Chapitre 41 :

8 minutes de lecture

03 août 2021, dans la soirée.

Kasper :

Un sourire ne quitte pas mes lèvres depuis que j'ai passé la porte du bungalow de Silas. Loin de mon humeur morose d'il y a quelques heures, je me sens en paix maintenant que mes parents ont complètement accepté la situation, bien que je n'avais pas de doute quant aux pensées de papa. Maman m'a fixé pendant de longues secondes qui m'ont parues interminables lorsque je lui ai demandé l'autorisation de passer la soirée avec Silas, mais finalement, j'ai eu ce que je voulais et je lui en suis reconnaissant. Elle m'a sermonné, fait la leçon à mon copain – parce que oui, désormais c'est officiel aux yeux de tous – mais cela n'a pas affecté ma bonne humeur.
Maintenant, je suis assis dans son salon, les yeux rivés sur l'instrument qu'il tient entre les mains et mon cœur bat trop fort. Ses mèches brunes retombent sur son front, cachent presque ses yeux tandis qu'il observe les cordes de la guitare et qu'il positionne ses doigts, prêt à jouer pour moi.

— Je sens tes yeux me brûler la peau, s'amuse-t-il sans relever la tête. Je peux déjà affirmer que tu es mon meilleur public.

Le rouge me monte aux joues, la chaleur s'infiltre sous ma peau. Je me sens idiot d'être si émerveillé mais il y a de quoi l'être, quiconque le serait à ma place. Je suis heureux, je suis privilégié et son cœur est à moi.

— Je te regarde, c'est tout..., soufflé-je en me dandinant sur la banquette.

— Ne cesse jamais de le faire, je pourrais ne regarder que le bleu de tes yeux si j'en avais l'occasion.

Mes dents s'enfoncent dans ma lèvre inférieure, si brutalement que ça fait mal. Je retiens le son qui m'a presque échappé et qui ne m'aurait absolument pas mis en valeur. J'ignore comment il fait pour toujours dire ou faire des choses si déstabilisantes mais même si cela me met parfois mal à l'aise, j'adore.

— Tu dis n'importe quoi.

Il relève le visage afin de m'observer entre les mèches qui s'éparpillent sur sa peau. Un sourire éclot sur ses lèvres et l'intensité qui nait dans son regard à l'instant où la première note s'élève m'embrase à une vitesse folle. Je peine à garder le contact visuel alors que la musique s'élève. Une part de moi souhaite clore les paupières afin d'échapper à ce brasier qui m'admire, une autre m'ordonne de ne pas le quitter. C'est une douce mélodie, un tempo lent et chaud que je ne parviens pas à nommer mais qui éveille en moi une sensation d'apaisement. Il paraît à l'aise, à tel point que ses doigts glissent avec aisance sur les cordes en nylon. Sa guitare vibre, ses muscles se bandent à chacun de ses mouvements de poignets et ma gorge s'assèche. Un feu incandescent s'allume au creux de mon ventre, si puissamment que ça en est douloureux. Loin de ce que j'ai ressenti le premier soir où je l'ai entendu jouer, le fait d'être dans un espace réduit, seuls et son regard ne quittant pas le mien rend tout plus intense, plus ardent et l'air s'alourdit brusquement.
Je déglutis, ensorcelé par la musique, par cette brillance qui étincelle dans ses iris, par ses longs doigts qui pinces les cordes et par sa bouche. Cette bouche pleine, rose, qui me sourit et me désarme complètement. Mes paupières se ferment d'elles-mêmes. Je fuis son regard, au bord de la combustion spontanée. Bien que momentanément aveugle, son visage est omniprésent dans ma tête. Mon esprit redessine chaque trait de son visage jusqu'au vert de ses iris. Privé de la vue, les sensations sont encore plus vives. Elles m'embrasent. Chaque note résonne en moi, chaque vibration me fait trembler ; je suis étourdi.

— Tu as perdu, Kasper, souffle-t-il suavement lorsque la mélodie cesse.

