Chapitre 55 :

13 minutes de lecture

17 août 2021.

Silas :

Assis sur un tabouret, je regarde les campeurs qui finissent leurs repas. J'ignore d'où leur vient cet appétit à une heure si avancée. La fin de mon service approche, et c'est en soupirant que je songe à Kasper. Je me demande s'il est paisiblement endormi dans son lit ou s'il m'attend tranquillement dans mon bungalow. Je n'ai pas eu de nouvelles depuis que nous nous sommes quittés plus tôt dans la journée, j'ai l'impression d'être en manque, comme s'il s'infiltrait sous ma peau à chacune de nos rencontres pour me donner la force nécessaire de terminer ma journée. J'avoue que cela m'effraie un peu, comment est-il possible d'aimer une personne aussi puissamment ? Nous entamons la dernière partie des vacances, d'ici peu de temps je serai contraint de lui dire au revoir et je ne suis pas certain d'y parvenir. Si j'avais bon espoir pour continuer cette relation à distance il y a quelques semaines, aujourd'hui, je me dis que cela risque d'être plus compliqué que ce que j'avais imaginé. Mais comment pourrais-je lui dire sans qu'il ne prenne peur ? Je ne pense évidemment pas à le quitter, je veux que nous nous battions, que nous parvenions à combattre les épreuves jusqu'à ce qu'on puisse être réuni mais les journées vont être longues sans lui.
C'est probablement la fatigue qui me rend si mélancolique, ça ainsi que la frustration de ne pas avoir partagé avec ma Douceur tout ce que je rêve de lui offrir. Mon envie de lui devient douloureuse, à tel point que chacun de ses soupirs est une torture pour moi. C'est bête à dire, peut-être un peu déplacé également mais c'est la première fois que je me retiens autant. En d'autres circonstances, avec une autre personne, je serais probablement déjà passé à l'étape supérieure mais il est impossible pour moi d'y aller trop directement avec Kasper. Je me dois d'attendre le moment parfait, celui où il me dira clairement vouloir plus de moi, de nous. Il y a fait allusion plus tôt, mais malgré son désir et mon euphorie, je n'ai pu que déceler cette petite pointe d'hésitation. Je ne sais pas si elle est présente parce que c'est nouveau pour lui ou si c'est justement car il n'est pas tout à fait certain de le souhaiter.
Avec dépit, j'attrape mon téléphone pour écrire à la seule personne qui pourra me remettre d'aplomb.

Silas :
Tu dors, vieux ?

Distraitement, mes doigts passent sur le bracelet en tissu qui orne mon poignet, songeant à ma Douceur qui porte le même. Ce petit bijou qui nous lie, qui unit nos cœurs l'un à l'autre, puis mon attention se reporte sur mon portable lorsqu'il s'allume.

Félix :
Nope, qu'arrive-t-il à Silas Miller pour m'écrire si tard ?

Silas :
Je suis amoureux de Kasper...

Félix :
Sans blague, c'est seulement maintenant que tu t'en aperçois ?

Silas :
Non, idiot. Mais je me sens perdu... la saison va bientôt se terminer et ensuite on va devoir se quitter, tu crois que je vais être suffisamment fort pour supporter ça ?

Félix :
Tu le seras si c'est ce que tu veux. Je te connais mon pote, ton fraisier compte trop pour toi, tu feras tout pour y arriver.

Silas :
Et si lui n'y arrive pas ?

Félix :
Il est mordu de toi, ouvre les yeux, crétin.

Félix :
Qu'est-ce qui t'effraie au juste ?

Silas :
Et s'il se lasse ? Et s'il souhaite tenter une relation plus simple avec quelqu'un qui ne vit pas à plusieurs heures ?

Félix :
Tu dis ça parce que tu as peur qu'il le fasse ou parce que tu penses que c'est ce qu'il se passera pour toi ?

Silas :
Quoi ? Non. Je ne lui ferai jamais ça. Je peux me passer de tout genre de relation si je sais que Kasper m'attend.

Félix :
Dans ce cas, bon courage pour les tendinites et les plaisirs solitaires. Je passerai à la pharmacie faire le plein de pommade avant ton retour.

Silas :
Merci mon frère, tu sais vraiment toujours quoi dire...

Félix :
À ton service, British à la con.

Silas :
C'était sarcastique.

Félix :
Je t'aime aussi.

