfois un peu brutal mais il n'est pas méchant.

Ma gorge se noue, face au visage dubitatif de ma sœur. Visiblement, elle ne le connait pas si bien que ça, ou alors peut-être est-ce moi le problème...
Silas revient, son visage s'adoucit lorsqu'il me regarde mais je vois la colère dans ses yeux. Son bras passe dans mon dos, puis sa main glisse sur mon ventre pour me compresser contre son corps brûlant. Il est crispé, je peux sentir chacun de ses muscles bandés contre moi.

— Le film va commencer, nous informe Félix en pointant l'écran du doigt. On remettra à plus tard la petite guéguerre de celui qui pisse le plus loin.

Kate lève un sourcil, m'interrogeant silencieusement tandis que je baisse la tête. Que pourrais-je lui dire ? Théoriquement, Mathias ne m'a pas vraiment fait de mal, si ce n'est quelques paroles désagréables. Rien qui vaut vraiment la peine de créer un conflit entre toutes les personnes autour de moi.
Félix passe son bras sur les épaules de Katherine en souriant.

— Je vous accompagne, je ne veux pas tenir la chandelle ! ricane-t-il. Tu peux laisser ton frère avec le mien, je t'assure qu'il s'en occupera très bien ! C'est dommage que ma Cassandre n'ait pas pu se libérer, elle t'aurait adorée, toi !

Katherine se laisse emporter, tout en me jetant un regard par-dessus son épaule. Je lui souris pour lui affirmer que je vais bien, même si, intérieurement, j'ignore comment je me sens. C'est ridicule de se sentir si mal pour un simple regard. Quelque chose cloche chez moi, mais quoi ?

— Viens par-là, Honey, souffle Silas à mon oreille.

Il se déplace, récupère doucement ma main et nous dirige vers un canapé gonflable, de ceux qui se trouvent le plus en retrait. Je m'installe dessus, laisse échapper un hoquet de surprise lorsque je m'enfonce dedans. C'est étrange, à la fois dur et moelleux. Je me fais rebondir plusieurs fois, alors que Silas rit doucement en me voyant faire.
Les lumières s'éteignent, laissant place à l'obscurité de la nuit. L'écran s'illumine, les haut-parleurs s'activent alors que le film commence. Silas se place près de moi, sa main sur ma cuisse, le regard rivé droit devant lui. Les minutes s'étalent, mais mon attention ne parvient pas à se fixer sur ce qu'il se passe à l'écran. Mes yeux ne quittent pas le profil de Silas. La tête contre le dossier du canapé, j'admire sa beauté dans la noirceur environnante.

— Silas, soufflé-je doucement pour ne pas déranger les autres. Qu'as-tu dit à Mathias ?

Son visage se tourne vers moi, sa main sur ma cuisse se lève pour venir effleurer ma joue.

— Je lui ai fait comprendre ma façon de penser. Rien d'intéressant, je lui ai simplement conseillé de ne plus être dans les parages et s'il y est, qu'il se fasse discret.

— Et tu crois qu'il le fera ?

— Non. Pour être tout à fait honnête, je ne pense pas qu'il le fera. Mais, ce n'est pas bien grave, parce qu'on va simplement l'ignorer pour ne pas que ça dégénère.

— Tu avais l'air énervé, fais-je remarquer en mordant l'intérieur de ma joue.

— Je l'étais, mais peu importe, maintenant je suis avec toi et tout va bien.

Dans la pénombre, je vois son sourire se dessiner. Il se penche vers moi afin d'embrasser ma joue puis reporte son attention sur l'écran.

— Silas, insisté-je encore, pourquoi est-ce que tu étais en colère ?

Je l'entends soupirer, puis il se déplace de façon à se mettre face à moi. Dans son mouvement, mon corps s'enfonce davantage dans la matière gonflable.

— Parce que ça m'agace que tu te sentes inférieur face à ce genre de crétins. Tu vaux bien mieux que lui, et je ne veux pas que tu croies le contraire.

— Tu le penses, vraiment ? murmuré-je en baissant les yeux.

— Bien sûr, approuve-t-il en me relevant le menton de son index. Cesse de te torturer l'esprit.

Un courant d'air me fait frissonner, le vent est frais cette nuit. La Lune est désormais cachée derrière de larges nuages et le tissu de ma chemise n'est pas suffisamment épais pour me tenir au chaud.

— Tu trembles, Kas, souffle Silas. Tu as froid ?

— Un... un peu.

— Viens.

Ses bras s'ouvrent, ses jambes s'écartent et un petit sourire m'invite à prendre place contre lui. Mon dos vient se caler contre son torse et instinctivement, il m'enveloppe. Ses cuisses viennent se refermer par-dessus les miennes tandis que ma tête atterrit contre son épaule. Le film continue, je n'ai pas réellement suivi jusqu'ici et je ne comprends pas ce qu'il se passe à l'écran, l'esprit envahi par le contact de Silas et son parfum qui m'englobe dans une bulle apaisante. Ses doigts glissent sur mon ventre, passent sous ma chemise pour venir effleurer ma peau. Il trace de petites formes abstraites alors que mes muscles se contractent sous son toucher. Mon corps s'embrase dès qu'il appose ses lèvres sur ma joue. Il laisse trainer quelques baisers sur ma mâchoire, puis niche son visage contre mon cou et inspire longuement. Mes yeux se ferment, profitant de sa présence, de sa tendresse. Un petit couinement m'échappe alors que l'humidité de ses lèvres effleurent ma gorge. Ses jambes se referment davantage autour de moi, ses bras également et je me retrouve emprisonné contre lui. J'aime ça, cette sensation de sécurité qui me réchauffe le cœur. Je peux à peine bouger mais cela ne me gêne pas, au contraire, je me sens bien. Mais ça ne dure qu'un court instant, un gémissement m'échappe alors qu'un objet dur atteint mon visage. Contre moi, Silas se crispe alors qu'une douleur lancinante me vrille les tempes. Tremblant, j'ouvre les yeux, mon cœur s'emballe lorsqu'une silhouette se dessine face à moi. Le liquide qui coule de mon front et s'étale sur mes cils m'empêche de voir quoi que ce soit. Une odeur d'alcool m'inonde et me rend malade.

— Sil... as... tenté-je alors que son corps me délaisse.

J'ai froid, j'ai peur, j'ai mal. Je ne sais pas ce qu'il vient de se passer mais ma tête est douloureuse.

— Putain !

Des doigts se posent sur mon visage noyé de larmes et des gouttes de sang qui coule de mon front entaillé.

— Kasper ! Eh, est-ce que ça va ?

Les yeux baignés d'inquiétude de Silas trouvent les miens, pourtant, je les vois à peine. La voix de Kate atteint mes oreilles et quelques secondes plus tard, son odeur de fleurs me caresse. Je sens ses bras s'enrouler autour de moi, alors qu'elle amène mon visage contre sa poitrine en caressant mes cheveux. J'ai mal à la tête. Atrocement mal.

— Kasper, murmure-t-elle, je suis là mon cœur, ça va aller.

— Je vais te buter ! enrage Silas. Je crois que t'as pas compris !

Un brouhaha monstrueux s'élève alors que je sanglote contre le corps chaud de ma sœur. Sa présence me rassure, mais la douleur me fatigue et me fait fermer les yeux.

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