Chapitre 49 :

9 minutes de lecture

09 août 2021, début d'après-midi.

Kasper :

Ça ne va pas, Kas, rien ne va bien aller !

Les yeux rivés sur l'objet de mon angoisse, je triture mes doigts tandis que mes amis sont bruyants autour de moi. Il n'y a pas suffisamment de calme, je n'arrive pas à réfléchir, mes pensées s'emmêlent et font des nœuds dans ma tête.

Pourquoi ai-je accepté une telle chose ? Tu es stupide, Kasper !

— Ça ne va pas, rien ne va bien aller, murmuré-je mécaniquement en plissant les yeux.

— Qu'as-tu dit ? s'enquiert Jessica en se plaçant face à moi.

Je secoue la tête, tentant vainement de me focaliser sur elle et non pas sur le clapotis de l'eau.

— Bah alors, t'es blanc comme un cul !

— Ça c'est vrai, Kassoulet, acquiesce Vinny en donnant raison à Jo. T'as perdu toutes tes couleurs. Attends, je vais y remédier !

Vincent attrape mes joues entre ses doigts et les pinces plusieurs fois, fort, tellement que je grimace en protestant des propos inintelligibles.
Mon cœur bat trop vite, j'ai envie de m'enfuir, de partir loin et de ne plus mettre les pieds ici. Je recule rapidement en repoussant mon ami qui laisse lourdement tomber les bras le long de son corps. Je fais volte-face, prêt à rentrer chez moi mais ma course est arrêtée lorsque je percute brusquement un obstacle. Je ferme les yeux à l'instant où je reconnais l'odeur de Silas, m'agrippe à ses épaules alors qu'il m'enferme entre ses bras.

— Kasper, bon sang, est-ce que ça va ?

Le visage contre son torse, je me cache afin de ne pas affronter son regard. Une de ses mains se perd dans mes cheveux et l'autre me maintient bien en place contre lui.

— Ça ne va pas, ça ne va pas aller... murmuré-je lamentablement.

— Je n'ai pas compris, souffle-t-il en tirant doucement sur mes mèches. Regarde-moi, s'il te plaît.

Je secoue la tête, enfonçant mes ongles dans sa peau pour ne pas le lâcher.
Dans l'obscurité de mon chaos, j'entends Silas dire à mes amis que nous revenons dans un instant, puis je me laisse trainer lorsqu'il m'entraine plus loin. Mes pieds le suivent mais mon esprit est perdu au milieu du lac.

— Ok..., soupire-t-il en englobant mes joues de ses grandes paumes toutes chaudes. Dis-moi ce qui ne va pas.

Je relève la tête, les yeux clos afin de ne pas me montrer plus pathétique que je ne le suis. Comme si le fait de ne pas le voir pouvait me rendre invisible. C'est idiot, même pour moi. Ses pouces passent sur mes paupières, font quelques aller-retours avant que la douceur de ses lèvres vienne effleurer les miennes.
Je me décide à l'affronter après avoir inspiré lentement, son regard doux et ses iris verdoyants m'apaisent instantanément. Mon cœur se calme doucement tandis que son amour me fait me sentir mieux. Il n'a pas besoin de parler pour m'exprimer ses sentiments, sa façon de m'admirer, me rassurer, me caresser et me réchauffer me prouvent à quel point il m'aime. Jamais je ne pourrais en douter.

— J'ai peur..., avoué-je enfin.

Un sourire enjolive son visage alors qu'il acquiesce en effleurant toujours ma peau de ses pouces.

— Je me doutais bien que tu réagirais ainsi. Tu n'es pas obligé, tu sais ? On peut faire autre chose, ce n'est pas un problème.

— Non, je... je leur ai promis de le faire avec eux, bredouillé-je.

— Est-ce que tu en as envie ? s'enquiert-il en approchant son visage du mien.

— Oui, j'en avais déjà envie lorsque tu m'en as reparlé, mais je ne suis pas certain d'y arriver. L'eau me terrifie...

Je me sens lamentable, si faible d'être dans cet état pour si peu.

— Tu ne risques rien, tu le sais ? C'est sécurisé, et on aura tous un gilet de sauvetage. Même si tu tombes à l'eau, il n'y a pas de danger.

— Tu es sûr ?

