Chapitre 37 :

8 minutes de lecture

30 juillet 2021, début de soirée.

Silas :

Dans la petite salle de bain de mon bungalow, je m'observe dans le miroir. L'objet est si petit que je dois presque me coller contre la cloison en face du lavabo pour apercevoir mon reflet. Je passe une main dans mes cheveux humides, les décoiffe, les ébouriffe en secouant les doigts afin qu'ils ne retombent pas tous devant mes yeux lorsqu'ils seront secs. Je soupire en enfilant un tee-shirt blanc, puis un pantalon bleu marine. Je me sens plutôt à l'aise, mais je sais que ce n'est pas le cas de ma Douceur et cela me chagrine un peu. En toute honnêteté, je n'ai jamais vraiment fait face aux parents de l'un de mes ex petit-amis. Pas parce que je ne le voulais pas, mais surtout parce que mes relations n'ont jamais durées assez longtemps pour arriver jusqu'à cette étape. Étrangement, ce soir, cela ne me dérange pas. Je suis certain de ce que je ressens pour Kas et je sais aussi que c'est nécessaire pour que notre couple ne se brise pas après l'été. Cette situation est différente de toutes celles que j'ai connu mais je suis plutôt optimiste. Félix me répète sans cesse que je m'attache trop vite et c'est la vérité, mais ce que je ressens pour Kas est bien plus fort que ce que j'ai pu éprouver pour qui que ce soit avant lui.
Je m'examine une dernière fois puis regagne ma chambre afin de récupérer mon portable. Il est 20h45. Dans quinze minutes, je serai face à une mère et un père qui me poseront probablement tout un tas de questions.

Je souris à l'écran de mon téléphone en lisant le message de mon meilleur ami.

Félix :
Sois toi-même et tout se passera bien. Cassandre te dit merde ! Et n'oublie pas de débriefer quand tu seras rentré, je veux tout savoir.

J'aimerais qu'il soit là. Même sa râleuse me manque, c'est pour dire. Je réponds en quelques mots, puis ouvre la conversation de Kas.

Silas :
Comment tu te sens ? Je suis bientôt avec toi.

Sa réponse fuse et me fait sourire davantage.

Kas :
Ce n'est pas une bonne idée... Tu vas me haïr après l'interrogatoire de ma mère.

Silas :
Impossible ! Courage, ce ne sont que quelques heures.


♡ ♡ ♡

C'est Milla qui m'accueille quand j'arrive au bungalow des Price. Elle joue sur une console portable, installée sur un énorme pouf violet, sur la terrasse.
Elle saute sur ses pieds et bondit dans mes bras. Je la réceptionne en riant, tandis que ses petits bras s'enroulent autour de mon cou.

— Je croyais que j'étais un gros nul, m'amusé-je en la secouant.

— Tu l'es, mais je t'aime bien quand même.

— Je suis bien heureux de l'entendre, Xena !

— Je croyais que tu ne m'aimais plus pour ce que j'ai dit, murmure-t-elle en cachant son visage dans mon cou. Je ne voulais pas te trahir.

— Ce n'est rien. Ni ton frère ni moi ne t'en voulons, ce sont des choses qui arrivent, la rassuré-je en caressant ses longs cheveux roux.

Je la repose lorsque des pas s'approchent de nous. Kas est devant moi, ses cheveux blonds cachés sous un bandana de la même couleur que mon pantalon. Ce détail me fait sourire, comme si nous nous étions passés le mot. Sa chemise claire lui va à ravir et le cargo beige qui l'accompagne accapare toute mon attention.
Il baisse la tête, les joues rougies. Je tends la main pour le faire venir jusqu'à moi. Il attrape mes doigts et se laisse guider, s'immobilisant lorsqu'il est assez proche pour que son souffle m'effleure.

— Salut, souffle-t-il en croisant mon regard.

— Tu es très beau.

— Merci... toi aussi.

