Chapitre 30 :

9 minutes de lecture

24 juillet 2021.

Silas :

Si je pouvais tuer en un regard, ce connard de Mathias serait gisant dans une marre de sang. Les poings serrés, le cœur enragé et la tête en vrac, je m'approche lentement de lui. Il s'éloigne à mesure que j'avance, ce qui accroît ma rage de façon inquiétante.

— Silas... je n'ai pas fait exprès... je..., commence-t-il en déglutissant plusieurs fois.

— Ta gueule ! grogné-je. Pas fait exprès ? Tu me prends pour un con ?

Les yeux écarquillés, il me regarde en frémissant. Il empeste l'alcool, son regard est troublé par les effets de ce dernier. Il est complètement ivre et me dégoûte au point de me donner envie de vomir.

— Non, je... j'ai trébuché, mais je ne voulais pas... le blesser. Ça m'a échappé, je voulais seulement...

— Seulement quoi ?

— Je voulais juste... putain ! Ça me fait chier de de voir avec lui, ok ? Kasper Price, sérieux Silas !

— Mais merde ! J'en ai rien à foutre de ce que tu ressens ou penses. T'es personne ! Réveille-toi, un peu ! Si je t'ai pas sauté quand j'en ai eu l'occasion c'est pas pour que tu m'emmerdes, maintenant ! Je t'ai dit il y a moins d'une heure de pas t'approcher de moi, de lui, t'es bouché ou quoi ?

— Je ne voulais pas le blesser, répète-t-il.

— T'avais rien à foutre là ! hurlé-je. Encore moins avec un foutu verre ! T'as pas le droit de te balader avec des objets qui casses ! C'est pas pour rien qu'il n'y a que des gobelets en plastiques au bar, pauvre con !

— Mais Silas, je...

Enragé, j'attrape brutalement le col de son tee-shirt pour l'attirer à moi, ce qui le fait taire instantanément. Ses yeux effrayés rencontrent les miens. Je suis en train de perdre le contrôle, mon esprit divague et seule la colère guide mes mouvements. Dans mon dos, j'entends Kate qui tente de calmer son frère. Les sanglots de Kasper me brisent le cœur autant qu'ils me tordent l'estomac d'une rage que je n'arrive plus à gérer. Mon poing s'abat violemment contre le visage de Mathias que je ne lâche pourtant pas. Un grognement de douleur nous échappe en même temps. Mes phalanges me font mal et son nez est en sang. Celle-là, ça fait déjà un moment que j'aurais dû lui mettre. Je m'en contre fous de ses états d'âme et de sa jalousie. Je n'ai jamais rien fait pour qu'il puisse croire qu'un jour, lui et moi on irait plus loin. Il est stupide, complètement débile de le penser et même en le repoussant plusieurs fois, il n'a toujours pas compris. Non, il s'évertue à chercher Kasper, à le mettre mal à l'aise et à tenté d'attirer mon attention. Mais là, il est allé trop loin. Il a blessé mon Kas et le sang qui s'épanche sur sa peau pâle me rend malade. Je m'apprête à lui en mettre une seconde mais une poigne m'attire brusquement en arrière. Ma prise cède sur le tee-shirt de Mathias qui s'effondre au sol tandis que je suis maintenu à l'écart.

— Putain ! Lâche-moi, Félix ! Il mérite de se faire éclater !

— Eh, mon pote ! Je suis d'accord avec toi, mais là c'est pas bon. Tout le monde te regarde et tu bosses ici !

— Mais je m'en fous, grogné-je en me débattant. Laisse-moi !

Un troupeau s'agglutine autour de nous, certains tentent de relever Mathias et d'autres pestent dans tous les sens. Je fulmine, mon cœur cogne trop fort. Je suis à bout de nerfs.

— Va voir ton gâteau au lieu de vouloir tuer ce connard, me conseille Félix en me secouant un peu. Si Marco débarque, t'es dans la merde !

— Mais c'est lui qui a cherché ! Je n'ai fait que lui donner ce qu'il réclame, ça ne pouvait pas être autrement. Il a tout fait pour que je déraille !

— Bordel, mais je sais ! se met-il à crier. Moi, je le sais, mais ton patron ne le verra pas de cette façon ! Fais pas ta tête brûlée et écoute-moi, merde !

— Marco le saura dans tous les cas, soupiré-je en passant une main lasse sur mon visage. Il y a beaucoup trop de monde, ici.

— Justement ! Va vérifier que Kasper va bien, moi je vais calmer ce trou du cul et lui faire passer l'envie de chercher les coups.

