Chapitre 32 :

10 minutes de lecture

27 juillet 2021.

Kasper :

Allongé sur mon lit, mon livre ouvert sur le visage, j'attends. Si avant, je préférais me terrer dans ma chambre pour ne pas avoir à supporter le regard des autres, désormais, le temps me semble bien trop long. Silas me manque, bien que la honte m'englobe et m'étouffe depuis trois jours. Je ne l'ai pas revu depuis la nuit que j'ai passé avec lui. Pas parce que je n'en avais pas envie mais plutôt parce que mes parents m'ont interdit de sortir avant que ma plaie soit suffisamment cicatrisée pour que je m'expose au soleil. Je n'ai plus mal au crâne, enfin si parfois. Si je tourne ma tête trop rapidement, une douleur lancinante me barre le front.

Oui, Silas me manque terriblement, mais je ne suis pas certain de supporter le fait d'être avec lui. Du coup, j'accepte plus ou moins bien ma sentence. C'est faux, j'ai l'impression de suffoquer.

Mon téléphone vibre sur le matelas. Je le récupère à tâtons, puis retire le bouquin qui me cache les yeux pour examiner l'écran.

Silas :
Comment vas-tu ce matin ?
Parle-moi, Kas. Tu me manques.

Les réminiscences de cette soirée que j'aimerais oublier me reviennent à l'esprit. Je ne me souviens pas de grand-chose finalement, sauf de mon corps qui se frotte contre celui de Silas. Je me souviens de sa voix me demandant d'arrêter mes mouvements, de ses doigts crispés sur mes hanches, de son visage torturé, mitigé entre l'envie et la retenue.
Je grogne de détresse, sentant mon visage s'enflammer et le désir parcourant mes veines comme de la lave en fusion. Je me sens si mal que je n'ose même pas aborder le sujet avec lui. Pourtant, je me rappelle parfaitement avoir aimé ça, je sens encore mon bas-ventre s'enflammer, mes reins brûler lors de la délivrance. Quand je ferme les yeux, je peux encore sentir les bras puissants de Silas m'entourer, me rassurer, ses mots résonner à mes oreilles.

Viens là, mon Amour.
Mon Amour.
Mon Amour.
Mon Amour.

Les yeux fermés, la paume par-dessus pour être certain que la lumière ne forme pas une pellicule orangée sous mes paupières, je revis le moment où tout a basculé dans ma tête. Cet instant où la honte a commencé à grignoter lentement mon estomac, pour ensuite s'étendre et avaler chacun de mes organes vitaux.


Je fronce les sourcils, perdu entre le demi-sommeil et le réveil. Ma tête est lourde, mon corps est brûlant, et le matelas sur lequel je repose l'est davantage. Une vibration étrange me dérange, j'ignore de quoi il s'agit mais mes yeux s'ouvrent pour examiner ma chambre. Figé, j'observe la pièce, les murs bleu-nuit qui m'entourent tout en frissonnant lorsqu'un souffle s'échoue sur ma peau.
Lentement, je tourne la tête pour découvrir le visage de Silas, endormi, paisible et beau à se damner. Je réfléchis un instant, passant une main sur mon visage pour me remettre les idées en place.

Qu'est-ce que je fais là, bon sang ?

Les bribes de la veille me reviennent, l'incident avec Mathias, la douleur qui m'a transpercé lorsque l'objet a atteint mon visage, la rage de Silas et la colère de Kate.
Seigneur...
Les vibrations reprennent, m'obligeant à chercher d'où elles proviennent. Mes yeux se posent sur mon téléphone, sur la petite table à côté du lit. Le prénom de ma sœur clignote sur l'écran et l'angoisse m'envahit. Allongé sur Silas, un bras dans mon dos, il me retient contre son torse. Je gigote doucement, tente de m'extraire de sa prise alors que mon corps est secoué de spasmes incontrôlés. Je récupère le téléphone, il est 5h37. Les trois appels manqués de Kate me narguent sur l'écran et me donnent mal au ventre. Un texto apparaît à l'instant où j'ouvre la conversation pour lui écrire.

Kate :
KASPER PRICE ! Tu es réveillé ? Ne m'oblige pas à venir te chercher au bungalow de Silas ! Tu sais que je t'aime à la folie mais si tu ne rentres pas vite, on va mourir tous les deux ! Le réveil des parents sonne dans 40 minutes, dépêche-toi !

Kas :
J'arrive bientôt.

Assis sur le matelas, j'inspire et expire doucement pour ne pas me laisser envahir par la panique. Je jette un coup d'œil vers Silas. Il n'a pas bougé, dort tranquillement en ronflant un peu. Ses cheveux étalés sur l'oreiller dégage son visage, il semble si calme, bien plus que la veille. J'hésite, dois-je le réveiller pour lui dire que je pars ? Je me lève afin de m'étendre, ma tête tourne un instant, me fait mal et une grimace déforme mon visage. Je me sens étrangement sale, sans vraiment savoir pour quoi. Mes vêtements me collent à la peau, mon pantalon semble peser trop lourd. Je baisse la tête, quelque chose n'est pas normal. Mon cœur s'emballe brusquement lorsque mon regard se pose sur une tache entre mes jambes. Les yeux écarquillés, je tire sur le tissu poisseux. Une sensation étrange me parcourt le corps, mes mains se mettent à trembler alors que des images brumeuses se mettent en mouvements sous mon regard effaré. Ma voix résonne à mes oreilles, elle semble lointaine, un peu hésitante.

