Chapitre 39 :

10 minutes de lecture

30 juillet 2021, dans la soirée.

Silas :

Effaré, je fixe Kasper, le cœur en alerte et la bouche entrouverte. Son excès de colère m'effraie autant qu'il m'apporte du soulagement. Il se rebelle, fait entendre sa voix et c'est une bonne chose en soi, pourtant, je ne parviens pas me faire à cette idée.
Je ne souhaite pas l'abandonner, loin de là est mon intention, j'espère simplement faire réagir sa mère qui reste butée quoi qu'on lui dise. Je ne veux pas le blesser, ne cherche pas à le quitter, mais je n'ai visiblement pas réussi à l'apaiser. Me suis-je mal exprimé ? Oui, c'est probablement cela. J'ai été maladroit dans mes propos et nous nous sommes mal compris. J'essayais simplement de faire comprendre à Madison que je ne supporterai pas l'idée que sa relation avec son fils se dégrade parce qu'il désire être avec moi.

Plus personne ne parle, rien ne se fait entendre hormis la lourde respiration de Kasper et la musique lointaine du feu de camp. J'ai la sensation désagréable que tout le monde retient son souffle, attendant avec effroi l'instant où Kas perdra totalement pied.

Lentement, je me lève pour m'approcher de ma Douceur qui tremble comme feuille soufflée par le vent. Ses yeux m'observent avec appréhension, comme si je lui faisais soudainement peur et cette vision me fait de la peine, horriblement mal.
Ma main se lève doucement vers la sienne, qu'il éloigne brusquement à l'instant où j'effleure sa peau.

— Kasper, soufflé-je, s'il te plaît, calme-toi.

— Arrêtez de tous vouloir que je me calme ! explose-t-il. Ça fait des jours qu'on me le répète et là, là, j'en ai marre ! Pourquoi est-ce si compliqué à comprendre que je ne suis pas stupide ? Je sais, j'ai l'air idiot et atrocement insignifiant, mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas apte à faire mes propres choix.

Sa colère est presque palpable. Il est fou de rage, blessé et meurtri. Plus personne n'ose réagir, nous assimilons simplement cette explosion qu'il retient sûrement depuis trop longtemps, tapie et silencieuse au creux de son estomac.
Brusquement, il pivote vers sa mère, les yeux embués de larmes qu'il contient avec fureur.

— Ça fait des mois et des mois que tu me blâmes parce que je ne suis pas comme Vinny ou Jonathan. Des mois que j'entends qu'il serait temps que j'agisse comme un garçon de seize ans et maintenant, maintenant, ça ne te convient pas ? En quoi ça te regarde que je souffre ou non ? Je ne suis pas fait de porcelaine ! Si tu tiens tant que ça à me protéger alors pourquoi tu me bassines avec le fait que je reste dans ma chambre à bouquiner ? Tu ne pourras pas toujours veiller sur moi, c'est dans l'ordre des choses de souffrir, d'être triste ou en colère ! Personne ne peut l'éviter et toi, même si tu cherches mon bien, tu ne m'aides pas ! J'aime Silas, je veux être avec lui et je ne suis pas idiot au point de ne pas savoir que ça va être douloureux !

Les sanglots de Madison brisent le silence qui s'installe lorsque Kasper termine sa tirade. Il est essoufflé, désormais complètement perdu et son visage affreusement triste me prouve sans mal qu'il regrette déjà ses paroles. Il secoue doucement la tête, les yeux dans le vagues et égarés. Ses pieds l'éloignent à reculons alors qu'il ne fait plus attention à nous. Son beau visage se noie à mesure que ses larmes s'épanchent sur sa peau blême. J'ai le cœur trop lourd, je me sens coupable.
Sans prévenir, il fait volte-face et se met à courir loin de moi. Il fuit, encore, mais cette fois, je sais que ce n'est pas moi qu'il distance. Il tente de disparaître pour oublier sa crise de nerfs, pensant sûrement que s'il ne nous regarde plus, les choses s'effaceront.

— Kas ! l'appelé-je alors qu'il est déjà loin.

J'amorce un mouvement pour le rattraper mais une main se pose sur mon avant-bras. Son père se tient près de moi, un regard peiné braqué sur moi.

— Laisse-le, m'intime-t-il, il a besoin d'être seul un moment.

— Non, je...

— Viens t'asseoir un instant.

Il tire doucement sur mon bras, m'attire jusqu'à la chaise que j'ai délaissé pour m'y installer. Complètement déboussolé, je me laisse tomber sans savoir quoi penser. Ma tête est surchargée.
Les doigts de Kate viennent couvrir les miens, elle caresse lentement ma peau, tendrement, tentant sûrement de m'apaiser mais rien n'y fait. Dans l'instant, j'ai besoin de ma Douceur pour alléger mon esprit malmené.

— Il ne m'a jamais parlé comme ça ! me reproche Madison en essuyant rageusement ses joues.

