Chapitre 61 :

12 minutes de lecture

22 août 2021, début de matinée.

Kasper :

Étendu sur l'herbe, je respire paisiblement. Un sourire sur les lèvres, je profite des rayons du soleil qui réchauffent ma peau. Une lueur orangée apparaît sous mes paupières closes tandis que le léger courant d'air fait virevolter les cheveux qui retombent sur mon visage.
Je me sens calme ce matin, probablement parce que j'ai passé la soirée de la veille dans les bras réconfortants de Silas, à regarder mes amis rire et danser autour d'un brasier incandescent. J'aurais pu me joindre à eux, mais j'ai délaissé l'idée lorsque le corps chaud de mon petit-ami s'est pressé contre mon dos pour ne plus me quitter mis à part pour remplir nos verres vides.

Je me suis levé tôt ce matin, à tel point que la maisonnée entière était encore au lit. J'ai profité de ce temps pour me retrouver un peu seul afin de pouvoir penser calmement.
Il reste une semaine avant que nous plions bagages jusqu'à l'année prochaine et bien que je sais que Silas fera tout pour que nous puissions nous voir de temps en temps, les heures qui défilent me donnent mal au ventre. J'ai créé un univers complet autour de celui qui m'a permis d'aimer, pour de vrai, puissamment et sûrement rageusement, à tel point que je suis effrayé à l'idée de reprendre le court de ma vie là où elle s'est arrêtée au début de la saison estivale.

Parviendrais-je à respirer quand des centaines de kilomètres me sépareront de Silas ?
Arriverais-je à trouver le sommeil sans avoir profité de sa chaleur, de son odeur ?
Réussirais-je à ne plus me perdre dans des romans fantastiques pour me dissimuler du monde entier ?

Ce sont les questions qui se bousculent dans ma tête, inlassablement. Elles, et puis bien d'autres encore. Mon cœur se serre à chaque fois qu'elles passent et repassent, pourtant, mon sourire ne s'efface pas parce que j'ai envie d'y croire. J'ai envie de mettre mes craintes de côtés pour ne pas m'égarer dans ma douleur.

Et si demain il ne veut plus de moi ?
Et si demain il trouve le bonheur entre les bras d'une autre personne ?
Et si...

Je serre davantage les paupières, me maudissant de m'aventurer dans des contrées si obscures et dérangeantes.
J'ai confiance en lui, en son amour et la lueur qui brille dans ses yeux quand il les pose sur moi. C'est lui qui a raison, un regard ne peut pas mentir et le sien est constamment baigné d'amour et de tendresse. Il est mon Croissant de Lune, celui qui éclaire mes nuits, le même qui orne parfaitement mon bracelet et qui enjolive mon poignet.
J'avoue être gêné avec les surnoms affectifs, j'apprécie qu'il m'appelle avec des petits mots tendres mais j'ai peur d'être ridicule si j'agis de la même façon. Je ne suis pas si audacieux que lui, pas si sûr de moi, pourtant même si je ne le glorifie pas de ce genre de choses, il est tout de même mon fragment d'astre que je chéris avec énormément de sentiments.

Je fronce les sourcils dès que l'ombre réapparaît sous mes paupières. La douce lumière orangée n'est plus que noirceur et je me demande si la météo s'est dégradée depuis plus de deux heures que je me cache ici.
J'ouvre un œil pour apercevoir le ciel mais c'est le visage aux traits tirés – presque entièrement dissimulé derrière des grosses lunettes noires – de Vinny qui se dessine au-dessus de ma tête.

— C'est donc ici que tu te planques ? marmonne-t-il d'une voix pâteuse.

— Seigneur, tu as une sale mine, détourné-je en le regardant se laisser tomber sur le sol.

Ses lèvres se pincent alors qu'il se masse les tempes en grognant bruyamment.

— Je te cherche depuis une éternité.

— Tu es réveillé depuis combien de temps ?

— Dix minutes.

— Une éternité, répété-je en retenant mon éclat de rire, je vois ça.

Ses doigts passent sous ses énormes carreaux fumés, il se frottent les yeux avec tellement de vigueur qu'il doit sûrement se faire mal.

— Dans le plus grand des hasards, tu n'as pas un peu exagéré sur la boisson pendant le feu de camp ?

— Comment tu sais ? bougonne-t-il en replaçant convenablement ses lunettes. Je suis en pleine forme.

