Chapitre 40 :

10 minutes de lecture

03 août 2021, fin d'après-midi.

Silas :

— Est-ce que je peux avoir des brassards, s'il te plaît ?

Un sourire aux lèvres, je baisse la tête vers la demoiselle qui m'interpelle. De grands yeux bruns bordés de cils noirs me regardent avec timidité. Sa peau brune et ses iris sombres me font penser à quelqu'un qui m'est familier. Mon sourire s'accentue en visualisant mon meilleur ami.

— Bien sûr, ma jolie. Tu en veux des roses, bleus ou violets ? demandé-je en fouillant dans la malle qui contient les objets de piscine.

— Hum... des violets ! s'exclame-t-elle en hochant la tête.

Je m'accroupis à sa hauteur et pointe mon index vers son petit nez. Elle rit puis le fronce sous mon toucher. Elle est minuscule, je ne lui donne pas plus de cinq ans.

— Tu as besoin d'aide pour les mettre ? Qui t'accompagne ?

— Ma maman, elle est là-bas ! dit-elle en faisant de grands signes de la main vers une femme d'une trentaine d'années.

Cette dernière sourit avant de nous rejoindre, enroulée dans une serviette de plage. Sa peau ruisselle, ses cheveux noirs s'égouttent sur son visage jusqu'à ce que les perles meurent sur ses lèvres et dans son cou.
Je fronce légèrement les sourcils en l'examinant, ce regard ne m'est pas inconnu. Plus j'observe l'enfant et sa mère, et plus le visage de Félix se dessine sous mes yeux.
Perplexe, je penche la tête pour la détailler davantage, jusqu'à ce qu'elle se racle la gorge en souriant, un sourcil haussé. Je secoue la tête, un peu déconcerté.

— Excusez-moi, dis-je hâtivement en reprenant une expression neutre. Vous me faites étrangement penser à quelqu'un.

Elle pouffe de rire, passe une main dans ses cheveux mouillés tandis que la fillette s'accroche à la jambe de sa mère.

— Oui, s'amuse-t-elle, je pense savoir de qui tu parles.

Sa voix s'élève et mes yeux s'arrondissent alors qu'un sourire énorme ourle mes lèvres.

— Oh, ouah, j'y crois pas, Ève ! Ça fait un sacré moment qu'on ne s'est pas vus. Tu étais blonde la dernière fois, mais le brun te va à merveille.

Elle rit, m'ouvre ses bras et immédiatement je l'enlace en la serrant doucement contre moi. Les gouttes d'eau s'étalent sur mon tee-shirt et humidifient ma peau.

— Félix ne m'a même pas prévenu que tu venais, ce traître !

— Il n'est pas au courant, je me suis décidée sur un coup de tête, m'informe-t-elle en riant.

Je la relâche et me penche vers la fillette. J'examine son visage, ébahi par le beauté de cette jolie demoiselle.

— Donc toi, tu es Mia ? demandé-je en connaissant pourtant la réponse. C'est fou comme tu as grandi !

— Elle n'avait que deux ans la dernière fois que tu l'as vue, s'amuse sa maman. Toi aussi tu as énormément changé, j'ai eu du mal à te reconnaître. T'es devenu un homme.

Je ris, puis jette un œil à Kasper qui a délaissé son livre pour me fixer, une mine boudeuse sur son beau visage. Je lui souris, puis tends la main dans sa direction pour qu'il me rejoigne. Il secoue la tête avant de se plonger à nouveau dans son bouquin, les sourcils froncés.

— Qui est-ce ? s'enquiert Ève.

— Mon copain, réponds-je fièrement. Je crois qu'il boude.

— Silas Miller, s'étonne-t-elle, toi, tu as un copain ?

— Ne me fais pas croire que Félix ne t'a rien dit, ricané-je.

Elle ouvre la bouche, faisant mine d'être choquée mais son regard brille de malice.

— Bon, j'avoue que mon cousin à peut-être évoqué brièvement le sujet la dernière fois que je l'ai eu au téléphone. Enfin, surtout Cassandre qui ne s'en remet pas.

J'éclate de rire, en passant une main dans mes cheveux pour dégager mon front.

— Attends, j'ai une idée !

J'attrape la petite Mia dans mes bras, cette dernière pousse un cri de surprise avant de rire aux éclats. Mon téléphone en main, je me place près d'Ève et nous bombarde de photos.
J'ouvre la conversation de mon meilleur ami afin de joindre l'une des images.

Silas :
On t'embrasse, Crétin !

— Tu es là pour combien de temps ? m'enquiers-je en rangeant mon portable.

— Seulement quelques jours. Je voulais profiter avec Mia avant qu'elle parte en vacances chez son père.

— Je vois, on dîne ensemble avant que tu partes ?

— Évidemment ! me sourit-elle. Et invite ton copain aussi, il est si mignon avec son expression de tueur. Je crois qu'il n'est pas content.