Un sourire timide naît sur ses lèvres quand mon pouce retrace l'entaille désormais cicatrisée, sur son front. J'embrasse sa joue brûlante et m'éloigne en apercevant Kate approcher avec une pile d'assiettes dans les mains.

— Tu es déjà là ? s'exclame-t-elle en souriant. Ouah, vous êtes superbement assortis, c'est génial !

Je l'enlace brièvement lorsqu'elle se débarrasse de sa charge et ensuite tout se déroule très vite. La table est dressée sur la terrasse. Kas donne un coup de main à sa sœur tandis que je fais une partie de jeu vidéo avec Milla. J'ai tenté d'aider mais Katherine a refusé en disant que je n'étais pas en service. Les minutes passent et mon regard cherche inlassablement celui de Kasper. Il est à tomber, si beau que mon cœur cogne chaque fois que je le regarde évoluer autour de moi.
Je me redresse, bien droit, lorsque les parents Price arrivent à leur tour. Harry s'arrête devant moi, me tend une main que je serre avec vigueur. Ses doigts compriment les miens, si fort que c'est douloureux, pourtant, je ne me démonte pas. Il m'examine, les sourcils froncés, durant quelques secondes puis il rit en libérant ma main aux os presque brisés.

— Désolé ! Nous sommes en retard, déclare-t-il un demi-sourire aux lèvres. Nous avions oubliés les brochettes, tu te rends compte ? J'espère que tu aimes les grillades !

— Bien sûr, réponds-je en hochant la tête. Qui n'aime pas ?

— Oh, et bien, c'est la question que je me pose aussi.

Un rire franc s'élève puis il disparaît en nous disant qu'il a une plancha à faire fonctionner. Kasper se place près de moi lorsque sa mère s'approche enfin. Elle nous regarde tour à tour avant de soupirer.

— Bonsoir madame, souris-je en inclinant légèrement la tête.

— Jeune homme, bougonne-t-elle avant de fixer son fils. Kas, tu me suis, une minute.

Je les observe s'éloigner tandis que ma Douceur me jette un regard désolé. Elle est un tantinet crispée la petite dame, mais au fond, je la comprends. Je ne lui en tiens pas rigueur. J'espère simplement que je parviendrai à la détendre. Sa façon de m'observer a relativement changée depuis qu'elle a appris ma relation avec son fils.
Une main tape fermement dans mon dos, m'indiquant qu'il s'agit du paternel.

— Ne t'en fais pas, elle ne mord pas, m'indique-t-il en souriant. Tu m'aides à faire griller tout ça ?

Mes yeux se baissent vers le plat rempli de viandes en tout genre. J'accepte avec enthousiasme. Je n'aime pas spécialement faire la cuisine, mais sa demande sonne comme une invitation à discuter et j'en suis heureux. Je ne suis pas du genre pudique, je suis assez sociable et parler de moi ne m'a jamais posé problème. Je répondrai à tout ce que l'on me demandera en me montrant le plus sincère possible.

— Tu t'en sors bien ! se réjouit-il alors que je retourne les brochettes à l'aide d'une pince. Tu fais ça souvent ?

L'odeur des grillades me donne une faim de loup. La viande a l'air délicieuse.

— Non, m'amusé-je. Vous savez, il pleut souvent à Hastings et malheureusement nous n'avons pas vraiment l'opportunité de faire des barbecues. Et quand c'est possible, mon père refuse catégoriquement que nous touchons à quoi que ce soit. C'est son petit plaisir !

— Hastings, répète-t-il en me jetant un regard en biais. Je me disais bien que cet accent ne pouvait qu'être Britannique !

— Mon père est de Bristol, déclaré-je, ma mère quant à elle, est française. Elle est née près de Strasbourg mais ils ont emménagé à Hastings bien avant ma naissance.

— Voilà donc la raison pour laquelle tu parles si bien notre langue.

— Ça m'a aidé en effet, mais elle ne s'exprime quasiment qu'en anglais. J'ai surtout eu droit à des cours particuliers de mes cinq à seize ans. Et puis, je vis ici une grosse partie de l'année, je suis en colocation avec mon meilleur ami depuis trois ans.