— Je ne sais pas, c'est peut-être tes yeux si gonflés qu'on dirait que tu t'es fait attaquer par un essaim d'abeilles, me moqué-je. Ou alors c'est ta voix sortie d'outre-tombe qui m'a mis la puce à l'oreille.

Ahahah, tu es si drôle, Kas-noisettes.

— Non mais sérieusement, tu as bu combien de litres pour avoir cette tête ?

— Figure-toi que ce n'est pas l'alcool qui m'a empêché de dormir mais plutôt ces deux gros crétins qui nous servent de meilleurs potes, dans la chambre d'à coté.

Les sourcils froncés, je fixe son profil dans l'attente qu'il me donne plus de détails. Je n'ai pas compris où il veut en venir.

— Est-ce qu'ils se sont disputés ? Ce ne serait pas étonnant, ils se chamaillent constamment.

Un ricanement rauque s'élève puis Vincent tourne la tête dans ma direction. Je ne distingue pas ses yeux sous les carreaux sombres mais j'aperçois sans mal la moue mi-amusée mi-agacée qui déforme sa bouche.

— Ah non, je te garantis que Jess et Yellow ne se sont pas disputés, articule-t-il en tentant de cacher son amusement.

— Qu'est-ce qui t'a empêché de dor...

Je me tais subitement, comprenant enfin ce qu'il tente de m'expliquer. Les yeux ronds, je sens la chaleur investir mes joues alors que j'ouvre la bouche puis la referme sans vraiment savoir quoi dire.
Vincent éclate de rire, tout en grimaçant de douleur par moments.
Ok... Jessica et Jonathan ont visiblement été bruyants la nuit dernière, mais je suis quand même certain que Vinny a trop bu et qu'il se coltine désormais une migraine incroyable.

— Ta tête... Kas... tor, ta tête est... hilarante, s'exclame-t-il entre deux éclats de rire.

— Arrête, bougonné-je en me renfrognant. Tu n'étais pas dans l'obligation de me détailler ce à quoi nos amis se sont adonnés cette nuit.

— Je n'ai rien détaillé, je n'étais pas là pour voir, mais par contre j'ai bien entendu.

— Bon sang, Vincent ! m'offusqué-je. Ferme-la.

— Je te jure, continue-t-il, j'étais à ça de venir dormir avec toi et puis je me suis dit que ton mec n'allait pas apprécier alors, j'ai subi en refoulant mon envie de les cogner et de me branler.

Un hoquet de surprise me secoue et m'incite à me redresser. Les paumes sur le visage, je cache tant bien que mal les rougeurs et la gêne qui me submergent.

— T'es intenable et en plus t'es dégoûtant, marmonné-je contre mes mains.

— Quoi ? rit mon meilleur ami. J'ai rien compris, découvre ton visage et répète, s'il te plaît.

Je grogne de mécontentement, avec l'envie de lui hurler dessus. Il m'épuise déjà, et pourtant, la journée commence à peine.

— C'est parce que t'es encore puceau que tu réagis comme ça. Crois-moi, quand Silas passera à l'action et que tu découvriras enfin le réel plaisir, tu seras bien moins coincé. D'ailleurs, ça me fait penser, c'est pour quand ? demande-t-il avec un amusement certain dans la voix.

Mes dents s'enfoncent brusquement dans ma lèvre inférieure, si fort que je risque de me faire saigner.
Vincent est un idiot, et j'aimerais l'enterrer en deux coups de pelle pour ne plus entendre ses bêtises.
J'écarte légèrement les doigts qui cachent mes yeux afin de trouver quelque chose à lui envoyer au visage. J'attrape un caillou et me tourne vers lui deux secondes à peine. C'est le temps qu'il me faut pour lui jeter ma trouvaille en plein front.

Aïe ! s'exclame-t-il en riant encore. Je te taquine, mon Kassoulet, pas de panique. Mais sérieux, ça fait super mal, pense à moi et mon mal de crâne.

— Tais-toi, râlé-je, tu n'as qu'à pas aller si loin et bois moins la prochaine fois !

Vincent rit de plus belle tandis que mon visage est toujours aussi brûlant.

— C'est de bonne guerre, finit-il par acquiescer.

— Je me disais bien que ça ne pouvait qu'être Vinny qui ricane aussi fort, s'élève une voix que je reconnais instantanément.

