Chapitre 53 :

11 minutes de lecture

14 août 2021, début de soirée.

Silas :

Cela fait déjà une demi-heure que je suis en charge du découpage des fruits pour les cocktails. Les campeurs commencent à approcher de la zone qui abrite le feu de camp, tandis qu'un fond de musique se laisse entendre.
Le soleil décline doucement, nous offrant des nuances chaudes sur un ciel dénué de nuage. C'est beau à regarder, mais pas autant que le blondinet qui fait son apparition un peu plus loin. Mes yeux ne voient que lui à l'instant même où il entre dans mon champ de vision. Accompagné de ses amis, il se tient en retrait, les mains cachées dans son dos. Je l'examine rapidement, vêtu d'un cargo bleu marine et d'un polo blanc, il est toujours si éblouissant. Comme d'habitude, ses cheveux sont en arrière, il les cache sous un bandana de la même couleur que son pantalon.

— Bonsoir mon beau, susurre une voix féminine près de moi.

Je détourne le regard pour rencontrer une paire d'yeux aux iris bruns. La demoiselle me sourit, penchée sur le comptoir du bar. Ses longs ongles tapotent la surface tandis qu'elle incline la tête pour me détailler.

— Bonsoir, que puis-je faire pour toi ? lui demandé-je poliment.

Elle m'a coupé dans ma contemplation de Kasper, et bien qu'elle soit très jolie, ce n'est pas elle que je désire admirer.

— Quel cocktail me conseilles-tu ?

Son sourire aguicheur me donne envie de lever les yeux au ciel. Pas parce qu'elle me dérange, mais parce qu'elle ne se doute pas que son charme n'a absolument aucun effet sur moi. Cela m'amuse en réalité, j'ai toujours aimé plaire, je dois l'admettre mais depuis que mon cœur bat pour Kasper Price, je n'ai plus envie d'entrer dans ce genre de jeu.

— Tu t'es trompée de barman, demoiselle, l'expert est là-bas, dis-je en pointant mon collègue qui remplit des verres d'un liquide rouge.

— C'est bête, rit-elle, j'avais peut-être envisagé de te demander plus qu'une simple boisson.

Cette fois, un sourire se dessine sur mon visage, j'ai parfaitement compris ses insinuations pour les avoir entendus très souvent et par un nombre incalculable de personnes. Mon regard cherche rapidement ma Douceur qui a déjà les yeux rivés sur moi. Les sourcils froncés, une petite moue sur ses lèvres roses, il boude dans son coin.

— Là aussi tu fais fausse route, dis-je sur un ton qui se veut désolé. Mon cœur est déjà pris.

Immédiatement, ses joues se colorent tandis qu'elle se redresse légèrement.

— Oh... pardon, souffle-t-elle, en baissant un peu la tête.

— Pas de problème, ma jolie. Je peux toujours te servir un jus de fruits si tu le souhaites, ou un cocktail qui ne demande pas énormément de préparation, ris-je.

Mon ton léger la détend un peu, elle ose ainsi me regarder à nouveau dans les yeux. Son embarras ne dure pas longtemps, elle sourit en secouant la tête. Ses doigts manucurés passent dans ses longues mèches brunes qu'elle fait rouler derrière son épaule.

— Épate-moi, montre moi tes dons avec les fruits rouges, s'amuse-t-elle.

Je hoche la tête, et entreprends de lui confectionner un jus à base de fraises et de mûres. J'ajoute un petit parasol en papier, une paille et je lui tends son verre en souriant. Elle goûte puis hausse les sourcils en sifflant entre ses lèvres.

— Ta copine est chanceuse, tu dois lui préparer les meilleurs jus !

— Il est chanceux, rectifié-je en souriant, et j'espère que tu as raison.

Elle semble réfléchir un instant, puis sa bouche forme un " o " parfait lorsqu'elle assimile mes propos.