— Évidemment, souffle-t-il contre mes lèvres. Depuis que l'activité est ouverte au public, il n'y a eu aucun incident. Ce n'est pas la piscine, Kasper, si nous suivons le fonctionnement du pédalo, tu ne toucheras même pas l'eau.

— Tu viens, hein ? Tu montes dans cette chose avec moi ? demandé-je pour me rassurer, bien que je connaisse la réponse.

— Je viens, acquiesce-t-il, j'ai rempli les fiches avec Miranda, mon nom est bien inscrit.

— D'accord... mais ne me laisse pas, s'il te plaît. Jonathan et Vinny font toujours n'importe quoi.

Silas laisse échapper un rire qui me fait frissonner puis enroule ses bras autour de moi pour une étreinte qui me fait un bien fou.

— Promis, dit-il en embrassant mon front.

Je hoche la tête, me surélève sur la pointe des pieds pour sentir son souffle effleurer ma peau. J'ai de plus en plus de mal à supporter les heures qui passent, celles qui me rapprochent de la fin. J'ignore comment je me sentirai lorsque Silas sera loin de moi, dans l'incapacité de me prendre dans ses bras pour apaiser mes tourments.

— On peut y retourner ? m'interroge-t-il après un instant perdus dans le regard de l'autre.

— Oui, soufflé-je du bout des lèvres.

Ses doigts s'enlacent aux miens puis en quelques secondes nous retrouvons mes amis.

— Tu as meilleure mine ! se réjouit Jess.

— Ouais, Silas est le médicament qu'il faut à notre Kastor, se moque Vinny.

Dans mon dos, Silas exerce une petite pression afin de me certifier qu'il ne s'éloigne pas. Nous enfilons nos gilets et mon copain est le premier à monter sur l'embarcation. Un sourire rassurant sur les lèvres, il me tend la main.

— Viens, je vais t'aider.

J'inspire profondément, attrapant ses doigts et ne quittant pas ses yeux afin de ne pas paniquer.

— Lève doucement la jambe, me conseille-t-il, il n'y a quasiment pas d'écart entre la rive et le bateau, il est toujours attaché, il ne bougera pas.

Tu peux le faire, Kas !

Je fais ce qu'il me dit, puis ferme les yeux à l'instant où mon pied se pose sur l'embarcation qui tangue légèrement. Ma respiration se coupe mais Silas attrape ma taille pour m'amener complètement à lui. Les paupières plissées, je me détends peu à peu quand je m'aperçois que j'ai réussi. Je m'assois à ses cotés alors que sa main ne délaisse pas ma cuisse qu'il caresse doucement. Son bras s'enroule autour de ma taille tandis qu'il me rabat contre sa hanche et me maintient fermement.

— Ça va un peu secouer quand ils vont embarquer, me prévient-il, mais c'est normal alors respire et ne t'inquiète pas.

Avant que je puisse répondre, Jessica grimpe le plus doucement possible, puis Vinny suit en se laissant tomber sur un siège. Mes doigts s'agrippent à Silas dès que Jonathan saute presque sur le bateau qui bouge brusquement. Un hoquet m'échappe, les yeux fermés je grogne des noms d'oiseaux à mon ami qui s'excuse en riant. Jo est toujours celui qui ne fait attention à rien, il ne le fait pas forcément exprès mais je ne suis pas certain qu'il sache réfléchir avant d'agir.

— Vincent, tu peux détacher le pédalo de la poutre ? demande Silas. Je suis trop loin pour le faire.

— Attends, je l...

— Non ! coupé-je brusquement Jonathan. Tu ne fais rien, pitié !

Vinny éclate de rire en donnant un coup de poing dans l'épaule de notre ami qui râle.

— Ce que t'es méchant, Kas !

— On va t'appeler Brutus, crétin ! Laisse faire le pro.

Il s'exécute avec précaution, faisant en sorte de ne pas faire trop de secousses. J'ai bien conscience qu'il y en aura quoi qu'on fasse, nous sommes sur l'eau, c'est évident mais moins il y en a, mieux se portera mon petit cœur nauséeux.
Lentement et péniblement, nous commençons à pédaler afin de s'éloigner de la rive. C'est Jessica qui manie le levier afin de choisir la direction dans laquelle nous allons. C'est en elle que j'ai le plus confiance pour cette manipulation, elle ne fera rien qui serait susceptible de me faire peur. Silas et moi nous trouvons à l'arrière, tandis que les trois autres se chamaillent à l'avant.

