Chapitre 52 :

9 minutes de lecture

14 août 2021, fin d'après-midi.

Kasper :

Entassés dans la salle de bain du bungalow 90, les garçons et moi sommes devant le miroir. Une tondeuse à la main, Jo se bat avec Vinny pour qu'il cesse de gesticuler.

— Ce n'était pas une bonne idée de te demander de me couper les cheveux, râle Vincent en secouant la tête.

— C'est toujours moi qui le fait, répond le second en grognant, et puis arrête de bouger bordel, tu vas te retrouver chauve avec tes conneries.

— Non, non et non ! Tu ne le fais pas comme d'habitude, regarde ! C'est même pas droit.

— Mais c'est normal, andouille ! Je viens à peine de commencer et tu remues plus qu'un type agonisant.

— Si j'agonise, je peux pas bouger ! Mais bientôt c'est toi qui va finir par terre avec cette putain de tondeuse dans le c...

— Ok ! m'exclamé-je brusquement. Taisez-vous !

— T'allais dire quoi ? peste Jonathan. Dans le quoi ?

— Dans le rien ! grogné-je. Bon sang, on croirait voir deux gosses.

Des coups se font entendre contre la porte de la salle de bain, faisant retomber le silence dans la pièce. Jessica apparaît, sa tête passe l'entrebâillement, un petit sourire aux lèvres.

— C'est quoi tout ce raffut ? s'enquiert-elle en nous regardant tour à tour.

— C'est lui, il fait n'importe quoi avec mes cheveux.

— Non, c'est ce con là ! Il tient pas en place.

Exaspéré, je lève les yeux au ciel tandis que Jess se met à rire face à ma mine désabusée. Ses doigts attrapent mon poignet afin de m'attirer dans le salon.

— Viens avec moi, je vais finir de me maquiller. Laisse-les s'entretuer.

Je la suis sans hésiter, me laissant tomber contre le canapé tandis qu'elle s'installe à la table, où se trouvent un petit miroir et une trousse de produits en tout genre.

— Comment tu as fait pour les supporter tout l'été ? demandé-je en regardant le plafond.

— Pas tout l'été, me corrige-t-elle. J'étais en Italie avec mes parents.

C'est vrai, j'avais oublié ce détail. Je hoche la tête en silence, puis récupère mon téléphone dans la poche de mon pantalon lorsqu'il se met à sonner. Je décroche l'appelle de Silas, collant l'appareil à mon oreille en lâchant un long soupir.

— Allô ?

Ouah, tu as l'air ravi de m'entendre, Honey, se moque-t-il, un sourire dans la voix.

— Je suis au bout de ma vie...

— Je suppose donc que tu es avec tes amis ?

— Tout à fait. Que se passe-t-il ?

— Rien, j'ai une demi-heure avant de prendre mon poste, je pensais te voir un peu.

— Je suis au bungalow, rentre directement.

— Très bien, je suis là dans deux minutes.

— Eh, Silas ! l'appelé-je avant qu'il raccroche. Bouche-toi les oreilles en arrivant.

Je l'entends rire puis la communication se coupe. Lorsque je relève la tête, Jessica a le regard rivé sur moi.

— Quoi ?

— J'aime voir ton visage si détendu quand ça concerne Silas, me sourit-elle. J'ai entendu parler de ce qu'il s'est passé avec ce garçon, Mathias, c'est ça ?

J'acquiesce, les lèvres pincées. Je n'aime pas parler de lui, ni de ces histoires perturbantes qui m'empêchent de dormir parfois.

— Vinny m'a dit que Silas avait l'air vachement en colère lorsqu'on était à l'accrobranche.

— Hum... Mathias n'a pas toujours été très sympa avec moi, Silas ne faisait que prendre ma défense.

— Je sais, je n'ai jamais pensé le contraire. Il protège celui qu'il aime, c'est beau, dit-elle rêveuse.

La porte d'entrée s'ouvre, laissant notre conversation en suspens quand mon copain pénètre dans le salon. Il salue mon amie, puis s'immobilise devant moi en inclinant la tête. Je me redresse afin de me blottir dans ses bras qu'il referme immédiatement autour de mon corps. La tête contre sa poitrine, j'inspire son odeur, les yeux fermés.

— Je recharge enfin mes batteries, murmure-t-il dans mes cheveux. J'avais besoin de ma dose avant de travailler.

— Drogué...

— De toi, incontestablement.

