Chapitre 34 :

9 minutes de lecture

27 juillet 2021.

Silas :

Dans un geste tremblant, Kasper tente de se défaire de ma prise. Je relâche doucement son poignet, bien que l'envie d'effleurer sa peau me brûle les doigts. Je ne suis pas là pour le brusquer, s'il ne souhaite pas que je le touche, je ne le ferai pas.
La tête toujours baissée, il fixe ses pieds. La visière de la casquette m'empêche de voir son visage. Ses doigts triturent nerveusement le bas de son tee-shirt tandis que mes battements de cœur résonnent à mes oreilles.

— Je dois... retrouver mes parents, bredouille-t-il, je ne peux pas... je voulais juste... aller au toilette...

— Je te demande juste une minute pour discuter, Kasper. Si ensuite tu veux partir, tu le feras, lui assuré-je d'une voix douce.

Je l'entends soupirer, puis son regard croise le mien. Ses joues sont blêmes, loin de la jolie couleur rose qu'elles prennent habituellement, cette fois, il est livide. Les cernes noirâtres sous ses yeux me dérangent grandement, comme s'il n'avait pas fermé l'œil depuis des jours. Je peux comprendre, puisque c'est mon cas.

— Il n'y a rien à dire...

— Bien sûr que si. J'ai besoin de comprendre, Kasper, parce que là, je suis perdu et je n'aime pas ça. Je n'aime pas quand les choses ne sont pas claires entre nous.

Il me scrute un moment, mordille l'intérieur de sa joue puis acquiesce en un mouvement du menton.

— Ok..., soupire-t-il, mais... je ne crois pas que...

Ses mots se meurent alors que j'enlace ses doigts. Je le guide à ma suite, nous éloignant du monde pour pouvoir discuter sans être dérangés. Il n'a pas beaucoup de temps alors je vais faire en sorte que les explications soient claires et concises.
Kasper s'adosse à un arbre, visiblement épuisé et mal à l'aise. Son regard se perd par-dessus mon épaule alors qu'il gratte ses ongles sur son avant-bras.

— Kasper, murmuré-je pour attirer son attention.

Ses yeux restent dans le vague. En un soupir, j'accepte la distance qu'il s'évertue à garder entre nous.

— Est-ce que j'ai agi d'une mauvaise façon ? demandé-je doucement. Parce que j'aimerais comprendre pourquoi tu me fuis comme ça.

— Je ne te fuis pas, je ne peux pas sortir, se défend-il.

— Oui, je le sais. Mais tu me parais loin, même dans tes textos. Tu es distant et je veux que tu me dises pour quelle raison.

— Je ne le suis pas...

Je fais un pas en avant, sans pour autant l'oppresser de ma présence. Je ressens le besoin d'être près de lui, de sentir son souffle chaud et sa peau brûlante. Pourtant j'accepte l'écart qu'il réclame, en espérant qu'il n'ait pas creusé un puits qui m'empêcherait de le rejoindre.

— Si, Kas, tu l'es. Depuis la nuit que tu as passé avec moi, j'ai l'impression que tu t'es égaré. Tu es parti sans qu'on puisse discuter et depuis, tu ne me parles quasiment plus.

— Je ne veux pas parler de ça.

— Pourtant il le faut, soupiré-je en passant une main dans mes cheveux, c'est important de le faire.

— Non... je, je ne veux pas... penser à ça et je...

Sa respiration se saccade, ses yeux divaguent, ne savent plus où se poser. Ses ongles frottent plus durement son bras, laissant des traînées rouges et probablement douloureuses.

— Cesse de faire ça, grondé-je en tendant le bras pour attraper ses doigts. Tu vas t'arracher la peau !

— J'ai besoin de... d'arrêter de penser à ça...

— Non, au contraire. Il faut y penser, et on doit en parler parce que ça nous a éloignés et j'ai l'impression que c'est ma faute, que j'ai fait une chose que tu n'as pas accepté et je me sens coupable, tu comprends ? C'était ton premier... orgasme et je voudrais que tu me dises comment tu te sens vis à vis de ça. C'est nécessaire, Kasper, parce que c'était avec moi, tu vois ? Et si quelque chose t'a déplu, il faut que tu me le dises.

Les yeux exorbités, il me fixe enfin. Ma main recouvre la sienne et mon pouce trace des ronds sur son poignet. Il frissonne sous la pulpe de mon doigt, formant des petits grains sur sa peau lisse et douce.