— Chanceux, répète-t-elle, je comprends mieux maintenant pourquoi je te laisse indifférent.

Elle rit en se pinçant l'arête du nez, puis glisse à nouveau sa paille entre ses lèvres. Je hausse les épaules en souriant, tandis que mon regard quitte la demoiselle pour rencontrer celui de Kasper qui approche du bar. Sa mine contrariée m'amuse, il est beau mon Amour.

— Bonsoir, Honey, soufflé-je dès lors qu'il nous rejoint.

Dans l'instant, la jeune femme tourne la tête pour détailler ma Douceur. Ses yeux s'écarquillent tandis que Kasper dépose un petit sac en papier sur le comptoir.

— Tes beignets, dit-il en les faisant glisser vers moi.

Je m'apprête à répondre mais je suis coupé par la demoiselle qui lâche un cri étranglé.

— Kasper ? s'étonne-t-elle en attrapant ses épaules.

Ce dernier se raidit immédiatement tandis qu'il se fait manipuler dans tous les sens. J'observe la scène, me demandant bien qui est cette personne qui secoue ma Douceur.

— Bianca, s'exclame-t-il, va doucement.

— Ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vus. T'as tellement grandi, la dernière fois tu étais haut comme trois pommes. C'est ma sœur qui va être ravie de te revoir, attends...

— Quoi ? Non ! Bianca, ne...

— Marie ! hurle-t-elle en observant la foule un peu plus loin. Marie, viens !

Kasper me lance un regard désespéré alors qu'il tape son front en soupirant. Dans la manœuvre son bandana bouge légèrement, laissant apparaître deux petites mèches colorées dans ses cheveux. Curieux, je lève la main afin de retirer le tissu. Mes yeux fixent avec étonnement le bleu et le rose qui se cachent dans sa chevelure. Un sourire apparaît sur mon visage alors que je passe les doigts à travers ses cheveux. Ses joues rougissent brusquement, tandis que je suis obnubilé par ces deux couleurs qui se mêlent à son blond.

— Qu'est-ce que vous avez fait ? demandé-je en riant.

Je sais que ses amis n'y sont pas pour rien, c'est évident, Kasper n'aurait jamais fait ça de lui-même.

— C'était l'idée de Vinny, bougonne-t-il, mais à la base le rose ne devait pas être là. C'est horrible.

— Je ne trouve pas, j'aime bien moi, approuvé-je en hochant la tête.

— Non, ne dis pas n'impo...

Sa phrase reste en suspens lorsque le visage rond d'une brunette se place devant Kasper. Elle l'attire immédiatement dans ses bras, le serre si fort qu'il s'étrangle presque.

— Ils jouaient ensemble quand ils étaient petits, ça faisait tellement longtemps que nous n'étions pas venues en vacances ici qu'ils ne se sont pas vus depuis leur dix ans, m'apprend la dite Bianca.

— Ceci explique cela, m'amusé-je en voyant Kas enlacer maladroitement son amie d'enfance.

— C'est donc lui ce fameux chanceux.

— En fait, c'est moi qui le suis, dis-je en souriant à mon Amour.

Marie s'éloigne enfin, puis se met à rire très fort.

— Tu n'as pas changé, tu es toujours le même que dans mes souvenirs !

— Toi non plus, je suis content de te voir, souffle Kas.

— Je vais te présenter à mes amis, tu viens ?

— Oh euh... non, je vais rester ici un peu.

Je me penche sur le comptoir pour approcher mon visage du sien. Ses yeux se posent sur moi tandis qu'il semble légèrement intimidé.

— Tu devrais y aller, murmuré-je près de sa joue, mélange-toi un peu, Kas, moi je ne bouge pas, je suis là. Et puis il y a tes amis aussi, discutez ensemble. On se retrouve dans la soirée.

— Mais je...

— Amuse-toi, Honey, essaie, s'il te plaît.

— Hum... ok, souffle-t-il en acquiescant doucement.

