Chapitre 60 :

8 minutes de lecture

20 août 2021.

Silas :

Le regard rivé sur le visage de Kasper, je l'admire avec soulagement, amour et tendresse. Ses joues sont joliment rosies tandis que ses beaux yeux bleus sont embués et font en sorte de ne pas croiser les miens. Les mains sur la table qui nous sépare, il joue nerveusement avec ses doigts.
Le silence est lourd, et maintenant que l'ardeur de nos retrouvailles s'est atténuée, il me paraît un peu perdu. Je le suis aussi.
Ces quelques jours sans le voir ont été longs, si deux se sont écoulés, les secondes m'ont paru durer des heures. Le savoir si près de moi et pourtant inaccessible a été compliqué. J'ai tout fait pour maintenir l'écart qu'il souhaitait entre nous, pour le laisser réfléchir et tenter d'oublier l'instant qui a fait resurgir toutes ses craintes. J'ai bien conscience qu'en un laps de temps si court, il n'a pas pu effacer l'image d'autres lèvres contre les miennes mais il est face à moi désormais et c'est lui qui est venu à ma rencontre.

Installé sur la banquette de mon bungalow, je me penche afin de refermer mes paumes autour de ses poignets. Sa peau est glacée et frissonne sous mon toucher. Je fronce les sourcils, surpris qu'il ait encore si froid après notre étreinte et avec une température extérieure si élevée.

— Est-ce que tu vas bien, Kas ? demandé-je en laissant mes mains glisser sur les siennes.

Ses dents s'enfoncent dans sa lèvre alors qu'il relève vers moi un visage devenu blême. J'incline la tête, le détaille avec intérêt afin de comprendre ce qui le rend si mal tandis que mes doigts frictionnent les siens pour les réchauffer.
Il tente de s'éloigner, s'enfonçant contre le dossier du fauteuil sur lequel il est assis mais je l'en empêche en exerçant une pression légèrement plus ferme. Je ne veux pas qu'il me fuit à nouveau. J'aimerais simplement qu'il me parle afin que je puisse comprendre cette triste lueur dans son regard clair, sans pour autant lui imposer ma présence.

— Que se passe-t-il ? insisté-je en un murmure.

Il sursaute, bat plusieurs fois des cils avant de se concentrer sur moi, comme s'il s'était égaré dans un recoin de sa tête à force de trop ruminer.

— Silas... je, je...

J'ignore ce qu'il se produit en lui lorsque nos regards se croisent, pourtant un spasme le secoue avant que de nombreuses larmes parsèment ses joues jusqu'à mourir sur l'épais tissu de son jogging.
Les yeux ronds, je le fixe sans réagir pendant quelques secondes, puis me lève et contourne l'obstacle qui fait barrage entre nous. Les fesses sur la table, j'enveloppe son visage afin de faire disparaître les gouttes salée sous mes pouces.

— Tu es gelé, viens par-là.

Il renifle bruyamment avant de faire passer une jambe de chaque côté de mes cuisses. Il s'installe contre moi, nichant sa tête dans le creux de mon cou alors que ses bras s'enroulent autour de moi. Le bois de la table craque brusquement, m'encourageant à la quitter avant qu'elle ne cède sous nos corps compressés.
Un couinement résonne à mes oreilles quand je me redresse pour reprendre place dans le canapé.
Fermement collé à moi, Kasper laisse tout son poids se relâcher alors que mes mains voyagent le long de sa colonne vertébrale.

— Dis-moi ce qui te chagrine, soufflé-je en effleurant sa mâchoire. Tu peux tout me dire, Kasper.

Le visage toujours caché, il inspire profondément avant d'expirer son air chaud contre mon cou.

— C'est juste que... que je ne veux pas te perdre, mais j'ai... peur de ne pas...

Il se tait quand un sanglot le fait trembler. Les doigts sous son sweat, j'effleure son dos en laissant parfois glisser mes ongles sur sa peau.
Doucement, je le fais se redresser en relevant l'épaule. Son regard se pose sur moi, accélère les battements de mon cœur en peine face à tant de tristesse.