Je pivote dans la direction de Kas qui effectivement est mécontent. Il me regarde avec insistance, attends des explications et ça me fait rire. Je suis heureux de constater qu'il ne fuit pas cette fois. Depuis le repas avec ses parents, depuis son coup d'éclat, il se fait entendre un peu plus, et j'adore ça. Il boude, râle, et ne se prive pas de dire ce qu'il ne lui plaît pas, même s'il le regrette très vite et qu'il ne cesse de s'excuser ensuite. J'aime qu'il s'affirme, il me plaît davantage avec son petit caractère de cochon. C'est nouveau, mais c'est une partie de lui qui était bien présente, elle attendait juste le bon moment pour s'éveiller.

— Je le ferai, approuvé-je en ne quittant pas le bleu des yeux de Kasper. C'est quand même dingue qu'on se rencontre ici, la prochaine fois, passe à la maison. Je suis certain que Félix et Cassandre seraient ravis.

— Et pas toi ? fait-elle mine de bouder. Je n'ai pas beaucoup de temps avec le travail mais on s'organisera ça, j'appellerai Félix pour planifier tout ça. Et puis, je te signale que tu n'es jamais là quand je passe chez vous, soit tu travailles, soit tu es en Angleterre

— Tu sais bien que si, réponds-je en levant les yeux au ciel, amusé. Je ferai en sorte d'être présent cette fois.

Nous discutons pendant quelques minutes encore, puis impatiente, Mia réclame avec ardeur de se jeter à l'eau. Ève m'informe qu'elle m'envoie un sms pour que nous puissions nous mettre d'accord sur le jour et l'endroit de notre repas, bien que nous allons probablement nous revoir dans les allées du camping. J'embrasse sa joue, celle de la fillette et heureux, je rejoins Kasper qui m'ignore lorsque je m'installe sur l'herbe, à ses côtés.
J'admire son profil, incline la tête en me retenant de rire. Il est magnifique lorsqu'il fait la tête. Je me penche vers lui, embrasse sa joue, puis remonte progressivement. Maintenant que ses parents savent pour notre relation, nous n'avons plus besoin de nous cacher, à ma plus grande joie.

— Qu'est-ce que tu lis ? murmuré-je, les lèvres collées à son oreille.

Il frissonne, grogne et lève l'épaule pour m'éloigner. Je pouffe de rire, passe un bras dans son dos afin de le décoller du tronc contre lequel il est appuyé pour le rabattre contre moi.

— Est-ce que tu boudes, Honey ?

Mon nez effleure son cou, hume sa peau. Je me gorge de son parfum qui fait accélérer mon rythme cardiaque. Il sent bon l'été, un arôme sucré qui me rend fou.

— Tu as par habitude d'enlacer et de photographier les vacancières ? grogne-t-il en tournant la page de son livre.

Je le récupère, le ferme et le pose sur l'herbe pour attirer son attention. Ses grands yeux trouvent les miens, ils me regardent avec dureté, me donnant envie de le plaquer contre l'arbre pour lui rappeler qu'il n'y a que lui qui compte. J'aime si fort ce nouveau Kasper, cette assurance nouvelle avec tout de même une petite pointe d'insécurité, une petite touche de timidité.

— Es-tu jaloux ?

— Non, râle-t-il en baissant la tête.

Mes lèvres serpentent sa joue puis l'arête de sa mâchoire que je mordille doucement.

— Pourquoi tu mens ?

— Tu n'as pas une piscine à surveiller ?

Je jette un œil vers le bassin, remarque Annie qui prend place sur le perchoir et ensuite j'observe ma montre.

— Non, plus depuis trois minutes, soufflé-je contre sa peau. Je suis tout à toi désormais.

Il pivote son visage vers le mien, me scrute silencieusement pendant quelques secondes puis il soupire. Son expression mécontente change peu à peu pour laisser place à une petite mine toute triste.

— Pourquoi est-ce que tu... l'as prise dans tes bras ? demande-t-il d'une voix faible.

Mes paumes trouvent ses joues pour relever doucement sa tête. Son regard fuit le mien, divague par-dessus mon épaule alors qu'il se mord la lèvre.

— Ne fais pas cette tête, murmuré-je en passant le pouce sur sa bouche qu'il malmène. C'était Ève, la cousine de Félix. Je ne l'ai pas vu depuis très longtemps et je ne m'attendais pas à la rencontrer ici.

Je replace convenablement les lunettes de soleil qui maintiennent ses cheveux et embrasse le bout de son nez.

— Oh... excuse-moi.

— Ça me plaît que tu sois jaloux, dis-je contre ses lèvres. Mais tu n'as pas à l'être, il n'y a que toi.

— Hum..., souffle-t-il, dis Silas ?

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Je le fais passer entre mes jambes dans un mouvement fluide. Les siennes recouvrent mes cuisses et se referment dans mon dos. Mon front se pose contre le sien tandis que son souffle chaud me caresse.

— Est-ce que..., hésite-t-il, est-ce que tu es aussi attiré par... les filles ?