Il ferme les yeux une seconde, j'en profite pour déposer un baiser sur ses lèvres, sous les yeux de Bianca et Marie qui visiblement semblent attendries.

— Merci pour les beignets, souris-je avant qu'il ne se fasse emporter par la brunette au visage rond.

Il me jette un dernier coup d'œil avant de se mêler à la foule.

— Vraiment désolée pour la confusion, déclare Bianca en ricanant, je me sens bête.

— Tu ne pouvais pas savoir, ça arrive, souris-je.


♡♡♡


La soirée est bien avancée, les campeurs défilent au bar et Thonyo ne cesse de répéter qu'il est heureux que je sois là pour lui donner un coup de main. Pourtant, je ne fais pas grand-chose étant donné que je ne sais préparer que très peu de boissons.
J'ai discuté pendant un moment avec Bianca, avant qu'elle ne rejoigne un groupe de filles un peu à l'écart. Elle est gentille, si on oublie sa tentative de flirt qui m'a finalement bien amusé. Kasper est encore en compagnie de ses amis, de ceux de Marie et de cette dernière. Je l'observe souvent, me réjouissant qu'il passe du temps avec d'autres personnes. Il s'ouvre davantage chaque jour et c'est une bonne chose.
J'ai pu constater lorsque Jessica est venue commander un verre que cette dernière est également coiffée de deux mèches colorées. C'est en riant qu'elle m'a appris que le groupe au complet a testé les colorations qu'elle avait en stock. Je trouve l'idée plutôt sympa, c'est enfantin et ça reste une preuve de leurs attachements respectifs.

Le feu de camp est allumé depuis un moment maintenant, déversant ses lueurs orangées sur une piste de danse improvisée. Un sourire ourle mes lèvres lorsque je constate que Jessica et Marie attirent ma Douceur pour se déhancher au rythme de la musique qui résonne dans les haut-parleurs. Tous les amis se mettent à remuer, se mêlant les uns aux autres tandis que mes yeux suivent le mouvement des hanches de Kasper. Je commence à avoir trop chaud lorsque plusieurs minutes s'étalent. Hypnotisé, je sens mon désir poindre et mon cœur battre plus rapidement quand le regard bleu voilé d'orange rencontre le mien. Je déglutis, dévoré par l'envie de le rejoindre pour sentir son corps contre le mien.
C'est à contrecœur que je détourne la tête lorsque des assoiffés réclament une nouvelle tournée. Le temps passe et mon attention jongle entre le déhanchement de Kasper et les verres que je remplis sans enthousiasme. Mon sourire réapparaît à l'instant où Thonyo m'indique que je peux prendre ma pause.

— Va le voir avant de prendre feu, se moque-t-il en me donnant un coup d'épaule.

J'acquiesce avec vigueur tandis qu'il lâche un rire rauque. Je contourne le bar, me dirige d'un pas lent vers Kasper qui me fixe, un sourire aux commissures des lèvres. Je me faufile entre ses amis, plaque ma main dans le bas de son dos pour le rabattre contre moi. Les joues rougies, les cheveux en pagaille sur son front et ses mèches colorées qui attirent mon regard, il se laisse aller. Je frissonne dès que son toucher m'atteint. Mes hanches se mettent à bouger sur le rythme de la musique tandis qu'il fait de même. Il y a moins de pudeur dans ses gestes, moins de retenu et je me demande si c'est parce qu'il a passé le cap de se montrer plus entreprenant lorsqu'il m'a caressé l'autre jour.
Des soupirs nous échappent lorsque mon plaisir effleure le sien. Les bras enroulé autour de ma nuque, il cache son visage contre mon torse. Sa peau est aussi brûlante que la mienne et je remercie la musique qui recouvre nos souffles saccadés. Ce n'est pas obscène et bien des couples font plus explicite que nous dans les alentours mais j'ai conscience que pour Kasper c'est énorme d'agir ainsi en public.
C'est légèrement honteux que je maudis intérieurement la foule et les vêtements qui nous entravent. J'aimerais l'emporter loin du monde pour vénérer son corps, son cœur, l'aimer toujours plus fort en m'unissant enfin à lui mais il ne faut pas brûler les étapes. Nous agissons à son rythme et je dois bien admettre que nous sommes allés déjà au-delà de ce que je m'étais imaginé, bien que mon envie de lui devient davantage mordante à chaque instant.