Mon cœur rate un battement. Mon prénom glisse sur sa langue d'une étrange façon.

— Pardon ? déglutis-je en le regardant à nouveau.

— Tu as fermé les yeux, tu as perdu.

Hébété, j'entrouvre les lèvres pour répondre mais aucun son ne sort. Que dire ? Aucune idée.
Il pose la guitare sur la table basse et tend la main dans ma direction en inclinant la tête. Son sourire m'invite, ses doigts m'appellent.

— Viens par ici, murmure-t-il.

Comme automatisé, guidé par sa voix, je le rejoins. Ses cuisses s'écartent afin de m'accueillir. Debout entre ses jambes, je baisse la tête pour l'observer tandis que mon visage vire à l'écarlate. Il s'enfonce dans son fauteuil, calant sa nuque contre le dossier pour capturer mon regard. Ses paumes se referment sur mes hanches et m'attirent davantage, jusqu'à ce que mes tibias butent contre le bois de l'assise.

Comme c'est étrange de le surplomber.

— Est-ce que tu veux essayer ? demande-t-il doucement alors que ses doigts passent sous mon tee-shirt pour effleurer ma peau.

— Qu... quoi ?

Un tas d'images s'immiscent dans mon esprit. Son visage tendre et ses lèvres souriantes me donnent envie de lui voler un baiser.

— De jouer ?

Mes sourcils se froncent tandis que je tourne la tête pour fixer l'instrument. Je l'examine, le toise et acquiesce en me baissant pour l'attraper. La main de Silas suit mon geste alors qu'il se penche en avant. Sa paume caresse mon bras jusqu'à se refermer autour de mes doigts qui tiennent la guitare, laissant une trainée de frissons sur ma peau.
Il me fait pivoter en passant son bras libre autour de ma taille et m'attire afin de m'asseoir sur ses genoux. Mon dos rencontre son torse tandis que je sens son souffle s'échouer sur ma nuque. Il place correctement l'instrument, positionne mes mains aux bons endroits et approche sa bouche près de mon oreille. Je mâchouille l'intérieur de mes joues, le corps en feu et le cœur en avance rapide. Je n'aurais pas dû accepter, c'était idiot et de toute façon, je ne saurai jamais jouer.

— Je n'y arriverai pas, dis-je en tentant de me relever.

Il me retient en contractant ses muscles autour de moi, m'emprissonant entre ses bras et la guitare.

— Ne me fuis pas, murmure-t-il contre mon oreille. Tout va bien.

— Non, je...

— Respire, souffle-t-il doucement. Même si tu n'y arrives pas, où est le problème ? Ce n'est pas un drame, rien n'est jamais bien grave.

Il ne comprend pas.

— Ce n'est pas... ça. Je... je crois que...

Je me tais, ferme les yeux pour tenter de remettre de l'ordre dans mes pensées. Son corps compressé contre le mien me donne affreusement chaud. J'ai l'impression d'étouffer et en même temps, je ne veux pas que ça cesse. Son souffle brûlant me fait tourner la tête et notre proximité me rend fébrile. Ce n'est pas le fait de mal jouer qui m'effraie, c'est ce que je ressens, là, tout de suite, qui me terrorise. Je crois que j'ai envie de lui. Je le désire si fort que mon ventre me fait souffrir et c'est bien pire que toutes les fois précédentes où mon corps n'en a fait qu'à sa tête. C'est si puissant que mon cœur ne le supporte pas.
Pourquoi suis-je là, déjà ?

— Que se passe-t-il, Kas ? demande-t-il avec douceur.

