New York
Le martellement des battements de mon cœur dans mon crâne couvre presque la rafale de mon M-23. Des geysers d’un liquide bleu giclent du corps de l’Arg’Va à chaque impact des projectiles à haute vélocité.
Un clic provient de mon fusil d’assaut. Je viens de vider mon chargeur sur la créature qui se trouve à moins de cinq mètres de moi. Debout, chaque muscle contracté par l’adrénaline, les yeux agrandis par la peur, je regarde l’énorme lézard bleu tomber en arrière sur la route dans un hurlement de douleur et de rage. Son corps sanguinolent tressaute un moment puis ne bouge plus.
De la transpiration colle des mèches rousses sur mon front et me coule dans les yeux. Ma vue se trouble, mes mains sont crispées sur mon arme. Tout mon corps est tétanisé.
— Calme-toi Elana, reprends le contrôle, dis-je à mi-voix. Tu ne peux pas rester au milieu du trottoir comme ça !
Je fais jouer doucement mes doigts, puis mes épaules. Avec ma manche gauche, je m’essuie le front et les yeux, tout en tenant mon M-23 de l’autre main. Ma vision est claire maintenant. Le monstre gît, étendu au milieu de l’avenue. Levant le bras droit pour consulter l’écran de mon ACZI, je jure devant l'écran désespérément éteint.
- Elle n'est pas morte cette saloperie !
Pas besoin de relever la tête. Des grognements de haine proviennent de quelques mètres devant moi. L’immense créature avance en traînant une jambe. Son bras droit est salement amoché. Même ainsi, il reste une machine à tuer impitoyable.
Une boule de terreur me noue la gorge. Les mains tremblantes, j’enclenche l’arme secondaire de mon M-23, le charge en un mouvement de va-et-vient, et tire comme à l'entraînement. La roquette l’atteint en pleine poitrine et le propulse en arrière malgré son poids. Dans un bruit de métal broyé, il finit sa course dans la carcasse d’un taxi jaune. Heureusement que mon fusil est muni d’un système anti-recul, sinon il m’aurait arraché l’épaule.
Je tapote fébrilement l’écran accroché sur mon avant-bras gauche. Le logo Gouvernemental apparaît, suivi des mots ACZI : Assistant de Combat en Zone Infectée.
— ACZI ! Il est mort maintenant, affiche mon bonus, je bafouille nerveusement.
— Les fonctions vitales de l’Arg’Va de type D sont faibles, mais il est toujours opérationnel, me répond une voix atone. Seules les créatures définitivement comptabilisées et ajoutées à votre crédit.— Fais chier !
Pas à pas, je me rapproche de la créature. Une odeur nauséabonde émane de la moitié de son bras arraché gisant sur l’asphalte. Les trois griffes, longues d’une bonne vingtaine de centimètres et coupantes comme des lames de rasoir, trempent dans une flaque d’un liquide bleuâtre et gluant. Des bulles et des fumerolles s’en échappent, l’acidité du sang Arg’Va rongeant le bitume. Un éclat de soleil se reflète sur ses écailles qui commencent déjà à ternir. La respiration rapide, je continue ma progression, tous les sens en alerte.
Les deux cents kilos du monstre, combinés à l’explosion de la roquette, ont littéralement coupé en deux le taxi. Le corps meurtri de l’Arg’Va est étendu sur la route, entouré de part et autre des deux morceaux de la voiture et baignant dans une mare bleu clair. Ses membres sont immobiles, enfin les trois qui restent.
Nouveau chargeur, j’affermis la prise sur mon arme, vérifie le mode Rafale, histoire d'en finir avec lui. Malgré les gants tactiques de tir, mes mains sont trempées. Je ne parle même pas du T-shirt sous mon gilet : en le tordant, on devrait récupérer un bon litre de transpiration.
À ce moment, il redresse la tête et me fixe de ces deux yeux verts reptiliens. Un cri strident et modulé s’échappe de sa gueule garnie de deux rangées de crocs acérés.
— Merde, Merde, Merde !

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