— Tu me rends complètement dingue, soufflé-je contre son oreille. J'ai l'impression de m'embraser chaque fois que tu es dans les parages, Kas.

Il relève la tête, croise mon regard en se mordillant la lèvre. Ses joues sont joliment rouges, ses yeux voilés par la même fureur que moi et je me retiens de laisser glisser mes mains sur son corps.

— Je ressens la même chose, murmure-t-il en remontant ses doigts le long de ma nuque pour les enfouir dans mes cheveux.

Son désir est palpable, je le sens évoluer entre ses cuisses lorsque nos bassins se retrouvent. Son visage est éclairé par les flammes qui lèchent sa peau, j'ai presque l'impression que ses iris prennent feu. Il n'y a plus de gêne dans son regard, juste une envie qui anime ses traits et qui me tiraille le bas du ventre. Mes reins sont malmenés, l'envie s'immisce en moi aussi brutalement qu'un ouragan, pourtant je sais que ce n'est pas possible. J'ai conscience que le moment est mal choisi, que nous ne pouvons pas aller plus loin ce soir et qu'une fois éloigné de lui, mon cœur se lamentera jusqu'à retrouver son contact qui m'électrise.

— Silas..., soupire-t-il en se dressant légèrement, embrasse-moi, s'il te plaît.

Le corps en combustion, je m'approche lentement de lui, prêt à lui offrir ce qu'il me demande, prêt à répondre à cette voix qui hurle dans ma tête. Elle me dicte de le dévorer, de me repaître de ses baisers à défaut d'assouvir mes envies de son corps et de sa peau mais je n'atteins pas ses lèvres, non, je n'en ai pas l'occasion.
Des cris s'élèvent brusquement, des rires et des acclamations, coupent court à notre moment hors du temps. Vincent hurle si fort que la musique semble désormais insignifiante à mes oreilles. J'ai à peine le temps d'éloigner mon visage qu'il attire Kasper en arrière afin de le faire pivoter dans la direction du brouhaha. C'est l'âme en peine que je suis le mouvement, découvrant Jessica et Jonathan s'embrasser à pleine bouche au centre des groupes qui s'exclament bruyamment. Ce soir ce ne sont pas les amis de Kasper et ceux de Marie, mais plutôt une foule qui se réunit pour faire la fête ensemble et c'est ainsi que ça se conclut. Les yeux arrondis et un sourire radieux aux lèvres, mon Amour se réjouit de l'union de ses deux meilleurs amis tandis que Vincent saute dans tous les sens. J'avoue que c'est touchant, que ce moment est beau mais j'ai besoin de Kasper alors j'enroule mes doigts autour de son poignet et le ramène à moi.

— Et moi, soufflé-je contre sa bouche, je peux avoir mon baiser ?

Il me répond en déposant ses lèvres sur les miennes, j'ai la sensation de renaître dès que sa langue effleure la mienne. Je l'aime, si fort que j'en ai mal au ventre. Je le désire, si brutalement que mon cœur semble au bord de la rupture.

— C'est une super soirée, susurre-t-il en s'éloignant. Jess et Jo, c'est à la fois si improbable et pourtant tellement évident.

— C'est très bien pour eux, approuvé-je en souriant, ils vont parfaitement ensemble.

— Tu as raison, comme toi et moi...

Je hoche la tête, perdu au milieu de l'océan de ses iris.
Comme lui et moi. Bien sûr que c'est parfait...

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