— Je vois. C'est chouette comme mode de vie, mais ce n'est pas difficile d'être loin de ta famille ?

— Ça l'est parfois, déclaré-je en fronçant les sourcils. Mais je préfère la vie en France. J'ai pris mon indépendance très jeune et vivre chez mes parents n'a jamais été très épanouissant pour moi.

— Ah oui ? Est-ce indiscret de te demander pourquoi ?

— Non, pas du tout. En réalité, ils travaillent tous les deux dans le domaine juridique et cela ne m'a jamais vraiment intéressé. Ils souhaitaient que je prenne le même chemin mais le Droit ne me plaît pas.

Du bruit nous fait tourner la tête, laissant sans réaction ma dernière remarque. Kasper est là, un peu en retrait. Il lève la tête lorsque je le regarde. Ses iris bleus s'ancrent aux miens et un sourire naît sur mes lèvres.

— Viens, Kas, l'invite son père. Nous discutons ton copain et moi.

Il hoche lentement la tête, puis se place à ma droite. Son bras effleure le mien et mon doigt part discrètement à la recherche de sa peau.

— Tu es tout pâle, soufflé-je à son intention. Est-ce que ça va ?

— Oui... c'est juste que... que j'angoisse un peu.

— Il n'y a pas de raison, intervient Harry. Je sais que ta mère n'est pas spécialement emballée, mais tu la connais, elle s'inquiète toujours pour un oui ou pour un non.

— Elle ne se déride pas, bougonne-t-il.

— C'est normal, attends un peu. Laisse-lui le temps qu'il faut.

— Mais c'est elle qui voulait l'inviter à manger et elle ne lui a pas encore adressé un seul mot.

— Ça viendra pendant le dîner, ne t'inquiète pas pour ça.

Kas grogne et se met à fixer la viande qui repose sur la plancha. Je vois à ses sourcils froncés et son teint blême qu'il n'est absolument pas à l'aise. J'aimerais le rassurer mais la présence de son père me bloque un peu. Mon auriculaire l'enroule autour du sien, gardant tout de même un contact que j'espère apaisant.

— De quoi parliez vous ? demande-t-il finalement.

— De mes parents avocats, m'amusé-je.

— J'ignorais qu'ils étaient avocats, soupire Kas.

— En effet, nous n'avons jamais abordé le sujet.

— Qui est avocat ? demande la voix de Kate.

— Les parents de Silas, répond son père. Ça devrait t'intéresser, toi aussi tu étudies le Droit.

J'observe Kate pendant un moment. L'imaginant plaider devant un tribunal et finalement, cela ne m'étonne pas. Elle a le caractère adéquat pour un tel métier. Elle est franche et ses yeux sont aussi froids qu'un iceberg. Copie conforme de ma très chère mère. Deux femmes glaciales avec un tempérament de feu. La seule différence, c'est que miss Price est légèrement moins rigide que la grande Louise Miller.
La conversation évolue pendant un moment, tourne autour des études de Kate et du parcours de mes parents. Kasper se détend peu à peu. Les discussions ne se concentrent pas sur nous et cela doit le rassurer.
Une fois tous attablés, Madison sert les assiettes et reste silencieuse pendant un petit moment. Assis à coté de Kas, j'effleure parfois son genou avec le mien pour lui faire comprendre que je suis là, que tout se passera bien.

— Bien, déclare la mère de famille d'un ton polaire, et si nous allions droit au but.

Ma Douceur se raidit brusquement, immobilisant sa fourchette à quelques centimètres de sa bouche. Ma main trouve sa cuisse, cachée sous la table. Je la caresse doucement, tandis que je souris à Madison.

— C'est pour ça que je suis là, approuvé-je chaleureuse.

— Votre relation ne me plaît guère, dit-elle de but en blanc.

J'acquiesce sans me défaire de mon sourire. Quoi qu'elle dise, je vais tout faire pour ne pas perdre la face ce soir. Je suis ici pour Kasper et lui seul compte.

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