Tu n'as pas envie de moi ?
Tu es le seul à pouvoir faire cesser ce brouhaha en moi.
S'il te plaît, Silas.

Non. Non. Non.
Bon sang, ce n'est pas possible !
Non, je n'ai pas fait ça.

Horrifié, j'empoigne mon téléphone, récupère mes chaussures qui traînent dans la chambre et m'immobilise pour examiner Silas, un instant. Je suis mort de honte, terrifié.
Est-ce que j'ai... joui ? Pourquoi ai-je fait ça ? Il va me haïr. J'ai profité de lui, je me suis frotter sur son corps comme s'il était un objet procurant du plaisir. Comment ai-je osé agir ainsi ? Ce n'est pas moi, non, ça ne me ressemble pas.
À la hâte, je quitte la chambre alors qu'un fléau de larmes ravage mon visage. Dans le salon, Félix dort sur le canapé. Mon cœur s'emballe. Était-il là lorsque j'ai gémi le prénom de Silas, emporté par un plaisir dont je n'aurais jamais dû goûter cette nuit ? Quelle horreur !
Il m'avait dit d'arrêter. Silas voulait que j'arrête et pourtant, j'ai continué encore et encore. Je suis bon à jeter. Je me sens si mal que mes genoux ont du mal à me soutenir lorsque je traverse le camping. La nausée me submerge, je vais vomir.
Je me précipite vers la salle de bain à peine ai-je franchi la porte du bungalow. L'eau brûlante ruisselle sur ma peau, emporte avec elle les traces collantes de ma honte.
Je suis tellement désolé, Silas. Je me déteste. Je ne suis qu'un crétin !


L'arrivée d'un nouveau texto me tire de mes pensées honteuses. La culpabilité ne m'a pas quitté, elle me ronge comme une maladie dégénérative.

Silas :
Quand pourra-t-on se voir ? Je termine à 20h, est-ce que tu veux manger avec moi ?

Kas :
Mes parents refusent encore que je sorte. Désolé.

Silas :
Sont-ils encore en colère ?

Kas :
Ils ne l'ont jamais été contre moi. Ils en veulent à Mathias.

Silas :
Et pour nous ?

Mon cœur se serre, tandis que des larmes investissent mes yeux. Nous. Il n'y a pas de " nous ", il n'y en a plus. Comment peut-il encore vouloir de moi alors que j'ai abusé de lui ? Est-il fou ?

Kas :
Ils savent que tu as pris ma défense mais Kate à fait en sorte qu'ils ne se posent aucune question pour l'instant.

Silas :
Vas-tu leur dire ?

Kas :
Il n'y a rien à dire de plus que ce qu'ils savent.

Silas :
Oh... très bien.

Les larmes s'égouttent sur mon visage, terminent leur course sur mon tee-shirt et me brouillent la vue. Mon cœur souffre affreusement. Je me sens terriblement coupable de ce qu'il se passe et je ne sais pas quoi faire. Je l'ai probablement blessé en disant cela. Je ne le pense même pas. S'il savait, je désire sa présence plus que n'importe laquelle. Mais je ne peux pas, je ne me l'autorise pas. J'ai été horrible et mon comportement déplacé refuse de me laisser en paix.

Silas :
Je dois te laisser. Marco m'a mis en surcis, au moindre faux pas, je quitte le camping. Je dois faire en sorte qu'il ne me voit pas pianoter sur mon téléphone. À plus tard, Kas...

Je ne réponds pas, laisse tomber mon téléphone sur le matelas en pleurant silencieusement. J'aimerais écrire à mes amis, leur parler de ce qu'il s'est passé, leur demander du soutien, profiter de leur présence mais je me sens trop mal pour ça. J'ignore même leurs messages depuis quelques jours, bien que l'envie de me blottir dans leurs bras pour pleurer me brûle le cœur. Ils ne se doutent évidemment de rien, pensent que je profite de mes moments en présence de ma " petite amie ". C'est assez ironique, non seulement cette dernière n'existe pas, mais en plus, j'ignore celui que j'aime parce que j'ai tout gâché entre lui et moi.
Quelques coups résonnent contre la porte de ma chambre. Je reste silencieux, si je ne dis rien, peut-être que cette personne me pensera endormi et ne viendra pas me déranger dans mon désespoir.
Raté. La porte s'ouvre et maman entre dans la pièce.
Elle vient s'installer sur le matelas, passe la main dans mes cheveux et me sourit tristement.

— Pourquoi pleures-tu, mon cœur ? demande-t-elle doucement. Est-ce que tu as encore mal à la tête ?

Je signe la négation d'un mouvement du menton. Ce n'est pas ma tête qui me fait souffrir, c'est mon cœur.