Sa question me surprend un peu, me fait froncer les sourcils et me reculer légèrement pour capturer son regard. Ses joues sont rougies d'embarras. Je le trouve terriblement beau, bien que je sois déconcerté par sa demande. Il est vrai que nous n'avons jamais abordé le sujet, mais c'est surtout parce que la réponse semble évidente pour moi. Visiblement pas pour Kasper et finalement, je comprends qu'il veuille savoir.

— Non, affirmé-je, je n'ai jamais désiré aucune femme. J'ai été en couple avec deux filles quand je devais avoir treize ou quatorze ans mais j'ai très vite compris qu'elles ne me faisaient aucun effet et je n'ai pas vraiment eu de problème à me faire à l'idée d'être gay. Je l'ai accepté et assumé quelques semaines après avoir embrassé un garçon pour la première fois. C'était Steven Taylor, dans les toilettes du gymnase. C'était chaotique, il m'a frappé juste après mais c'est aussi grâce à lui que j'ai réalisé que je n'étais pas hétéro.

Je souris en repensant à cette période de ma vie. Ce fameux Steven s'est révélé être gay aussi. Bien des années plus tard, c'est lui qui réclamait mes baisers. Jamais il n'y a eu droit. Il m'a cassé le nez lorsque j'ai essayé, j'ai eu atrocement mal pendant des jours. Je ne lui en ai pas voulu, ce n'est pas parce que j'ai bien vécu mon coming out que c'est le cas pour tout le monde mais ce n'est pas pour autant que je me suis laissé amadouer par ses yeux doux et ses paroles mielleuses. Nous sommes devenus plus ou moins amis, mais jamais ça n'a été plus loin. Je ne le vois de toute façon que très rarement lorsque je rentre à Hastings.

— À quoi penses-tu ? m'interroge Kasper en râlant.

— À rien, murmuré-je en effleurant ses lèvres, si ce n'est la douleur que m'a provoqué Steven en m'envoyant son poing en pleine face.

Il se renfrogne, fait la moue en baissant la tête. Je ris en le serrant dans mes bras, ma Douceur est jalouse.

— Et toi ? osé-je demander. Est-ce que tu penses être attiré par les filles ?

Un long silence s'installe durant lequel je lui caresse lentement le dos. Il semble réfléchir à ma question, fronce parfois les sourcils, penche la tête d'un coté puis de l'autre. Quoi qu'il réponde, cela me conviendra.

— Je ne sais pas, soupire-t-il finalement. En fait... je ne me suis jamais posé la question et jusqu'à maintenant... tu es le seul qui m'a donné envie de... de... enfin, voilà.

J'acquiesce, un sourire tendre aux lèvres.

— Tu n'as jamais trouvé une fille jolie, ou désirable ?

— Si, répond-il en haussant les épaules. J'ai déjà trouvé un tas de filles jolies. Par exemple, mon amie Jessica est vraiment très belle, et puis aussi la cousine de Félix, je l'ai trouvé belle, je crois que c'est pour ça que j'ai été... enfin, que ça m'a perturbé, mais il n'y a que toi que... que je... désire.

J'embrasse doucement ses lèvres, passant mes doigts entre ses mèches. Il soupire contre ma bouche, se presse un peu contre moi jusqu'à s'éloigner, rouge d'embarras lorsqu'il se rend compte que nous sommes toujours près de la piscine. Sa timidité m'amuse, nous ne faisons rien de mal et certains campeurs sont dans des positions plus suggestives que la nôtre mais je respecte sa pudeur et m'adosse contre l'arbre pour instaurer une légère distance entre nous.

— Quoi qu'il en soit, déclaré-je en souriant, que tu te révèles être bisexuel ou que tu sois certain d'être homosexuel, ça m'est complètement égal parce que c'est moi que tu aimes.

— Oui, souffle-t-il en posant sa paume contre ma poitrine, je t'aime.

Mon sourire s'accentue, je me sens heureux et comblé lorsqu'il est dans mes bras.

— Tu passes la soirée avec moi ? demandé-je abruptement.

Je n'ai pas envie de le laisser partir maintenant, j'ai fini mon service et ne reprends que demain à 7h00, donc, j'ai un tas d'heures devant moi. Je veux toutes les passer avec lui.

— Il faut que je demande à mes parents.

— Évidemment. On peut manger ensemble, si tu veux. Ils ont un nouveau plat sur la carte du restaurant, il me tente bien.

Il hoche la tête, puis la pose contre mon épaule.

— J'espère qu'ils accepteront, souffle-t-il en fermant les yeux.

— S'ils ne veulent pas, on peut remettre à plus tard. Ce n'est pas grave.

— Hum... mais tu m'as promis de rejouer de la guitare rien que pour moi, et tu ne l'as toujours pas fais.

— C'est vrai, mais nous n'en avons pas eu l'occasion.

— Viens avec moi ! dit-il en se redressant, son regard déterminé plongé dans le mien.

— Où ça ?

— Demander l'accord de mes parents.

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