Je lève les yeux au ciel, exaspéré mais tout de même amusé. Mon meilleur ami apprécie me faire comprendre les choses en détournant ses propos. Son but a toujours été de me faire réfléchir plutôt que de me dire clairement où est le problème. C'est pour ça que je l'aime tant, il est mon garde-fou, mon phare en pleine nuit.

— Silas ! me hèle un vacancier. Tu peux nous apporter la carte des desserts ?

— Oui, tout de suite, réponds-je en quittant mon tabouret.

Durant la demi-heure qui suit, je vagabonde entre les tables, les débarrasse, les nettoie puis vient l'heure de fermeture. Je laisse mon collègue gérer la manœuvre, je ne suis pas qualifié pour ça. Il doit vider la caisse, compter la recette journalière avant de tirer les grilles du restaurant. Je quitte les lieux en saluant ceux encore présents puis me dirige vers mon bungalow. C'est avec déception que je constate que la porte est verrouillée, que toutes les lumières sont éteintes et qu'il n'y a aucune trace de Kasper. J'espérais l'avoir dans mes bras pour passer la nuit, mais visiblement c'est seul que je m'endormirai. Je me laisse tomber sur la banquette du salon, soupirant de frustration et de désespoir. Ma main glisse sur mon visage, tentant vainement d'effacer la fatigue de mes traits tirés. J'ai besoin d'une douche avant d'aller au lit.
Je me traine jusqu'à la chambre afin de récupérer des vêtements propres. La pièce est plongée dans l'obscurité mais une masse se dessine sur le matelas lorsque la lumière du couloir s'infiltre dans la chambre. Mon cœur s'emballe brusquement tandis qu'un sentiment de contentement m'étreint, annihilant subitement ma déception et ma morosité.
Je m'approche lentement du lit, sans faire de bruit pour ne pas réveiller mon bel endormi. Ma Douceur est blottie sous la couverture, la tête sur mon oreiller et ses cheveux blonds étalés en un nuage clair. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je m'assois sur le bord du matelas. Ma main se dirige vers son visage, je caresse doucement sa joue et éloigne les quelques mèches qui barrent son front. Il ne bouge pas, ne réagit pas et je m'émerveille devant tant de beauté. Ce qu'il est beau lorsqu'il dort paisiblement.
Je l'admire pendant plusieurs longues minutes avant de me décider à rejoindre la salle de bain. L'eau chaude détend mes muscles malmenés pendant mon service. Le front contre la paroi en verre de la cabine, je ferme les yeux et profite de cet instant de calme. La soirée a été longue, j'ai mal partout d'avoir déambulé pendant des heures au milieu de clients affamés.
Les cheveux humides et la peau encore moite, j'enfile un caleçon, un tee-shirt et rejoins la chambre. Je tente d'être le plus discret possible lorsque je me glisse sous la couverture mais Kasper gigote et ouvre un œil.

— Si... as, marmonne-t-il dans son semi-sommeil, tu... là...

Je souris, me rapproche de lui pour l'enrouler de mes bras.

— Oui, je suis là, Honey, soufflé-je en souriant. Viens par là.

Il se déplace, pose sa tête sur mon torse tandis que nos jambes s'enchevêtrent. Il porte un short, je le devine lorsque nos peaux se rencontrent. Sa main glisse sous mon tee-shirt pour venir se poser sur mon ventre. Des frissons s'étalent sur mon épiderme, ses cheveux chatouillent mon menton. Je me sens mieux, soulagé, enfin en paix. Ma Douceur est contre moi, je vais pouvoir dormir paisiblement.

— ... sens bon..., dit-il en remuant ses doigts sur mon ventre.

Mes bras le maintiennent contre moi, j'aime cette proximité, l'intimité du moment et la douceur de nos gestes. Ce n'est pas la première fois que nous dormons ensemble, pourtant j'ai l'impression que cette fois est différente des autres. Il m'attendait chez moi durant mon travail, ce simple fait change toute la donne, comme si notre relation prenait un tout autre tournant. C'était mon idée, de lui laisser mes clés mais au fond, je n'avais pas énormément d'espoir, j'étais certain qu'il n'oserait pas le faire, qu'il serait trop embarrassé pour pénétrer dans mon bungalow en mon absence.

— Je suis content que tu sois là, murmuré-je dans ses cheveux tout en caressant son dos. J'étais certain que tu ne viendrais pas.

— Tu t'es trompé, répond-il cette fois plus clairement. J'en avais envie aussi.

Il relève la tête, je distingue l'éclat de ses iris dans ce clair-obscur. Le menton posé sur ma poitrine, il me regarde en battant des cils. Le sommeil est présent sur son visage, le rend encore plus adorable qu'à l'accoutumée. Je me mords la lèvre, tentant de contenir la chaleur qui s'empare de moi.