— De quoi as-tu peur ? l'encouragé-je en approchant mon visage du sien.

Son souffle chatouille ma peau. L'envie de l'embrasser pour effacer l'humidité de ses larmes me fait de l'œil. J'admire sa bouche gonflée et rose pendant une fraction de seconde, refoulant mon désir. Ce n'est pas le moment, il a besoin d'être rassuré et les gestes doux et intimes ne suffisent pas toujours pour annihiler les doutes et les craintes.

— J'ai peur de ne pas te... suffire, que tu aimes quelqu'un d'autre et que...

Le cœur serré, je le fais taire en soufflant doucement sur son visage. Je refuse d'entendre de telles absurdités. C'est douloureux de le voir si perdu. Ça me rempli de rage de constater que tout cela est de la faute de Mathias et de ses idées complètement insensées et déplacées. Je sais que Kasper est effrayé, il l'est depuis le début. C'est sa première relation et on ne peut qu'admettre qu'elle n'est pas des plus faciles, mais j'étais pourtant parvenu à faire taire ses doutes. Ce type dont je ne me souviens toujours pas du prénom a ravivé ses craintes en une malheureuse petite seconde.

— Aucun de nous deux ne peut le savoir, et je refuse que tu penses ne pas me suffire. Un seul de tes sourires suffit à faire battre mon cœur, murmuré-je contre ses lèvres. La seule chose que je peux affirmer avec certitude c'est que je suis amoureux de toi, Kasper. C'est tout ce qui compte pour moi, tu es tout ce qui compte.

— Je ne suis pas sûr de supporter le fait que tu... désires... une autre personne, bredouille-t-il en fermant les yeux.

— Le désir et l'amour sont deux choses bien différentes, mais tu sais quoi ? demandé-je en l'enlaçant.

Il secoue doucement la tête, les iris encore prisonniers de ses paupières closes.

— Les deux te sont exclusivement destinés.

Enfin, il me laisse l'opportunité d'admirer son regard bleu et embué. Il mordille sa lèvre en me scrutant avec intérêt, puis laisse doucement son front retomber contre ma bouche.

— Je ne sais pas quoi faire.

— À quel sujet ?

— J'ignore comment faire pour effacer l'appréhension de notre départ, soupire-t-il avec une pointe de douleur dans la voix.

— Je crois que tu ne peux pas. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous dire au revoir, mon Kas, et l'appréhension est normale. Je la ressens aussi, mais ça ne veut pas dire que nous nous aimerons moins.

— Je sais, dit-il en m'affrontant enfin, je ne pense pas pouvoir t'aimer moins fort de toute façon.

Un sourire tendre étire mes lèvres. Je m'autorise un instant de silence pour l'admirer, dessinant chaque trait de son visage dans mon esprit.

— J'ai déjà eu des relations plus ou moins longues avant de te rencontrer, avoué-je en jouant avec les cheveux qui barrent son front. J'ai déjà éprouvé des sentiments pour d'autres personnes, pas beaucoup, deux, en fait.

Ses sourcils se froncent alors qu'il me scrute sans comprendre le but de cet aveu. Je souris davantage lorsque je remarque le voile brumeux qui apparaît dans son regard.

— Pourtant, reprends-je un décibel plus bas, c'est uniquement lorsque je te regarde que je comprends que mes sentiments étaient insignifiants face à la grandeur de l'amour que j'éprouve pour toi.

Ses lèvres s'arrondissent en un cercle parfait. Je pourrais presque imaginer sa voix soupirer un long " oh " qui s'échouerait contre mon visage. Pourtant, il reste muet, à me regarder avec des yeux désormais brillants de satisfaction.

— Est-ce que tu le penses sincèrement ? s'enquiert-il après un long moment.