— Je suis... désolé, je ne...

— Ce n'est pas la faute de Silas, me coupe Kate d'un ton cassant. Tu le sais très bien ! Il fallait bien que ce moment arrive, il garde beaucoup trop de choses pour lui.

— Elle a raison, soupire son père. Nous avons été trop insistants sur le fait qu'il ne profite pas suffisamment et maintenant, il ne comprend pas pourquoi tu lui reproches d'essayer d'avancer.

— Ce n'est pas ce que je fais...

— Non, mais c'est ainsi qui le perçoit. C'est un ado, c'est normal qu'il beugle et ne soit pas d'accord avec nous. C'est même étonnant qu'il ne l'ait pas fait plus tôt.

J'observe la scène, comme si je n'y été pas vraiment. Comme si rien de tout cela ne me regardait alors que je suis bien plus concerné que ce que mon cerveau brumeux parvient à assimiler.

— Pardon, soupire Madison en tendant le bras vers moi. Je suis désolée.

Je scrute ses doigts qui attrapent ma main, qui caressent mes phalanges alors que la seconde est toujours dorlotée par Katherine.

— Je ne veux pas vous priver de votre amour, reprend-elle plus doucement. Je m'inquiète pour mon fils, c'est tout. Je ne veux pas qu'il souffre, mais je ne peux qu'admettre que briser votre lien ne fera que le blesser.

Perplexe, je relève le visage vers elle. Ses yeux sont tristes et ses traits tirés de douleur.

— Je ne sous-entends pas que tu es mauvais pour Kasper. Tu lui fais du bien, tu le fais sortir, profiter et j'ai remarqué la façon dont vous vous regardez. Je sais que ce qu'il se passe entre vous n'est pas une mauvaise chose mais j'ai peur...

Je hoche la tête, la gorge nouée.

— Je comprends, affirmé-je, évidemment. Je ne veux que son bonheur, jamais je ne le blesserai. Il mérite la douceur, je ne serai pas la personne qui lui fera du mal, vous pouvez me croire sur paroles.

— Je le sais, soupire-t-elle à contrecœur. Je ne veux pas me mettre mon fils à dos et toi, tu ne veux pas qu'il m'en veuille, alors... je vais faire l'effort de ne pas remettre cette discussion sur le tapis, mais, sois certain que tu m'entendras si Kasper se révolte ou qu'il finit avec le cœur à panser.

Je ferme les paupières, bien conscient que Madison Price vient d'abdiquer. En réalité, il fallait que ma Douceur cri plus fort, qu'il se fasse entendre avec davantage d'ardeur pour qu'ensuite les choses s'apaisent. Un nouvel espoir m'étreint, me pousse à enlacer les doigts de celle qui me laisse l'opportunité de rester près de Kasper.

— Je vous remercie, murmuré-je ému.

— Il te reste quelques semaines pour faire tes preuves, j'attends de toi que tu ne me déçois pas.

— Bien ! Je peux vous assurer que ce ne sera pas le cas.

Un fin sourire se dessine sur son visage, tandis que Kate serre un peu plus mes doigts.
Je crois que le pire est passé, la tempête s'est calmée.

— Je dois rejoindre Kasper, déclaré-je finalement. Il doit se sentir coupable d'avoir perdu pied...

Madison acquiesce en se laissant tomber contre le dossier de sa chaise. Milla relève la tête lorsqu'elle m'envoie un coup sous la table. Cette dernière s'est réfugiée sur sa console portable lorsque les esprits se sont échauffés. Elle me sourit, puis se lève et vient embrasser ma joue avant de disparaître dans le bungalow.

— Vous pensez qu'il est temps que je le retrouve ? demandé-je à Harry.

— Oui, c'est le moment. Va lui dire que les choses se sont arrangées.

Sans plus attendre, je me dresse sur mes pieds, trépignant d'impatience de serrer ma Douceur dans mes bras.

— Silas ! m'interpelle Madison alors que je m'éloigne déjà.

Je pivote vers elle, attendant la suite.

— Nous fêtons l'anniversaire de Kasper la semaine prochaine, déclare-t-elle d'une voix claire. Tu es le bienvenu si tu souhaites te joindre à nous.

Un sourire immense se dessine sur mes lèvres, c'est une excellente idée et je suis certain que cela se passera mieux que cette soirée légèrement bancale.

— Avec plaisir, merci beaucoup !

Je me détourne rapidement, évoluant dans les allées du camping d'un pas décidé. Je n'ai pas besoin de réfléchir, au fond de moi, je sais déjà où il est parti se réfugier. La nuit est tombée depuis un petit moment, je ne vois presque rien lorsque j'arrive près des rochers mais je ne ralentis pas la cadence. C'est seulement lorsque j'aperçois Kasper recroquevillé sous l'éclat de la lune que mon cœur s'apaise complètement.
J'approche lentement, me baissant près de lui pour l'attirer dans mes bras. Il se laisse guider, sanglotant sans aucune discrétion. Je récupère son visage entre mes paumes. Ses larmes scintillent sous la douce lueur blanche qui éclaire ses joues et fait briller ses pupilles.

