Chapitre 2 - Chères oubliettes...

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Dans la pénombre sèche de la salle des potions, je contemple la flamme d'une bougie, immobile et impassible.

Bientôt une heure que je suis là à faire le vide, à renforcer encore et encore mes murailles mentales, à bâtir des murs de vent entre l'implacable Professeur Rogue et ses redoutables démons intérieurs. Démon aux cheveux longs, hurlant de terreur dans ses derniers instants à vivre, démon à la robe joyeuse tournant avec de grands rires dans les bras d'un autre que moi, démons du passé me torturant de regrets et de remords.

Démon du présent, aussi, au sourire insouciant, aux yeux rieurs inoubliables, aux cheveux en bataille honnis. Et qui va bientôt entrer dans mon repaire souterrain, mon havre d'exil.

Harry Potter.

D'ailleurs, des voix et des pas résonnent déjà dans le couloir.

Mes mâchoires et mes paupières se crispent et la flamme jusque là fixe se trouble et s'éteint sans laisser de fumerolles.

Je me lève pour faire face à la horde juvénile qui va pénétrer dans mon antre.

Stoïque, je plante mon regard noir et pénétrant dans celui de chaque élève. Mes lèvres ne bougent pas : je n'en ai pas besoin.

Je cherche dans ces esprits immatures les fissures dans lesquelles le Mal peut s'infiltrer. Je sonde ces têtes innocentes pour repérer les graines de Ténèbres qui y ont été semées.

La plupart de ces enfants ne sont que des êtres fragiles, dociles, que le Mal et le Bien ne peuvent que se disputer sans réussir à les gagner définitivement à leur cause, mais quatre d'entre eux ne sont pas de cette engeance brouillonne et futile.

Londubat, d'abord, étouffé par la perte de ses parents et sa grand-mère envahissante et autoritaire. Au bord de l'effondrement perpétuel, mou et défaitiste, il cache en lui une force qui ferait honneur au grand Godrick Gryffondor lui-même. Mais Neville l'ignore et pourrira dans le marasme s'il n'est pas durci par les épreuves.

L'insupportable Granger, aussi, est un être trop ambitieux pour son bien. Si elle ne se heurte pas à plus brillant, à plus dur que son intelligence, elle se fera dévorer par l'orgueil. Trop réprouvée, elle cessera de croire en elle et deviendra une pleurnicheuse se croyant la honte de ses parents.

Potter est un cas plus épineux. Ses yeux me consument et son sourire me révulse. Pourtant il est trop important pour que mes sentiments entrent en ligne de compte. Ou les siens. Il ne doit pas devenir le petit arrogant sadique qu'était son père, mais il ne doit pas non plus se laisser sombrer dans le misérabilisme de sa situation d'orphelin. Il doit se dépasser et forger des liens forts avec quelques précieux amis pour se soustraire à la tentation du Mal comme à celle de la fuite.

Enfin, il y a Malefoy. Le pion Malefoy. Utilisé par son père, utilisé par Voldemort, utilisé par Dumbledore. Et utilisé par moi-même. Écrasé et dominé par son père orgueilleux et méprisant, il doit fixer son affection sur d'autres modèles, d'urgence. Qu'il puisse respecter sans crainte d'en être détruit. Mais je ne peux m'opposer directement à Lucius sans attiser la suspicion des mangemorts et ébranler la confiance que Voldemort garde en moi.

Je joue avec le feu. Et je le sais.

- Si monsieur Potter a terminé de parader parmi ses fans et si les Gryffondors veulent bien condescendre à écarter un moment leur obsession pour les divertissements sportifs afin de se confronter à l'art noble et exigent de la confection des potions, nous avons des examens à préparer avant que les vacances ne viennent balayer les maigres connaissances que vos petits cerveaux stériles ont péniblement fini par emmagasiner !

Ce sourire insolent de triomphe qui s'efface me met en joie mais le regard vert rageur que Potter m'envoie en retour a tôt fait d'éteindre cette lueur de gaieté.

- Miss Granger, j'ose espérer que vous ne cherchez pas à dépasser les limites de votre inépuisable arrogance en levant la main pour donner des réponses que personne ne vous a demandées...

La jeune fille accuse le coup avec impassibilité et ne baisse pas son bras, continuant de me fixer.

Malgré moi, je dois bien admettre que cette petite a du cran.

- Qu'y a-t-il, Miss Granger ? je me résigne.

- Professeur Rogue, puisque la coupe de feu a été ensorcelée, ne pensez-vous pas que le Tournoi des Trois Sorciers lui-même est compromis par des mangemorts ?

- Miss Granger, je ferai part au Ministre de la Magie en personne et à ses pauvres et incompétents aurors de vos brillantes déduction afin que tous ces professionnels qui œuvrent à notre sécurité depuis bien avant votre naissance cessent de se conduire en amateurs !

Elle consent enfin à baisser son bras, enfin mouchée - du moins temporairement - et j'en profite pour échanger un sourire fugace avec Malefoy.

Enfin, le calme étant enfin total, j'entame mon cours sur les potions de guérison.

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