— J'ai toujours été sincère avec toi, Kas, et je le serai dans n'importe quelle situation. Je t'aime, c'est là, murmuré-je en pointant mon cœur de l'index, c'est fort, intense et ça me donne chaud. Là où d'autres diront que ce genre de propos sont de jolies paroles, moi, je t'assure que c'est tout ce qui m'importe. Je sais de quoi j'ai l'air lorsqu'on me regarde. J'ai l'allure d'un type qui aime batifoler et qui en joue. Ne me regarde pas comme ça, Honey, je sais que tu l'as pensé au moins une fois depuis qu'on se connait. Pourtant, je me moque de tous ces campeurs qui déambulent partout et tout le temps, de ces gens que je croiserai quand je retournerai à l'université, ou de ceux qui pensent avoir une chance avec moi, tout simplement parce que c'est toi que mon cœur a choisi. Je pourrais te dire pourquoi, te détailler les raisons qui m'ont fait tomber amoureux de toi, mais ça n'a pas d'importance. Tu n'as pas besoin de le savoir, seulement de le sentir dès que je m'approche de toi. Est-ce que tu le ressens ?

Ma voix s'est éteinte contre ses lèvres sur cette dernière phrase. Compressé l'un à l'autre, Kasper laisse glisser ses doigts entre mes mèches brunes après avoir longé ma nuque.

— Oui, chuchote-t-il. Et toi ?

Je souris contre ses lèvres. Bien sûr que je ressens son amour. Il m'électrise, me donne envie de l'enlacer et de ne plus jamais le quitter.

— Si la bouche peut mentir, un regard ne peut pas tromper, mon Cœur. Je la vois, cette lumière dans tes yeux quand tu croises les miens. Je sais ce qu'elle signifie et je sais aussi qu'elle est triste parfois, mais elle est là, elle ne te quitte jamais.

Un peu surpris, il me fixe pendant un instant avant de sourire et acquiescer. Ses bras se referment autour de ma nuque alors que mes mains enserrent sa taille. Il s'approche davantage, caresse doucement ses lèvres contre le miennes avant de m'offrir un doux baiser.

— Je suis désolé de t'avoir ignoré, me dit-il en posant sa tête contre mon épaule.

— Je t'ai déjà dit de ne pas t'excuser. Tu avais besoin d'un peu de temps, c'est normal et même si ça m'a rendu triste, je t'en laisserai à chaque fois que tu me le demanderas.

— Merci...

— As-tu vraiment cru que je me moquais de toi ? demandé-je finalement.

Cette question me taraude l'esprit depuis que j'ai croisé son regard anéanti il y a deux jours.

— Sur l'instant, je crois que oui. J'ai eu si mal que je n'arrivais plus à penser à autre chose qu'à ce baiser qui n'était pas pour moi. Après, j'ai compris que tu disais la vérité, que Kate aussi ne me mentait pas, mais l'image flotte encore dans ma tête et je ne l'aime pas.

— Tu ne pourras pas l'oublier maintenant, peut-être que tu ne pourras tout simplement pas le faire. Si tu sais qu'elle ne signifie rien alors tu pourras juste en guérir.

— Oui, je le sais. J'ai réagi trop brusquement mais si tu savais comme ça m'a blessé, souffle-t-il d'un ton qui m'enserre le cœur.

— Je peux l'imaginer, j'ai eu mal aussi en te voyant t'éloigner de moi.

— Nous sommes donc sur un même pied d'égalité, murmure-t-il en entremêlant nos doigts.

Je ne suis pas certain de ça, mais je ne dis rien. La douleur qu'il a ressenti en surprenant une autre personne m'embrasser a sûrement été pire que la mienne. Je pense que si la situation avait été inversée, mon cœur se serait fissuré.

— Le plus important c'est que nous sommes forts et que nous sommes capables de surmonter ça. La communication est primordiale dans ce genre de situation. On ne doit jamais cesser de parler pour ne pas s'égarer et se faire souffrir inutilement.

Il relève son visage afin de capturer mon regard. Ses joues sont sèches désormais et il a repris des couleurs.

— Promis, souffle-t-il en scellant cet accord d'un léger baiser sur mes lèvres.

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