Jessica rit face à la niaiserie de nos paroles, me faisant sourire également. Après quelques minutes, je me décolle de Silas qui tire une chaise afin de s'asseoir.

— On devrait peut-être vérifier si Jo et Vinny sont encore en vie. Il n'y a plus de bruit, constaté-je en fronçant les sourcils.

Jess laisse tomber son pinceau qui s'écrase contre la table, puis se lève précipitamment.

— Oh mon Dieu, tu as raison !

D'un pas rapide, elle se dirige vers la salle de bain pour en ouvrir la porte à la hâte.

— Ils vont bien ! hurle-t-elle. Et Vincent est parfaitement coiffé.

— Tout ça pour ça, soupiré-je. Vraiment, ils vont me tuer un jour.

Silas ricane puis me tend la main pour m'approcher de lui. Je me positionne entre ses jambes écartées tandis qu'il pose son menton sur mon ventre pour me regarder. Mes doigts passent à travers son épaisse chevelure brune. Ses cheveux sont doux, j'aime bien ça.

— Je suis au bar ce soir, vous allez à la soirée ?

— Oui, c'est le premier feu de camp pour eux, réponds-je en pointant la salle de bain. On a loupé celui de la semaine dernière.

— C'était ton anniversaire.

— Dis à Thonyo de me réserver un tabouret, j'envisage bien d'y rester jusqu'à ce qu'ils se décident à rentrer.

— Tu devrais profiter, souffle-t-il, je ne serai pas loin, mon regard ne te quittera pas.

— Je sais, mais je préfère être près de toi.

Ses mains longent mon dos, jusqu'à ce qu'elles s'enroulent autour de ma nuque. Il se redresse légèrement, tout en exerçant une pression de sa paume pour m'amener à lui. Ses lèvres rencontrent ma bouche en un soupir. Je le laisse m'embrasser, sa langue taquinant la mienne avec lenteur. Les paupières closes, les images de notre moment d'intimité me reviennent à l'esprit. Mon cœur s'emballe lorsque j'imagine mes doigts autour de son plaisir pour moi. J'ai envie de recommencer, de réessayer avec peut-être un peu plus d'assurance. Son visage est merveilleux lorsqu'il explose de désir. J'aime la vision que j'ai eu de lui ainsi, elle ne me quitte pas et s'immisce dans ma tête chaque fois que je ferme les yeux.

— Vous êtes mignons mais décollez vous un peu, ricane Vinny. Kassoulet, j'ai besoin de toi !

De mauvaise grâce, je quitte les bras de Silas pour suivre Vincent dans sa chambre. Il se jette sur son lit, poussant un long soupir de découragement.
Je m'assois à ses côtés, sa tête vient se poser sur mes genoux tandis que je baisse le menton pour le regarder. Ses cheveux sont encore bien épais sur le dessus de sa tête, contrastant avec les côtés fraîchement rasés.
Sa proximité ne me dérange pas, Vinny a toujours était le plus tactile de nous tous, se moquant parfaitement de nous coller comme un koala à son eucalyptus. Il se montre parfois dur et nous taquine souvent en débitant des bêtises plus grosses que lui, mais je soupçonne derrière cela qu'il cache un énorme cœur tendre. Je sais qu'il fera toujours tout pour nous, quitte à se mettre en mauvaise posture pour notre bien.

Yellow ne m'a toujours pas parlé de Jess, soupire-t-il, j'ai pourtant essayé de lui tirer les vers du nez, mais il reste silencieux et Jessy aussi...

— Est-ce que ça te perturbe tant que ça ?

— Oui, nous sommes amis depuis qu'on a cinq ans, bordel ! On devrait pouvoir tout se dire sans avoir de crainte. Même toi tu ne nous avais pas parlé de Silas.

— C'est différent, protesté-je, vous étiez persuadés que j'étais hétérosexuel. Ce n'est quand même pas rien de réaliser qu'on est attiré par un garçon.

— Ça ne devrait pas être important, on est libre d'aimer. Je ne vois pas quel est le problème entre un couple hétéro et un homosexuel.

— Si tous penseraient comme toi, ce serait la paix dans le monde.

— Tu exagères, Kastor. Sérieusement, ça ne t'ennuies pas qu'ils ne nous en parlent pas ?

— Non, pas vraiment. Ils veulent peut-être être sûrs d'eux avant, ils sont amis depuis tellement longtemps, peut-être qu'ils sont effrayés.

— Je sais pas, ça m'énerve...