— Oui, soufflé-je, je me suis trompé.

La commissure de ses lèvres s'étire légèrement tandis qu'il prend appuie sur mon torse pour se redresser. Son visage au-dessus du mien, il me scrute un instant avant de déposer sa bouche sur la mienne. Je ferme les yeux, passant ma paume sur l'arrière de sa tête, les doigts entre ses mèches. Son baiser est délicat, mais il n'y a aucune trace de timidité ou d'hésitation. Son corps se déplace afin de recouvrir le mien, les cuisses de chaque côté de mon bassin.

— Je t'aime..., murmure-t-il contre mes lèvres.

Mon cœur prend une nouvelle cadence, battant à un rythme endiablé. C'est l'effet qu'il a sur moi, il dérègle mon métabolisme, me fait devenir quelqu'un d'autre à tel point que j'en oublie qui je suis vraiment. Je deviens brume et eau quand il est contre moi, si bien que je ne ressens rien d'autre que lui.

— J'ai envie de toi.

Les mots m'ont échappé, je ne suis pas certain de lui avoir déjà dit avant. Enfin, pas ainsi, pas dans un moment comme celui-ci. Je lui ai répété un nombre incalculable de fois pour qu'il s'en persuade, pour qu'il prenne davantage confiance en lui, en moi, mais je crois que de cette façon, c'est la première fois. C'est une vérité qui ne peut être gardée sous silence plus longtemps.

— Je te désire, Kasper, répété-je encore. Tu fais battre mon cœur différemment et j'en viens à avoir du mal à respirer quand tu me regardes avec ces grands yeux-là.

Un silence s'installe, tandis qu'il m'observe d'une étrange manière. J'ignore ce qu'il se passe dans sa tête à cet instant mais j'espère ne pas l'avoir effrayé. Je ne veux pas le heurter mais c'est difficile pour moi de taire mes sentiments. Je l'ai trop fait, durant trop longtemps et du temps, nous n'en avons plus beaucoup.

— Silas..., souffle-t-il en fermant les paupières.

Il semble un peu décontenancé, pourtant je sais qu'il la ressent aussi, cette attraction qui nous éveille et nous attire inexorablement l'un à l'autre.

— C'est plus fort que moi, dis-je en effleurant sa joue. Pardonne-moi si mon aveu te met mal à l'aise ou s'il te met la pression. Ce n'est pas ce que je cherche, mais il faut que tu le saches, tu comprends ? Regarde-toi, Kasper, tu es... toi, et moi je suis faible quand tu es là.

Ses yeux s'ouvrent à nouveau, cette fois ils brillent, voilés par des larmes dont je ne saisis pas le sens. L'ai-je réellement effrayé ? Pourtant, il ne s'est ni crispé, ni éloigné.

— Je t'ai dit que j'en avais envie, soupire-t-il. Tu ne me contrains à rien, Silas. Je te l'ai avoué aussi, cet après-midi.

J'acquiesce en expirant, je le sais tout ça.

— Oui, mais le vouloir alors que nous sommes déjà en train de nous caresser et le désirer constamment sont deux choses différentes.

Il semble réfléchir un instant, ses iris brillent dans l'obscurité, son visage est noirci par l'ombre mais il ne perd rien de sa magnificence.

— J'ai vraiment envie de faire l'amour avec toi, Silas, déclare-t-il en un murmure. Je veux juste que ce soit le bon moment.

Je ferme les yeux, absorbant ses propos ainsi que la sensation que ces derniers font naître en moi. Je ne sais pas si c'est parce que nous sommes dans le noir que sa langue se délie ainsi mais j'apprécie qu'il soit sincère.

— Pourquoi tu parais si triste ? demande-t-il en s'approchant un peu.

Son souffle effleure ma peau, me fait frissonner.

— Parce que si je le voulais, je pourrais te persuader de désirer des choses que tu ne souhaites pas réellement. Je peux avoir ce pouvoir sur toi, lui avoué-je avec une pointe de culpabilité.

— Je sais, approuve-t-il, mais je sais aussi que tu ne le feras pas. J'ai confiance en toi, Silas. Je suis certain de ce que je veux, et c'est toi.

Mes paupières se rouvrent enfin et son regard croise le mien dans l'instant.

— Je ne le ferais pas, jamais. Mais dans la journée, quand tu m'as dit vouloir plus, tu semblais hésiter et je ne veux pas que tu le veuilles uniquement parce que tu sais que c'est ce que je désire.