Je plisse les paupières, mort de honte et de gêne à l'idée qu'il me voit dans cet état. Ma peau est si brûlante que je dois avoir le visage aussi rouge que si j'avais pris un énorme coup de soleil.

— C'est si facile de mettre ton mec dans tous ses états, s'amuse Vincent.

Je suis dos à Silas, je vois son ombre se dessiner quand il fait quelques pas vers moi et l'instant suivant, il est accroupi à mes côtés.
Ses doigts glissent sur les miens qui n'ont pas quittés mon visage. Je me sens bête, complètement idiot.

— Pourquoi tu te caches ? murmure-t-il contre mon oreille. Tu n'es pas content de me voir, Honey ?

Je grogne encore, un son étouffé qui ressemble à une plainte d'agonie. Les lèvres de Silas se posent doucement sur ma joue alors qu'il enserre mes mains pour les retirer. Je force quelques secondes, ne voulant pas affronter son air rieur mais lâche prise quand son nez retrace ma mâchoire.
Il m'observe pendant un instant, la tête penchée et les lèvres pincées, jusqu'à ce qu'il se mette à rire en m'attirant contre lui. Mon poids le fait basculer et il se retrouve rapidement les fesses dans l'herbe. Je niche mon visage dans son cou tandis qu'il me prend dans ses bras.

— Qu'as-tu fait encore ? s'enquiert Silas à l'intention de Vincent.

— Rien du tout, dit-il innocemment. Je lui ai juste demandé quand sera le moment où vous passerez le coup d'accélérateur.

Je me contracte contre le torse de Silas, les doigts crispés autour de son tee-shirt. Un silence s'installe et plane un moment alors que mon petit-ami fait aller et venir ses mains dans mon dos. J'imagine sa mine interrogative, ses sourcils légèrement froncés et sa lèvre coincée entre ses dents. Je suis sûr qu'il arbore ce visage mais n'ose pas pour autant le vérifier, toujours caché et respirant l'odeur apaisante de Silas.

— Tu n'es qu'un idiot, déclare-t-il après plusieurs minutes. Et qui te dit que ce n'est pas déjà fait ?

J'entends l'amusement et la provocation dans sa voix. Il se régale de sa repartie tandis que Vincent lâche un énorme cri de stupeur et que moi, je secoue brièvement la tête, désespéré.

— Comment ça ? s'égosille mon ami. C'est une blague, c'est ça ? Pourquoi je ne suis pas au courant moi ?

Silas éclate de rire, me faisant frissonner à chaque fois que sa poitrine se secoue.

— En effet, c'est une blague, imbécile. Occupe-toi de tes fesses avant de t'occuper de celles des autres.

— Ouais, et je suis sûr que tu t'occuperas très bien de celles de Kas.

L'embarras refait surface, mais me pousse enfin à agir. Je veux que ce moment étrange et gênant prenne fin. Je me lève précipitamment, m'approche de Vincent d'un pas rapide et lui assène une claque sur le bras et une autre, encore une et ça ne s'arrête plus tandis qu'il rit à gorge déployée tout en essayant de se débattre.

— Va-t-en, crétin ! Retourne te coucher, t'as besoin de sommeil ! pesté-je en continuant de le frapper.

— J'adore quand tu sors les griffes, mon Kassoulet. Vraiment, ne te retiens pas !

Un soupir de découragement m'échappe et je lui assène un dernier coup avant de me laisser retomber contre l'herbe. Vincent, toujours hilare, essuie une larme qui s'est glissée sous ses lunettes. Sa main se presse contre ses côtes alors qu'il ne respire presque plus, étouffé par ses éclats de rire. Je le regarde se calmer, avec détresse et agacement, puis enfin, il se lève et nous offre une révérence théâtrale.

— J'ai compris, ma présence vous importune alors je me sauve. Mais sachez tout de même que je ne lâcherai pas l'affaire. Je veux savoir quand vous aurez bai... fait l'amour avec délicatesse, se rattrape-t-il en s'éloignant déjà.

Je le fixe partir, les joues toujours écarlates et le cœur battant bien trop vivement.
Silas se laisse glisser jusqu'à moi, enroule ses bras et ses jambes autour de mon corps. Je laisse ma tête retomber lourdement sur son épaule en soupirant.

— Ne te retiens pas, je sais que tu as envie de te moquer, marmonné-je en fermant les yeux.

— Il est incorrigible.

— Et je le maudis pour ça. Sérieusement, à quoi ça lui servira de savoir que toi et moi avons... avons fait... euh...

