Chapitre 64 :

10 minutes de lecture

26 août 2021, après-midi.

Kasper :

La tête contre la fenêtre, j'observe le déluge qui s'abat sur le camping. Le ciel est si sombre que l'on pourrait presque se croire en fin d'après-midi, un jour d'automne. Le vent souffle si puissamment que Marco a ouvert la salle du restaurant afin de mettre à l'abris les campeurs qui séjournent sous une tente, puis, il a conseillé aux autres de ne pas quitter les bungalows.
Cela fait près de deux heures que je patiente, désespéré, que la pluie se calme et que le ciel s'éclaircisse.

— Nous en avons pour la journée, m'apprend mon oncle en tapotant son stylo contre le bois de son bureau, et peut-être même la nuit. La météo est capricieuse ces derniers jours.

Un soupir de frustration m'échappe lorsque je me tourne vers lui. Les yeux rivés sur un tas de paperasse, il semble réfléchir tout en griffonnant je ne sais quoi sur un bon de commande.

— Ne dis pas ça, bougonné-je, le feu de camp sera gâché par les intempéries et ensuite, nous partirons sans avoir pu profiter de ce dernier week-end.

— Ne sois pas si pessimiste, Kas. Tu es bien le fils de ta mère.

Je lève les yeux aux ciel, partagé entre l'envie de sourire parce qu'il dit vrai, je suis aussi défaitiste que Madison Price. Ou alors pleurer de détresse car ces derniers moments en présence de Silas ne seront sûrement pas ceux que je désirais.

— Nous sommes jeudi, dit-il en se laissant tomber contre le dossier de son fauteuil. D'ici samedi, il y aura probablement du changement.

— Et s'il n'y en a pas ?

— Au jour le jour. Arrête de faire cette tête, tu fronces tellement les sourcils que ton nez est plissé.

Je bougonne des propos inintelligibles, tout en faisant défiler les notifications sur l'écran de mon téléphone. J'ai un tas de messages de mes amis, en attente sur notre groupe WhatsApp. J'ai cessé de répondre lorsqu'ils ont recommencé à me poser des questions sur ce qu'il s'est passé entre Silas et moi. J'ignore comment ils ont fait pour comprendre, pour repérer ce changement en moi qui me paraissait pourtant invisible aux yeux des autres. Ont-ils un radar, une sorte de détecteur de relation sexuelle ? Cela ne m'étonnerait pas, Vincent a été le premier à comprendre ce qu'il se tramait entre Jess et Jonathan.

Alors que je reprends la contemplation des gouttes de pluie, mon esprit se focalise sur ce moment gênant qui a suivi celui qui restera éternellement mon plus beau souvenir d'été.

C'est en traînant les pieds que je quitte la chambre de Silas. Il n'est probablement pas là, mais mon cœur souhaiterait l'apercevoir dans le salon alors que je viens à peine de me réveiller.
La déception me fait soupirer, il travaille et je suis seul chez lui. Je me souviens vaguement de ses caresses dans mes cheveux, de ses baisers sur ma peau pour me sortir du sommeil afin de me prévenir qu'il était l'heure pour lui de prendre son poste. Je l'ai enlacé avec mollesse alors qu'il m'embrassait tendrement, puis j'ai plongé dans les bras de Morphée l'instant suivant.

Je relis les quelques phrases qui me sont adressées sur un post-it bleu laissé sur la table de la cuisine, tout en avalant un beignet à la pomme.

" Je t'ai apporté le petit-déjeuner, il est dans la boite en carton près de la cafetière.
Bon appétit. À tout à l'heure, mon Cœur, je termine à 17h00.
Je t'aime. "

Après avoir avalé la dernière pâtisserie, je fourre le mot de Silas dans ma poche et quitte le bungalow pour rejoindre mes amis. Ils m'ont téléphoné tant de fois que mon portable est surchargé d'appels en absence.

— Bon sang, Kascouilles ! Ça fait une éternité que l'on te cherche ! On est allé chez toi, au bureau de Marco et on commençait à se demander si Silas ne t'avait pas assassiné !

Debout, les poings sur les hanches, Vincent m'observe enjamber les mètres qui nous distance tandis que Jo et Jess pouffent de rire.
Je roule des yeux, un demi sourire au coin des lèvres.

— Tu dis des bêtises, Vinny.

Son regard sur moi devient de plus en plus insistant à mesure que j'approche. Ses bras retombent le long de son corps alors que sa bouche s'ouvre de stupéfaction. Les sourcils froncés, je l'interroge en silence lorsque je m'immobilise face à lui. Ses mains agrippent mes épaules pour me secouer vigoureusement, m'examinant sous tous les angles.

— Je suis à peine réveillé, bougonné-je, arrête ça. Bon sang, mais qu'est-ce qu'il se passe ?

— J'y crois pas, murmure-t-il en enroulant ses doigts autour de mon menton. J'y crois pas...