Ses doigts caressent les miens, crispés autours de l'instrument. Je suis si tendu qu'il doit avoir l'impression de câliner un bout de bois. Mon âme le réclame et je suis perturbé de ressentir ça.
Les bribes de ma jouissance coupable me reviennent en mémoire et me rendent mort de honte. Je ne veux pas revivre cette gêne, ce sentiment horrible qui m'a consumé et brisé le cœur. J'ai conscience que tout est différent ce soir, que je suis en parfaite maîtrise de mes actes, ou presque, et que je ne risque pas d'oublier cette fois, mais j'ai si peur de le vouloir si désespérément que mes yeux se mettent à brûler. Et si... et si lui ne ressent pas ce même besoin ?

— Parle-moi, m'intime-t-il. Ne t'enfermes pas là où je ne peux pas t'atteindre. Tu le sais que nous devons discuter quand quelque chose te tracasse, et là, je te sens t'égarer.

Sa douceur fait exploser quelque chose en moi. Sa tendresse ouvre les vannes et mes larmes s'échappent brusquement, dépité face à mon manque d'expérience et à tout ce que j'aimerais dire et faire mais je ne parviens pas à exprimer. Je me sens si pathétique à cet instant que j'aimerais disparaître. C'est idiot de pleurer dans une situation pareille, je pourrais juste l'embrasser et le problème serait réglé mais j'ai mal au ventre et sa chaleur m'empêche de réfléchir convenablement.
La guitare disparaît et la seconde d'après, je me retrouve face à lui, les yeux arrondis de surprise et les joues brûlantes de honte. Mes jambes passent par-dessus les accoudoirs du fauteuil tandis que les coudes de Silas se posent sur mes cuisses et que ses mains englobent mon visage. Ses pouces effacent chaque larme qui perle alors qu'il se redresse, le dos droit afin que nos regards s'accrochent.

— Bon sang, mais qu'est-ce qu'il t'arrive, Kasper ?

Sa voix est basse, légèrement inquiète et je me sens coupable. Je suis parfaitement conscient que ma réaction est disproportionnée. J'ai surtout l'impression que le stress des derniers jours me quittent enfin, que mon cœur réclame d'être comblé et que Silas est le seul capable de m'offrir ce que je cherche.

— Je... j'ai... embrasse-moi, soufflé-je désespérément.

Je le suis, désespéré. Je le suis plus que jamais parce que je le désire et je suis terrifié à l'idée qu'il me dise que ce n'est toujours pas le moment pour ça. Si ça ne l'est pas maintenant, alors que nous sommes tous les deux, chez lui, que rien ni personne ne pourra nous entraver, alors ce sera quand ?
Il m'observe pendant quelques secondes, les sourcils légèrement haussés, les lèvres pincées et j'ai la désagréable intuition qu'il va me repousser. Pourtant, les commissures de ses lèvres s'étirent un peu et son visage s'approche davantage.

— Tout ce que tu veux, my lovely heart.

Sa bouche trouve la mienne avec une infinie délicatesse, me faisant soupirer de soulagement. Mes bras s'enroulent autour de sa nuque tandis que ses paumes se placent dans le creux de mes reins, me faisant glisser davantage contre son torse. Nos lèvres se meuvent dans un baiser humide et enflammé. Sa langue titille la mienne, la cherche et la chatouille, tandis que mes larmes cessent et que mon cœur explose de joie.

— Kas..., soupire-t-il contre ma bouche.

Un léger grognement lui répond. Mes yeux sont clos, si serrés que des étoiles blanches dansent sous mes paupières.

— Je te désire, susurre-t-il en léchant ma bouche. Je pense que si tu ne m'arrêtes pas, je ne parviendrai pas à me retenir cette fois.

Ses mains exercent une pression plus forte dans le bas de mon dos, à tel point que mon entrejambe se presse contre son ventre. Un gémissement m'échappe, mon corps frissonne et tremble entre ses bras.
S'il savait... je ne veux pas qu'on cesse, mais j'appréhende aussi.
Ses baisers redessinent l'arête de ma mâchoire, jusqu'à finir dans mon cou. Ses lèvres aspirent doucement ma peau, la malmènent avec délicatesse.

— Alors ne t'arrêtes pas, soufflé-je en passant mes doigts dans ses cheveux.

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