— Tu semblais aimer ça, continué-je, mais ensuite, tu t'es complètement renfermé et je veux savoir si c'est parce que je ne t'ai pas arrêté. J'ai essayé, vraiment, mais tu étais tellement... beau que j'ai craqué.

— Qu... quoi ? bredouille-t-il. Non... je... enfin...

— Parle, Kasper, l'encouragé-je. On peut aborder n'importe quel sujet, tu as oublié ?

Ses yeux s'emplissent de larmes, tandis que son corps se met à trembler. Il baisse la tête, inspire longuement puis ses épaules s'affaissent et j'ai l'impression qu'il est acculé par un poids invisible.

— J'ai honte, d'accord ! explose-t-il alors que ses pleures s'échappent brusquement. Je me sens... horriblement mal... parce que... j'ai adoré ça ! J'ai, j'ai aimé mais toi non, parce que... tu m'avais dit non, et j'ai continué, j'ai abusé de toi. Je, j'ai... je n'ai pas arrêté pourtant tu m'avais dit de le faire. Je me sens comme... un déchet, parce que... je me suis servi de toi !

— Quoi ? m'exclamé-je, surpris.

Les larmes ruissellent sur ses joues, noient son beau visage. Il est dans un état second, son corps est violemment secoué par ses sanglots. Il peine à reprendre sa respiration, pourtant, moi, je me sens étrangement apaisé. Le poids sur ma poitrine disparaît et enfin je comprends. Ce n'était pas moi le problème.
Je lève la tête, observe le ciel un instant alors qu'un éclat de rire m'échappe. Ce n'est pas le moment, mais le soulagement est grand et mon cœur se calme enfin.

— Est-ce que... tu te moques... de moi ? se renfrogne-t-il.

Sa main quitte la mienne alors qu'il cache son visage derrière ses paumes. Ses pleures ne cessent pas, et bien qu'il fasse en sorte de ne pas me les montrer, je peux apercevoir ses larmes chuter à ses pieds.

— Non, je ne me moque pas. Je suis juste soulagé !

Je brise l'écart entre nous, enjambe le mètre qui nous sépare et écarte ses bras pour admirer sa beauté torturée.

— Soulagé ? bredouille-t-il. Pourquoi ?

Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je me penche légèrement vers lui. Son menton se relève pour que nos regards se croisent.

— Est-ce que tu te souviens de tout ce qu'il s'est passé ce soir-là ? m'enquiers-je doucement.

Ses sourcils clairs se froncent alors qu'il semble réfléchir.

— Je ne sais pas... je, c'est un peu brumeux. Je me rappelle avoir... enfin, je me frottais et tu me disais d'arrêter... et après j'ai... joui, je crois mais... je crois que c'est tout.

Un nouveau soupir de soulagement passe mes lèvres tandis que mes bras s'enroulent autour de lui. Je le compresse contre mon torse et une sensation de bonheur m'étreint le cœur.
Bon sang, ce qu'il m'a manqué !

— Tu es exceptionnel, Kasper, soufflé-je. Sérieusement, il faut vraiment que l'on discute dans ce genre de situation parce que les malentendus arrivent beaucoup trop rapidement. Tu te tortures l'esprit alors qu'on pourrait éviter tous ces désagréments.

— Qu... quoi ? Je ne comprends pas.

Je m'éloigne un peu, récupère son visage humide entre mes paumes et effacent ses larmes avec mes pouces. Je dépose un baiser sur ses lèvres, tandis qu'il fronce les sourcils toujours perdu au milieu de sa confusion.

— Tu étais malade, Kas, tu t'en souviens ?

— Euh... non.

— Tu faisais de la fièvre, murmuré-je contre son visage. Au début, je voulais que tu arrêtes parce que je n'étais pas certain que ce soit le moment, pour toi. Ce n'est pas pour moi que je voulais que tu le fasses, je souhaitais simplement que tu sois certain de le vouloir. Alors oui, j'ai dit " stop " mais ensuite, c'est moi qui t'ai encouragé à recommencer. Tu n'as absolument rien fait de mal, et c'était... super. J'avais envie de toi, Kasper, vraiment, vraiment très envie. Et c'est encore le cas.

Ses yeux s'arrondissent et son souffle se calme lentement. J'ai envie de rire face à l'absurdité de la situation.

— Alors je n'ai pas... je n'ai pas abusé de toi ? demande-t-il à voix basse.

Sir Price, dites-moi, ai-je l'air blessé ou abusé ? m'amusé-je en me penchant légèrement.

— Euh... non, mais tu es toujours... si tendre avec moi. Je croyais que... que tu ne voulais pas et ça m'a... rendu malade.