— Sèche tes larmes, mon Amour, soufflé-je en essuyant l'humidité sur sa peau.

— Silas..., couine-t-il, je suis désolé.

— Pourquoi ? Tu n'as pas à l'être.

— Je t'ai repoussé, je ne voulais pas mais j'étais énervé. Je... j'ai hurlé sur ma mère, elle doit le haïr, je... je n'aurais pas dû réagir comme ça.

Je délaisse son visage pour attraper ses hanches afin de le soulever doucement. C'est lorsqu'il repose sur mes cuisses que je l'enlace étroitement. Sa tête se niche dans le creux de mon cou tandis qu'il renifle encore. Mes doigts se perdent entre les mèches soyeuses de ses cheveux après avoir retirer son bandana.

— Au contraire, le rassuré-je, tu as très bien fait. C'était nécessaire, tu ne peux pas toujours te taire. Ta mère ne t'en veut pas, elle est même d'accord pour faire des efforts. C'est bien que tu dises ce que tu penses parfois, c'est même indispensable. Tu as le droit de te faire entendre, d'accord ?

Son regard trouve le mien dans l'obscurité. Ses paupières sont légèrement gonflées d'avoir pleurer. Mes pouces passent lentement dessus, l'incitant à les fermer pour les caresser doucement.

— Elle va faire des efforts..., répète-t-il à voix basse.

— Oui. Elle n'est plus totalement fermée face à la situation. Et, Kas...

J'approche mon visage du sien lorsque ses yeux me regardent à nouveau. Mon nez effleure le sien, nos souffles se mêlent et je me sens bien de l'avoir si près de moi.

— ... nous nous sommes mal compris tout à l'heure, reprends-je. Jamais je n'aurais baissé les bras si facilement. J'ai dit ça uniquement pour que ta mère comprenne que je souhaite causer du tort à personne. Ni à elle, encore moins à toi.

Il inspire doucement, penche ensuite la tête afin de fixer les étoiles qui percent le feuillage des arbres. J'observe sa pomme d'Adam qui monte et qui descend lentement lorsqu'il déglutit. Sa gorge est mis à nue face à mon regard brûlant, sa peau légèrement hâlée par le soleil ; j'y dépose un baiser, puis deux et remonte doucement sous son oreille. Il frissonne, agrippe mes cheveux d'une poigne presque douloureuse.

— Comment as-tu fait pour la convaincre ?

— Rien, soufflé-je dans le creux de son cou. C'est toi qui l'as fait, ton coup d'éclat l'a heurté et sûrement fait changer d'avis.

Il gigote un peu afin d'axer son visage face au mien.

— Pardon ?

— Tu as bien compris. Je suis fier de toi, Kasper. Malgré la peur et l'angoisse, tu as exposé ton point de vue sans te démonter, tu n'as pas lâché et tu dois, à l'avenir, encore dire ce que tu penses. Peut-être en criant un peu moins fort, le taquiné-je, mais tu dois tout de même le faire.

— J'avais peur de te perdre, chuchote-t-il si bas que je peine à l'entendre. Je ne veux pas que ça arrive, j'ai besoin de toi.

Je souris contre ses lèvres, avec l'envie de lui transmettre tout mon amour par ce simple geste. Si on m'avait dit au début de la saison que j'allais l'aimer si fort, j'aurais probablement ri à m'en faire mal aux côtes. Mais en soit, sa beauté et sa fragilité m'ont immédiatement aveuglé.
Mes paumes passent dans son dos, s'infiltrent sous le fin tissu de sa chemise et le câlinent avec langueur.

— Ta peau est froide, soufflé-je alors qu'il frissonne sous mon toucher.

— La tienne est brûlante, répond-il encore plus bas.

— Alors viens plus près.

Son torse se compresse contre le mien la seconde suivante. Ses jambes se resserrent autour de mes hanches tandis que son postérieur remonte vers mon entrejambe qui ne désire que lui depuis des semaines. Mes ongles s'enfoncent doucement dans sa peau tandis que je me mords brusquement la langue pour ne pas gémir à son contact. Ce n'est pas le moment, pas encore, non, toujours pas.
Je me laisse tomber, le dos contre l'herbe humide, emportant ma Douceur avec moi. Un éclat de rire lui échappe lorsque nous chavirons, puis le mien le rejoint alors qu'il laisse tout son poids reposer contre moi. Sa tête se niche naturellement dans mon cou tandis que je l'enlace fermement. Ses lèvres embrassent ma peau, son souffle effleure ma gorge.
Un sourire béat ourle ma bouche, le regard rivé sur la Lune, si belle cette nuit. Elle nous illumine et mon Soleil, contre moi, se réchauffe doucement entre mes bras.

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