— À droite ! rugit Jonathan. On tourne en rond !

— Mais non, Jess tu prends à gauche. On devrait aller au centre du lac, c'est là que la vue sera la plus belle.

— Mais taisez-vous à la fin, je vais faire n'importe quoi avec vos conneries. Bon, les amoureux vous en pensez quoi, on va où ?

— À la maison ! m'exclamé-je en évitant de poser les yeux sur l'eau.

— Hein ?

Silas émet un petit rire tandis qu'il passe une main dans mes cheveux pour me calmer.

— Je suis de l'avis de Vincent, déclare-t-il, on devrait aller à gauche.

— Très bien, donc pédalez maintenant.

Nos mouvements reprennent tandis que Jess tente de manœuvrer le bateau. Vinny lui vient en aide lorsqu'elle peine à faire tourner l'embarcation.
Les muscles de mes jambes commencent déjà à me tirailler, et je soupire de soulagement lorsque nous nous immobilisons enfin. Jo se lève pour examiner la vue, puis siffle de contentement.

— C'est ouf les gars, c'est encore mieux debout !

Les ongles enfoncés dans mes genoux, je baisse la tête pour respirer convenablement tandis que Silas effleure mon poignet, celui orné de mon bracelet. Le bateau est assez large pour que nous nous levons tous mais mon cœur bat trop vite pour que j'amorce un mouvement.
Jess et Vincent rejoignent Jo en s'émerveillant.

— On le fait ensemble ? me demande doucement Silas.

Je trouve son regard tendre qui m'encourage alors qu'il attrape ma main. Je soupire plusieurs fois puis me laisse guider quand il m'aide à me relever. Les paupières fermées, il me faut quelques secondes pour me recentrer.

— Tu devrais voir ça, m'intime mon petit ami, ses lèvres contre mon oreille.

Lorsque j'ouvre les yeux, mon souffle se coupe. Si j'oublie le fait que je me trouve debout au milieu d'un lac, il est vrai que l'endroit est magnifique. Nous sommes au centre de la forêt, les arbres aux feuillages verdoyants nous plongent dans un sombre cocon. Le soleil perce les branches et scintille sur l'eau, tandis que les oiseaux nous chantent leur mélodie. C'est incroyable, envoûtant.

— On fait une photo ! s'exclame Jonathan.

Je le vois sortir son téléphone de la poche de son pantalon puis dans un geste ample se tourner vers nous. Le bateau remue brusquement, m'incitant à serrer les dents. Je retombe lourdement sur mon siège, paralysé par la peur alors qu'un plouf énorme se fait entendre. Je couine de surprise, puis les hurlements de Vincent m'effraient davantage.

— Putain ! Je vais te tuer cervelle de moineau ! Je suis trempé à cause de tes conneries.

Mon cœur cesse de battre et Silas attrape ma tête pour la plaquer contre son ventre. Mes bras se serrent autour de lui, le visage caché et la respiration saccadée.
Jessica et Jonathan se mettent à rire tellement fort que le son résonne entre les arbres.

— Que vient-il de se passer ? couiné-je sans oser relever la tête.

— Et bien... Vincent prend un bain, m'apprend Silas en passant ses doigts à travers mes cheveux.

— Quoi ?

— À ton tour, Jessy !

Cette dernière se met à protester, m'incitant à observer ce qu'il se joue autour de moi. J'ai à peine le temps de voir Jonathan se baisser que Jess est déjà projetée dans le lac, avant qu'il ne la rejoigne en sautant comme un demeuré.
Les yeux écarquillés, je fixe mes amis qui s'éclaboussent en faisant de grands gestes.

— Seigneur... je vais les tuer, grogné-je en levant le visage vers Silas.

Un sourire amusé peint son visage d'une beauté éblouissante. Il hausse les épaules puis s'installe à côté de moi. Les pieds sur le siège qu'occupait Jo, il me rabat contre son torse en riant. Je me laisse aller, soupire en maudissant mes amis qui jouent comme des enfants. Le regard rivé sur le ciel, je me détends peu à peu alors que Silas me caresse du bout des doigts.

— Les gars, vous venez pas ? s'enquiert Vinny en s'approchant du bateau.

— Non, très peu pour moi, grondé-je en secouant la tête.

Une giclée d'eau m'atteint et me fait râler tandis que Vincent s'éloigne en ricanant.

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