— Arrête de trop te prendre la tête, lui conseillé-je, tu vas attraper des cheveux blancs avant l'âge. Ce serait dommage, ça obligerait Jess à refaire ta coloration vert bouteille absolument incroyable.

— Est-ce que tu te fous de ma gueule, là ? me demande-t-il en faisant la moue.

— Qui, moi ? Ça ne me ressemble pas, tu le sais, dis-je innocemment.

Vinny grogne, puis ses sourcils se froncent jusqu'à ce que son visage s'éclaire subitement. Il se lève en sautant sur ses pieds, attrapant mon bras pour me tirer derrière lui.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'ai une idée folle ! s'exclame-t-il en quittant la chambre.

Dans le salon, Silas discutent avec mes amis autour de la table. Lorsque nous approchons, il me rejoint et m'enlace, le nez dans mes cheveux.

— Je t'attendais, je vais devoir y aller, mais je voulais un baiser avant, murmure-t-il.

Je relève la tête, me surélève et l'embrasse rapidement. Son sourire se dessine contre mes lèvres, attisant ainsi le mien.

— Je serai au bar dans deux heures.

— Très bien, approuve-t-il. Tu manges avant de venir ou vous prenez un repas sur place ?

— Je ne sais pas, on ne s'est pas encore décidés.

— Hum... si tu passes au restaurant, apporte-moi des beignets à la framboise.

Je pouffe de rire en faisant un pas en arrière pour le regarder.

— Aucun problème, acquiescé-je, autre chose ?

— Oui, souffle-t-il, le regard malicieux, tes lèvres et le coulis dessus, c'est bien meilleur à manger ainsi.

Ma paume tape son torse tandis que mes joues s'enflamment. Silas rit doucement puis enserre mes hanches pour me coller à lui.

— Arrête de dire des bêtises.

— C'est la vérité, proteste-t-il, une mine contrariée sur son beau visage.

— Hum, si tu le dis. Maintenant, pars ! pouffé-je en le poussant vers la porte.

— N'oublie pas mes beignets.

— Promis ! m'exclamé-je en fermant la porte derrière lui.

Lorsque je me retourne, trois paires d'yeux sont posées sur moi. Le téléphone à la main, Jonathan ne se prive pas de me faire comprendre qu'il a immortalisé ce moment en filmant chacun de nos faits et gestes. Le visage écarlate, je râle sans énormément de vigueur.

— Les gars ! J'ai une idée, et vous n'avez pas le droit de refuser ! Jessy, tu as encore tes flacons de coloration ?

Sur ses gardes, cette dernière hoche la tête, les sourcils froncés.

— Pourquoi ? Je sens venir l'idée débile, se lamente Jonathan.

— De nous tous, les pires idées viennent de toi !

— Ça ne nous dit pas pourquoi tu poses cette question, soupiré-je en m'installant dans le canapé.

— C'est évident ! Quelles couleurs te restent-ils ? s'enquiert Vinny en fixant Jessica, le plus sérieusement possible.

— Étant donné que j'ai utilisé l'orange et le vert sur ta tête, il reste le bleu, le rose et le gris.

— Parfait ! Sors le bleu ! s'enthousiasme-t-il en tapant bruyamment dans ses mains. On a du pain sur la planche avant le feu de camp.

— Attends, mais c'est pour faire quoi ?

— On va se faire une mèche bleue, tous la même ! C'est encore les vacances, elle sera presque invisible d'ici la rentrée.

— Quoi ? m'exclamé-je en me levant brusquement. Hors de question !

— En fait c'est top comme idée, approuve Jo. Moi je suis d'accord.

— Évidemment ! Ça se verra à peine sur vous, les cheveux de Vinny sont déjà verts et les tiens sont beaucoup plus foncés ! Mais moi, je suis blond ! bougonné-je en secouant la tête.

— Moi aussi je suis blonde, boude Jessica.

— Mais toi, tu as déjà fait toutes les couleurs de l'arc-en-ciel sur ta tête !

— Allez, Kassoulet ! C'est pour le fun ! On en fait une fine, toute petite, promis ! Sinon, tu préfères le rose peut-être ?

— Bon sang, mais quelle connerie vous me faites faire, grogné-je en baissant les bras. Je vous déteste, vraiment.

— C'est tellement faux ! Et on t'aime aussi, Kastor, ne t'inquiète pas, me charrie-t-il en se levant, le regard déterminé.

Annotations

Vous aimez lire Li nK olN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0