— Quoi ? s'exclame Jonathan en sautant sur ses pieds.

— Il est blessé ? s'inquiète Jess.

— J'y crois pas !

Le visage à quelques millimètre du mien, Vincent me sonde avec intérêt alors que sa proximité fait rosir mes joues. J'adore mes amis, vraiment, mais lorsque le souffle de Vinny s'échoue sur ma peau, que ses lèvres trainent aussi près des miennes, ma gêne refait surface. Pourtant, ce n'est pas chose nouvelle, il est toujours beaucoup trop tactile et ça ne me dérange pas en général, mais aujourd'hui, mes joues brûlent.

— Ils l'ont fait ! s'exclame-t-il, sûr de lui.

— Fait quoi ? demande Jonathan en me percutant.

Mon cœur s'emballe alors qu'il se met lui aussi à m'étudier. Un sourire éclatant fend son visage tandis qu'il hoche la tête avec vigueur. Je me sens comme un cobaye qu'on étudie, je n'aime pas ça.

— Mais arrêtez, me plains-je en les repoussant. Qu'est-ce que vous faites ?

— Tes yeux, Kassoulet !

— Et ce suçon monstrueux ! continue le second.

Instinctivement, ma main s'écrase sur mon cou, à l'endroit où Silas m'a titillé de sa bouche humide et chaude, alors qu'il me faisait tendrement l'amour quelques heures plus tôt. Je ne me suis pas vu dans un miroir, j'ignore si ma peau est marquée mais cette zone est sensible et légèrement douloureuse.

— C'est pas possible, s'étonne Jessica en sautillant.

Les pans de sa jupe fleurie virevoltent autour d'elle, tandis que ma timidité m'étouffe presque. Elle est belle, radieuse et visiblement très heureuse alors que je suis sur le point de mourir d'une tachycardie.

— Ton regard est si brillant, s'émerveille-t-elle, il n'y a pas de doute, vous l'avez fait !

— C'était comment ?

— T'as eu mal ? Sérieux, Kastor, c'était pas trop dur ? Je me suis toujours demandé si ça faisait mal, parce que soyons honnête, c'est quand même un peu étrange de se prendre un truc dans le...

— Vincent ! m'écrié-je horrifié. S'il te plaît...

— Quoi ? proteste-t-il. Ne sois pas gêné, c'est vraiment génial de savoir que t'es passé à la casserole tel un Kassoulet bon à déguster. C'est vrai, t'es un homme maintenant. On commençait à désespérer.

— Pardon ?

— Ferme-la, crétin, râle Jess en lui assénant une tape derrière la tête. Tu n'as aucun tact !

— Non mais c'est vachement intéressant, renchérit Jonathan, moi aussi je veux savoir. C'était bien ? T'as eu mal ? Un peu ? Il est doué ton anglais ? En tout cas, il sait y faire dans les suçons parce que, la vache, on dirait que Dracula est passé par-là !

Les joues brûlantes, le cœur en avance rapide, je les écoute débiter des stupidités tout en me retenant de ne pas me sauver afin de me cacher dans un trou de souris.

— Les garçons, si vous ne vous taisez pas, je vais vous botter le cul si fort que vous ne pourrez plus vous asseoir. Ne fais pas attention à eux, mon Kas, ils sont idiots.

— Ah, bordel, Jessy ! Elle est super cette blague.Tu sais être hilatante quand tu veux !

L'éclat de rire de Vincent me fait écarquiller les yeux. Jessica secoue vivement la tête en venant m'enlacer, sa tête dans le creux de mon cou, je suis tétanisé. Elle doit probablement sentir les pulsations de mon cœur contre sa poitrine, tellement il bat avec acharnement.

— Ce n'était pas un sous-entendu, murmure-t-elle contre ma peau. Excuse-moi, Kas, ils sont juste obsédés !

— Pourquoi tu ne leurs réponds pas ? m'interroge mon oncle.

Un sursaut me secoue, je ne l'ai ni vu ni entendu se déplacer. Sorti de mes pensées, je baisse la tête pour éloigner ces souvenirs. Je verrouille le portable à la hâte en remarquant qu'il fixait l'écran toujours allumé par-dessus mon épaule.

— Parce qu'ils sont dans le bungalow à cent mètres du mien, râlé-je. On sera ensemble dans une heure, je leur répondrai de vive-voix.

C'est faux. Jamais je ne leur dirai quoi que ce soit sur cette nuit magique et inoubliable, je me contenterai simplement d'émettre de molles protestations. Comme chaque fois.

— Sérieusement, comment allons nous faire s'il pleut samedi soir ? demandé-je en mâchouillant mes lèvres.

La météo m'inquiète vraiment, si le temps est mauvais, mon idée pour ce dernier week-end sera impossible. En soit, pas seulement mon programme mais la soirée du feu de camp sera annulée et avec elle, mes derniers moments en compagnie de Silas anéantis.