Je me tais, mordillant ma lèvre pour ravaler mes paroles. Silas dépose ses lèvres sur ma joue, je sens son sourire s'étirer sur ma peau alors qu'il me sert davantage dans ses bras.

— Félix n'est pas très différent, tu sais. Je crois que tous les meilleurs amis se comportent ainsi.

— Toi aussi ? demandé-je en tournant légèrement la tête pour croiser son regard.

Il semble réfléchir un instant puis secoue la tête.

— Non.

— Et moi non plus, alors tu vois, pas tous. Ils sont juste obsédés.

Silas pouffe de rire avant de faire glisser sa bouche vers mon cou. Ses baisers sont humides et chauds. Mon corps se réveille à l'instant où il laisse dépasser le bout de sa langue contre ma gorge.
Je soupire, enserrant son poignet pour ne pas vaciller, comme si c'était possible que je chute alors que mes fesses touchent déjà le sol.

— On les aime sûrement pour leur façon de toujours s'immiscer dans nos vies, murmure-t-il en remontant vers mon oreille.

— Hum... peut-être, ça prouve... qu'ils en font... partie, réponds-je en tentant de ne pas me perdre au milieu de ses doux assauts.

Ses doigts glissent sur mon ventre, froissent le tissu de mon haut tandis que ses lèvres sont maintenant contre ma tempe.

— S'il y a bien une chose que j'apprécie chez ton ami, souffle-t-il contre ma peau, c'est qu'il te fait agir de façon tout à fait improbable. J'ai adoré te voir te rebeller de cette façon.

— Arrête de dire des bêtises, couiné-je avant de me mordre la langue.

Son nez effleure ma peau quelques instants et sans crier gare, il enserre mes hanches afin que je pivote dans sa direction. Mon torse s'écrase contre le sien, alors que mes yeux s'arrondissent.
Silas m'admire. Oui, c'est exactement ce qu'il fait. Ses yeux verts me regardent avec affection, dévotion et une pointe de fascination.

— Ce ne sont pas des bêtises, susurre-t-il contre mes lèvres. J'ai eu envie de toi à l'instant où je suis arrivé et que je t'ai vu avec tes joues toutes rouges, et plus encore quand tu as pris Vinny pour cible.

— Silas..., articulé-je difficilement, arrête...

— Non, me contredit-il. Il nous reste une semaine, mon Cœur, et j'ai bien l'intention de profiter de ta présence, si évidemment tu le désires aussi.

Mon palpitant s'enrage dans ma poitrine, je sais ce qu'il sous-entend et j'en ai irrésistiblement envie moi aussi.
J'y pense de plus en plus, à tel point que parfois cela m'empêche de dormir. J'ignore d'où me vient ce désir qui grandit en moi un peu plus à chaque instant, mais Silas et ses grands yeux verts me rendent fébrile, plus encore que lorsqu'on s'est rencontré.

— Alors fais-le, m'entends-je répondre en un souffle.

Ses pupilles se dilatent instantanément, recouvrant une bonne partie de ses iris émeraudes que j'adore. D'un léger mouvement de tête, il dégage les quelques mèches brunes qui s'éparpillent sur son front puis il avise sa montre en pinçant sa lèvre entre ses dents.
Je l'observe avec admiration, il est d'une beauté rayonnante. Mes joues s'enflamment à cette simple pensée, ce ne sont pas des choses qui me ressemblent mais Silas est réellement aussi beau que les rayons laiteux de la Lune lorsqu'elle nous glorifie de sa présence pour éclairer nos obscurs chemins.
Notre conversation d'il y a deux jours a eu le pouvoir d'éloigner certaines de mes craintes et raviver ce désir que je ne ressens qu'avec lui. Malgré mon inexpérience et mon côté timoré, je sais ce que je veux.
Lui.
Lui tout entier.
Je veux qu'il me prouve encore, dans ses gestes doux et délicats, combien il m'aime, même si comme il l'a dit, un regard ne trompe pas.

— Je te serai entièrement dévoué dans huit heures, ma Douceur, souffle-t-il contre mes lèvres.

J'acquiesce, la bouche devenue sèche. Ses yeux m'hypnotisent et son odeur fait chavirer mon cœur. Un baiser aussi léger qu'une plume se pose sur mes lèvres et l'envie d'obliger Marco à lui laisser une journée de repos me brûle le bas du ventre.

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