Je capitule en expirant. Tout ce chaos m'a donné mal au crâne. Je me défais de la prise de mon meilleur ami et retourne près de Kasper qui est toujours contre sa sœur. Il ne pleure plus, semble épuisé et son visage est souillé par le sang qui a coulé de la plaie qui barre son front. Il est terrorisé, tremblant et l'envie de cogner Mathias me submerge à nouveau.

— Silas, m'interpelle Kate, il faut nettoyer sa blessure. Je peux te le confier ?

— Oui ! réponds-je avec empressement. Bien sûr que oui.

Je m'agenouille devant lui, posant ma main sur son genou pour attirer son attention. Il relève un regard embué vers moi, alors que je ferme un instant les yeux pour ne pas hurler de rage. Son corps se déplace et vient se presser contre le mien. Ses gestes sont lents et fatigués. Je l'enlace, passant mes bras autour de lui pour nous redresser. Ses jambes flageolent lorsqu'il pose ses pieds à terre. À peine le corps de son frère contre moi, Kate se lève, furibonde. D'un pas décidé, elle rejoint Mathias qui est assis contre un tronc d'arbre, la paume contre son nez blessé. Le pied de Katherine s'abat contre le bras de ce dernier, puis elle se baisse pour lui envoyer une gifle monumentale au visage.

— Espèce de crétin ! rugit-elle. Tu peux pas regarder où tu vas ? Et puis c'est quoi cette scène de jalousie ? Tu crois pouvoir emmerder mon frère et son copain parce que t'es attiré par un type qui veut pas de toi ?

Mathias tente de répliquer mais Kate ne semble pas le vouloir. Le talon compensé de ses sandales s'écrase sur le pied du coupable qui se plaint en gémissant.

— Ne t'approches plus de mon petit frère, le prévient-elle, sinon tu ne pourras plus jamais lever ton engin pour prendre du plaisir !

Un rire m'échappe malgré moi. Je ne suis pas amusé, loin de là. Mais le fait de voir Katherine si brusque est plaisant à regarder, surtout si c'est pour défendre Kasper. Je savais bien qu'elle avait du caractère cette petite dame aux yeux froids.

— Silas, murmure Kas, le visage contre mon torse. On peut partir ?

— Oui, le rassuré-je, on s'en va. Je vais nettoyer ton visage et soigner ta plaie.

Je fais signe à Félix que je rentre. Il hoche la tête en levant le pouce. Puis Kate nous rejoint et je soutiens Kasper jusqu'à mon bungalow. Je préfère l'amener chez moi pour prendre soin de lui et m'assurer qu'il aille bien plutôt que de le laisser regagner son logement dans cet état. Katherine a compris sans que que je ne dise quoi que ce soit et n'a pas protesté.
J'installe Kas sur la banquette du salon et part directement chercher de quoi désinfecter la blessure. Je sais comment m'y prendre, ce n'est pas un souci, je suis formé pour ça mais le faire sur lui risque de me mettre dans un état second. Ma mâchoire se crispe à l'instant où je pose mon regard sur son visage abîmé. En soupirant, je m'agenouille entre les jambes écartées de Kasper, sous le regard de sa sœur.

— Ça va piquer un peu, le préviens-je en approchant une compresse imbibée de produit.

Il hoche doucement la tête, puis grimace en gémissant lorsque je tapote doucement la plaie. Ses yeux sont remplis de larmes et ses ongles viennent s'enfoncer dans mes avant-bras. Je n'aime pas le voir ainsi, mon cœur est en souffrance et ma colère ne s'amenuise pas.

— Désolé, soufflé-je, je sais que c'est douloureux mais je dois nettoyer pour voir l'ampleur de la blessure.

— Ou... oui.

Kate fait les cent pas dans le petit salon, folle de rage.

— Je ne comprends pas ! s'agace-t-elle. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé, Kas ? Tu aurais dû me le dire !

— Je... oui, mais... en fait, je...

Il se tait en se crispant brusquement lorsque je passe une seconde compresse sur son front. Une fois sa peau nettoyée, je peux examiner les dégâts. Un hématome couvre son front, là où se perd une entaille longue de deux centimètres.

— La plaie n'est pas profonde, soupiré-je soulagé, il n'y a pas besoin de point de suture.

— Heureusement ! peste Kate. Je lui aurai arraché la langue si ça avait été le cas. Mais quel enfoiré !

— Katherine, souffle Kasper, arrête de crier... s'il te plaît.