— Non, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas que j'hésite, c'est simplement que j'ai peur de ne pas être à la hauteur de tes espérances. Je ne suis pas le plus doué, en fait, je ne sais rien faire et toi, tu es expérimenté, tu es sûr de toi.

— Ça n'a pas d'importance, lui assuré-je en caressant sa joue. Tu surpasses mes espérances dans tout ce que tu entreprends. Je me moque que tu sois un peu maladroit ou légèrement hésitant, nous apprenons ensemble. C'est réel entre nous, Kas, c'est beau parce que c'est sincère. Ça n'a pas besoin d'être parfait.

Il hoche la tête tout en mordillant sa lèvre. Mon pouce passe sur sa bouche pour lui intimer de cesser. Je crois qu'il me rend trop sensible. Il ne le voit pas, sous son regard, je suis une personne qui transpire la confiance en soi mais lorsqu'il s'agit de lui, je deviens hésitant et un peu timoré. Je fais tout pour qu'il ne s'en aperçoive pas afin qu'il garde ses craintes camisolées, mais nous sommes pareils finalement. Mon expérience n'est pas utile en sa présence parce que j'apprends de la même façon que lui. J'apprends à être plus doux et plus patient, me contiens pour ne pas l'angoisser mais au fond, s'il savait. Je suis tout autant terrifié par lui qu'il l'est par ce qu'il désire faire.

— Pourquoi est-ce toujours en pleine nuit que les conversations les plus sérieuses viennent à naître ? demande-t-il en posant sa tête sur mon torse.

— Je crois que c'est l'intimité de l'obscurité qui nous fait aborder les sujets délicats.

Un silence apparaît, tandis que mes doigts glissent lentement dans son dos. Il n'a pas bougé, me recouvre entièrement et je sens la chaleur de ses jambes nues contre les miennes. Son short est relevé sur le haut de ses cuisses, je le sens frotter contre moi quand il gigote afin de trouver une position plus confortable.

— Je me sens bien avec toi, Silas, murmure-t-il au bout d'un moment. Je me sens calme et détendu. Tu es la personne qui me mets le plus à l'aise et pourtant, au début, tu me faisais atrocement peur.

Ses mots me touchent, probablement plus que ce qu'ils ne devraient.

— En réalité, continue-t-il, ce n'est pas de toi dont j'avais peur mais de ce que tu me faisais ressentir.

— Et maintenant ? demandé-je à voix basse.

— Maintenant... je ne veux plus rien ressentir d'autre que l'amour que j'éprouve pour toi.

Il se redresse un peu, pose un baiser sur ma joue alors que mon cœur pulse plus puissamment. C'est instantané, mon corps réagit à chacune de ses attentions.

— Nous devrions dormir, chuchoté-je, il se fait tard.

— J'aimerais faire quelque chose avant, dit-il sur le même ton.

Je tourne la tête pour intercepter son regard. Dans l'ombre, je ne vois pas grand-chose mais l'éclat de ses prunelles est perceptible lorsque les reflets de la lune passent la barrière des volets.

— Dis-moi...

Il ne répond pas, mais son corps se déplace. Il se laisse tomber contre le matelas, passe une jambe pas dessus les miennes alors que sa paume se pose sur mon ventre. Son souffle ricoche contre ma joue tandis qu'il laisse lentement glisser sa main vers le bas. Mes dents s'enfoncent dans ma langue lorsque ses doigts s'immiscent sous l'élastique de mon caleçon. Mon souffle se coupe et ma peau s'embrase quand il referme les doigts autour de mon plaisir qui pulse dans sa main.

— Kas... per..., m'étranglé-je face à la surprise. Tu n'es pas obligé de...

— ... j'en ai envie, me coupe-t-il d'une voix douce et empreinte de détermination.

Je crois que je me perds à cet instant, mon esprit n'est pas suffisamment fort pour lutter. La chaleur de sa paume me rend fébrile, il a bien trop d'emprise sur mon corps et mes désirs.

— Est-ce que je peux le faire ? me demande-t-il en venant poser ses lèvres sur ma joue. Tu en as envie aussi ?

— Ne le vois-tu pas ? soupiré-je en fermant les yeux.

— Je crois que si.

Sa main exerce une plus forte pression, m'arrachant un gémissement guttural. Mes doigts s'agrippent presque douloureusement aux draps tandis que Kasper me guide d'une façon exquise jusqu'à la jouissance.

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