Je dépose un baiser sur sa joue, puis retire sa casquette pour pouvoir profiter de toute sa beauté. Ses mèches retombent doucement et recouvrent partiellement le pansement qui barre son front. J'embrasse ensuite ses cheveux, puis sa pommette et son nez alors qu'il rit doucement en gigotant

— Tu chatouilles..., souffle-t-il en souriant.

Mon cœur se gonfle d'amour.

— Tu m'as manqué, Kas.

Ses bras s'enroulent autour de mon cou alors qu'il s'élève sur la pointe des pieds. Son visage se retrouve à la même hauteur que le mien. Son souffle s'échoue sur ma peau et j'ai l'impression d'enfin respirer convenablement.

— On aurait pu éviter ça, dis-je en frottant mon nez contre le sien. Le consentement c'est primordial et tu as raison d'y penser, mais là ce n'était pas la question. Alors j'aimerais que tu me parles lorsque quelque chose te chagrine, tu crois que tu peux faire ça ?

— Oui, souffle-t-il, mais je croyais que... j'avais réellement fait une erreur. Je ne veux pas être comme Mathias... je me sentais horriblement coupable.

— Tu ne seras jamais comme lui, ne pense pas de cette façon. Tu n'étais pas dans ton état normal, et tu as oublié le plus important. C'est dommage d'ailleurs, parce que si tu n'avais pas effacé ce détail, tu te souviendrais à quel point je te désirais.

Il baisse les yeux quelques secondes. Ses larmes se sont taries et son visage a repris la douce couleur de son embarras.

— Est-ce que ça veut dire que... qu'on pourra recommencer ? hésite-t-il.

Ma peau s'embrase à la simple image de son corps se caressant contre le mien.

— Si tu en as envie, alors oui. Évidemment que nous recommencerons mais la prochaine fois, on le fera quand tu auras toute ta tête et que tu seras entièrement conscient des moindres détails.

— Alors... tu as encore envie de... moi ?

Mon visage s'approche du sien, jusqu'à ce que mes lèvres trouvent les siennes.

— Oui, soufflé-je, j'ai envie de toi, maintenant, j'avais envie hier aussi et j'aurai encore envie de toi demain. Ne te prends pas la tête, laisse les choses se faire et cesse de te demander si je te désire parce que c'est le cas chaque seconde depuis que j'ai vu tes yeux.

— D'ac... d'accord. Oui, ok...

Mon sourire se dessine sur sa bouche, puis lentement je l'embrasse. Il accepte mon baiser, se compressant davantage contre mon corps. Sur la pointe des pieds, il s'accroche à mon cou et soupire en accentuant notre échange.

— Toi aussi tu m'as manqué, m'avoue-t-il. Tes lèvres n'ont pas le même goût que d'habitude.

Je pouffe de rire en le serrant plus fort, tellement que ses pieds quittent le sol pendant quelques secondes.

— C'est parce que j'ai bu de la bière, m'amusé-je.

— C'est mauvais l'alcool.

— Hum... seulement quand on en abuse.

Il grogne et tape doucement sur mon épaule tandis que j'éclate de rire.

— Ne prononce pas ce mot, râle-t-il en rougissant davantage.

— Quoi ? m'étonné-je faussement. Tu ne veux pas abuser de moi ? Je suis blessé, mon cœur souffre !

— Arrête !

Il se trémousse, se débat doucement pour s'éloigner. Je le laisse faire, amusé par la scène qui se déroule. Le soulagement après le fléau de questions.

— Tu peux le faire quand tu veux, tu sais ? déclaré-je sur un ton suave.

— Faire quoi ?

— Tu peux abuser de mes lèvres, de mes mains, de mon corps, de mon cœur et de...

— Silas ! gronde-t-il. Tais-toi !

— Alors, fais-moi taire, le taquiné-je.

Immédiatement, sa bouche s'écrase sur la mienne. Mes mains attrapent ses hanches alors qu'il presse son torse contre le mien.

— T'es méchant, boude-t-il, tu te moques de moi.

— Non, c'est juste que j'adore quand tu rougis.

— Silas ?

— Oui.

— Il faut vraiment que j'aille faire pipi, maintenant.

Mon éclat de rire termine sa route contre ses lèvres, tandis que je le lâche à contrecœur. Un sourire stupide sur le visage, je l'observe se dépêcher de rejoindre les sanitaires. Je me sens bien mieux, maintenant. Ce qu'on est bête quand on est amoureux.

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