J'attrape un tube de crème sur la table, en dépose une noisette sur mon doigt et l'étale doucement sur le coup qui bleuit encore. Il est fort possible que la douleur se ressente plusieurs jours.

— On va rentrer, dit Kate en venant caresser les cheveux de son frère. Tu as besoin de te reposer.

Le regard bleu de Kasper se pose sur moi, puis se dirige sur sa sœur. Il se mordille la lèvre pendant plusieurs secondes, puis desserre enfin la prise de ses ongles sur ma peau. De petites traces rouges recouvrent mon bras.

— Est-ce que... je peux rester un peu... avec Silas ? demande-t-il en rougissant.

Kate fronce les sourcils, semble réfléchir puis approuve en soupirant.

— D'accord, mais si ça ne va pas, tu m'appelles immédiatement !

— Oui, merci... je t'aime, Kate.

Son visage se détend enfin et un sourire étire ses lèvres. J'assiste à la scène, silencieux et à l'écart. L'amour qui baigne le regard de Kate est attendrissant.

— Moi aussi, je t'aime, sourit-elle en embrassant la joue de son frère. Je vais y aller, mais je ne vais pas dormir maintenant alors, tu me tiens informée !

Kas acquiesce puis Kate s'approche de la sortie en me remerciant. Je lui assure que je ramènerai son frère en temps voulu, puis après une brève étreinte, elle quitte les lieux.
Kasper garde la tête baissée lorsque je prends place à ses côtés sur la banquette. J'ai de la peine pour lui, et je me sens coupable que les choses aient dérapé de cette façon. Mes doigts passent dans ses cheveux, sur le sommet de son crâne afin de lui faire tourner la tête dans ma direction. Sa peau est encore tachée de sang, je n'ai nettoyé que l'endroit abîmé pour le moment.

— Viens contre moi, Kas, réclamé-je d'un ton désespéré. Viens, s'il te plaît.

Il se met doucement en mouvement, s'étend sur le canapé et pose sa tête sur mes genoux.

— J'ai mal au crâne, se plaint-il en fermant les yeux.

— Je sais, dis-je en caressant ses cheveux, tu veux une aspirine ?

— Non, je veux juste être avec toi.

Sa voix n'est qu'un murmure, son teint est blême et les traînées rouges sur sa peau me rendent malade. Je me penche vers la table, tout en le gardant contre moi. J'attrape d'autres compresses et délicatement, je nettoie son visage. Il se laisse faire sans protester, ferme les yeux à chaque fois que mes doigts l'effleurent et soupire parfois en fronçant le nez.

— Merci, Silas.

— Non, ne me remercie pas, soufflé-je en l'incitant à se redresser.

Lorsque son visage se trouve près du mien, je dépose un baiser sur le coin de ses lèvres, puis sur sa joue, son nez et délicatement, j'embrasse sa blessure. Ses yeux semblent encore plus clairs que d'habitude, presque translucides. Ils sont si tristes que mon cœur se comprime douloureusement.

— Je suis désolé, Kasper, vraiment, désolé. J'aurais dû réagir avant qu'une telle chose se produise.

Je ferme les yeux, culpabilisant de le voir ainsi. Sa main est froide lorsqu'elle se pose sur ma joue. Je tourne la tête afin d'embrasser sa paume.

— Ce n'est pas ta faute, m'assure-t-il d'une voix faible. Tu n'as rien fait.

Je rouvre les paupières pour admirer sa beauté torturée. Ma main passe sur sa tête pour retirer son bandana. Ses mèches blondes retombent doucement sur visage pâle. Mon cœur s'emballe, sans raison apparente. J'ai envie de le garder avec moi, de le câliner et effacer sa peine et sa douleur. Je veux l'aimer, l'apaiser, le réconforter. Il mérite tout ça, et plus encore.

— Silas... embrasse-moi.

Je déglutis tentant d'avaler la boule de culpabilité logée dans ma gorge et ne me fais pas prier pour lui donner ce qu'il me réclame. Mes lèvres se posent doucement contre les siennes, lui offrent un baiser tendre et empreint de sentiments. Son soupir meurt dans ma bouche alors qu'il me répond timidement. Je l'enlace, enroulant mes bras autour de son bassin pour une étreinte qui j'espère, réchauffera sa peau glacée. Notre échange se prolonge, sans fureur, sans ardeur, juste quelques baisers doux et tendres sur ses lèvres humides de larmes.

— Reste avec moi, soufflé-je contre sa bouche. Kasper, reste avec moi, cette nuit.

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