— Est-ce que c'est à cause du fils Denis ? Il venait avec ses parents avant, je ne les aimais pas beaucoup, ils étaient désagréables.

— Non, ce n'est pas à cause de Mathias, reniflé-je. C'était un accident, maman.

Elle me fixe un moment, sceptique. Je n'ai jamais été très doué pour le mensonge.

— Alors dis-moi, qu'est-ce qui ne va pas ?

Silas ! Voilà ce qu'il ne va pas, maman, mais est-ce que je peux te le dire ? Je l'aime, et j'ai fait des choses que je regrette. Je suis amoureux de lui et j'ai tout cassé, tout fracturé parce que j'ai joui, tu vois ? Pourtant, il m'avait dit non. Je ne suis pas mieux que ce Mathias, finalement. Je suis comme lui. Un monstre.

Ça va, murmuré-je, c'est juste que... je suis fatigué.

— Ne me mens pas, Kasper. Je sais bien que tu ne pleures pas à cause du manque de sommeil.

Ses pouces passent sur mon visage, effacent mes larmes. J'ai envie de la prendre dans mes bras, de pleurer contre elle comme lorsque j'étais petit.

— On n'a pas pu aller se promener ce week-end, change-t-elle de sujet. Demain, ça te dit que nous allions en ville ? Ça te changera les idées.

J'aimerais lui demander pourquoi elle refuse que je quitte seul le bungalow, mais que cela ne la dérange pas si je suis avec eux. Je ne comprends pas bien et son excuse du soleil qui tape sur ma plaie n'est plus crédible désormais.

— Oui, m'entends-je répondre, pourquoi pas.

Elle me sourit, puis dépose un baiser sur mon front, près de ma blessure.
Elle se lève, s'approche du placard dans lequel je range mes vêtements et en sort une casquette bleu ciel. Elle la dépose sur mon lit, puis reprend place près de moi.

— Marco nous a invité à manger ce soir, m'apprend-elle. Ça te fera du bien de sortir un peu. Tu mettras cette casquette et je poserai un pansement sur ta blessure.

J'acquiesce, sans conviction. Je n'ai pas envie d'y aller mais elle ne me laissera pas seul ici. J'ignore à quel endroit est posté Silas cette semaine, mais j'espère qu'il ne sera pas au restaurant. Si je le vois, mon cœur déjà en souffrance va agoniser, jusqu'à mourir de chagrin.

— Maman ! l'appelé-je avant qu'elle ne quitte ma chambre. Est-ce que je pourrai bientôt ressortir seul ?

Ses yeux me sondent un moment, puis elle incline la tête sur le côté.

— Oui, je veux juste m'assurer que Mathias ne te cherche pas d'ennuis. Avec ton père, on attend d'en discuter avec Marco.

Donc la voilà la véritable raison de mon confinement. Ils s'inquiètent à l'idée qu'il me cherche des noises.

— C'était un accident, répété-je encore.

— Peu importe. Accident ou non, je ne veux pas qu'il t'approche. Je suis désolée, mon cœur, de t'obliger à rester ici alors que depuis le début de l'été, tu profites enfin. Mais nous sommes inquiets et ce garçon ne m'inspire aucune confiance. Je vais m'assurer auprès de Marco que ce genre de problèmes ne se reproduise pas.

— Très bien, soupiré-je. Je vais attendre dans ce cas.

— Pourquoi veux-tu sortir ? Pour retrouver ton ami ? D'ailleurs, lui as-tu proposé de dîner avec nous ?

Je ferme les yeux, fronce les sourcils avant de reprendre une expression impassible.

— J'aimerais le remercier d'avoir pris ta défense, ajoute-t-elle.

— Non, je ne lui ai pas encore demandé. Je le ferai bientôt, feins-je. Et c'était simplement pour me trouver un endroit au calme pour lire.

C'est faux. Je ne sais même pas pourquoi je souhaite sortir en sachant que je m'interdis de voir Silas. Je veux juste pouvoir respirer un peu, loin de ma chambre et de la détresse qu'elle renferme. Je veux juste me perdre, dans un endroit où je ne suis jamais allé avec lui, pour être certain qu'il ne me trouve pas. Je veux oublier, et profiter de ma solitude pour pleurer en paix.

— On en discutera demain, me sourit-elle.

Je hoche la tête, l'observe quitter la pièce et me mets en boule dans mon lit. Je rabats la couverture sur mon visage, afin de me terrer dans ma tristesse.
Silas me manque.
J'ai envie d'entendre sa voix.
Je veux qu'il me touche.
Je souhaite qu'il m'embrasse.
Je désire sa chaleur et ses bras qui me font me sentir vivant.
Mais j'ai trop honte pour ça.
M'en veut-il aussi puissamment que je me déteste ?
Emprisonné dans ma forteresse de noirceur, je repense aux sensations époustouflantes que j'ai ressenti lors de ma jouissance coupable. Je veux ressentir ça à nouveau, cet instant de paix et de plaisir. Mais Silas n'acceptera jamais une telle chose après ce que j'ai fait.

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