— Il y a toujours une solution, je ferai en sorte que tout se passe bien. Fais-moi confiance, mon neveu, tonton Marco à plus d'un tour dans sa manche.

Son ton confiant éloigne un peu de mes craintes. Je sais que mon oncle est doué pour arranger les choses. Ce n'est pas pour rien qu'il y a toujours tant de vacanciers qui se ruent ici pour passer leurs étés. Son camping a été élu " meilleure destination de vacances " de la région pendant trois années consécutives.

— C'est une idée géniale que tu as eue, je ferai tout pour que tu passes une bonne soirée, continue-t-il en frottant énergiquement mon bras. Le matériel nécessaire sera livré demain.

La porte du bureau s'ouvre alors que je hoche la tête pour lui répondre. Immédiatement, un courant d'air frais vient balayer mes cheveux et une odeur familière effleure mes sens. Je n'ai pas besoin de le voir pour savoir qu'il se tient à l'entrée de la pièce.
Je pivote vers Silas, le cœur déjà pris d'une embardée brutale. Il m'a manqué, je ne l'ai pas vu depuis la veille.
Je fais quelques pas vers lui, soucieux en le découvrant trempé de la tête aux pieds. Mes mains se referment sur ses joues froides dans l'espoir de leur apporter un peu de chaleur.

— Tu dégoulines, murmuré-je, tu vas être malade.

— Ne te fais pas de souci pour moi, souffle-t-il en se penchant contre mes lèvres qu'il effleure doucement. Par contre, patron, toi tu en as un !

— Comment ça ? s'enquiert-il gravement.

— Le restaurant est plongé dans l'obscurité et il n'y a plus de courant, soupire Silas en passant une main dans ses cheveux imbibés de pluie.

Marco jure en collant son téléphone à l'oreille après avoir tapoté l'écran.

— Je vais régler ça, toi, va te changer avant d'attraper la mort, dit-il en le pointant du doigt.

Je le regarde ouvrir son parapluie puis quitter le bureau sans se retourner. Dans un soupir, je me laisse tomber contre le torse ferme et humide de Silas qui m'enlace.

— Tu vas être tout mouillé, toi aussi, murmure-t-il en inspirant, le nez dans mes cheveux.

— Je m'en moque, tu m'as manqué. Je suis content de te voir.

— On se tiendra compagnie lorsqu'on sera alités, avec de la fièvre et un rhume carabiné, s'amuse-t-il.

— C'est un bon plan.

Son éclat de rire résonne en moi, fait vibrer sa poitrine et la mienne également. Je relève la tête, me dresse sur la pointe des pieds pour écraser ma bouche contre la sienne. Un gémissement de contentement m'échappe quand il m'offre le baiser que j'ai désiré toute la journée.

— Qu'est-ce que vous complotez Marco et toi ? s'intéresse-t-il en caressant ma joue.

— Rien, on faisait le point pour ce week-end.

— Hum..., souffle-t-il, j'ai hâte de voir ce que tu as prévu. Je suis certain que cette jolie tête est pleine de surprises.

— Alors prie avec moi pour que le déluge ne nous noie pas, marmonné-je caché contre sa poitrine.

— Je pourrai te réchauffer, dit-il malicieusement. On peut y trouver un certain avantage.

Je relève un visage brûlant vers lui, observe son sourire éblouissant et ses dents parfaitement alignées.

— Je peux le faire, murmuré-je en tentant de supporter son regard brillant.

— Quoi donc ?

— Te réchauffer, dis-je encore plus bas, tu es trempé.

Ses yeux s'illuminent davantage alors qu'il se penche vers moi. Il mordille doucement ma lèvre, me faisant couiner. Les joues écarlates, je réfrène mon embarras et essaie d'être un minimum entreprenant. Je l'embrasse doucement tandis que ses mains glissent dans mon dos jusqu'à se stopper sur le haut de mes fesses. Depuis cette fameuse nuit remplie d'amour, nous nous sommes à peine effleuré, il travaille trop et rentre épuisé à son bungalow. Son contact me manque, sa chaleur et son odeur aussi. Suis-je devenu insatiable ? Probable. Ne pas être suffisamment dans ses bras me remplit de frustration, plus encore quand je pense que lundi nous ne serons plus ensemble.

— Quand tu veux, soupire-t-il, en apposant son front au mien.

— Maintenant ? Marco ne t'a pas dit d'y retourner.

Un de ses sourcils se hausse, il me scrute avec douceur et une pointe d'étonnement. Ses doigts s'enroulent autour de mon poignet pour me guider jusqu'à la sortie.

— J'aime tes prises d'initiatives, mon Cœur. Baisse la tête, il pleut averse.

Un hoquet de surprise me secoue quand la pluie froide s'abat sur moi, pourtant, je me laisse emporter par Silas sans aucune plainte. Désormais impatient de me perdre dans ses bras que je serai bientôt contraint à quitter, désireux d'être étouffé par ses baisers dans une étreinte chaude et envoûtante.

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