Le Bungalow près de la Mer
de
Clarence Alston

Lorsque Pépé refermait le coffre et se postait derrière le volant, les choses sérieuses commençaient vraiment.
Quelques heures nous séparaient de ce petit bout de paradis, situé à Marseillan, aux abords de la mer. Pépé détestait la route des vacances. Non seulement il faisait chaud et il y avait des bouchons, mais en plus, ma grand-mère ne savait pas lire les cartes ! Tandis qu’ils se disputaient comme des chiffonniers, moi, je rêvais, les yeux rivés sur le paysage qui défilait devant mes yeux, mon baladeur CD jouant les meilleurs titres de Cascada.
— Mais c’est pas possible, nom de Dieu ! Je vais devoir faire demi-tour !
« 'Cause everytime we touch, i get this feeling... »
Que du bonheur !
***
Au fil des kilomètres, le paysage se mettait à changer. Nous passions des montagnes à la ville, puis aux champs… C’était hypnotisant. Alors que nous nous rapprochions de notre destination, l’air, imprégné de l’odeur de la mer, devenait plus chaud.
Une fois arrivés, Pépé nous demandait de rester dans la voiture, car la boîte aux lettres était infestée de guêpes. Brandissant sa casquette comme une épée, il maintenait ses assaillantes à distance afin de pouvoir ouvrir le vieux portail rouillé. Cela fait, la voiture s’engouffrait dans l’allée de graviers.
Le bungalow était en deux parties. D’un côté, nous avions les chambres ainsi que les toilettes. Mes grands-parents occupaient la chambre de gauche, tandis que j’occupais celle de droite, l’une étant en face de l’autre. Je pouvais ainsi savourer le confort d’un lit double ! Les murs et les plafonds arboraient une frisette sombre ornée de décorations en tout genre. Dans la chambre des grands-parents, il y avait une télévision, au grand bonheur de pépé qui aimait siester devant des séries policières, les après-midi.
De l’autre côté de la cour se trouvaient la cuisine ainsi que les douches. Le coin repas était équipé et spacieux. La table à manger se situait non loin de la baie vitrée qui donnait accès à l’extérieur. Derrière une porte se trouvait une douche italienne excessivement grande. Elle dégageait toujours une douce odeur florale.
***
Les journées se ressemblaient, mais n’étaient jamais les mêmes. Le matin, nous allions faire des tours dans le village afin de faire des emplettes et découvrir un peu de paysage. L’après-midi, nous nous rendions à la plage. À peine la serviette posée sur le sol, je me jetais dans le creux des vagues, buvant la tasse à chaque fois ! Quel plaisir de rester étendue au bord de l’eau, en attendant d’être frappée par la colère de la mer... Chaque été, je me faisais de nouveaux amis différents. Et aussi des admirateurs… J’aurais pu collectionner les amourettes d’été, mais comme vous le savez, je n’étais pas de ce bord !
Trempée et constellée de sable, je faisais une pause pour me délecter de beignets et glaces vendus sur la plage par des marchands à l’accent mélodieux. Vers 16 h, tous les gosses avaient les yeux rivés vers le ciel. Un de ces fameux avions avec des banderoles promotionnelles passait toujours à la même heure. Si les yeux des mômes l’épiaient avidement, c’était pour une bonne raison… Le parc d’attractions, qui se trouvait à proximité de la plage, ouvrait régulièrement ses portes gratuitement. Afin d’être efficace, la promotion se faisait donc dans les airs ! Son passage faisait s’élever les rires et les cris de joie. Bien évidemment, j’attendais l’approbation de mes grands-parents, offrant mon regard le plus attendrissant. Mais comme j’étais une petite-fille adorable, cela ne m’était jamais refusé !
Avant de repartir en ville pour manger, je prenais une longue douche. Je voyais le sable tomber de mon maillot de bain et disparaître avec l’eau. Il s’incrustait vraiment partout ! Il me fallait au moins trente minutes pour être complètement nettoyée.
***
Nos dîners se faisaient dans des restaurants. Nous commandions fruits de mer et plats locaux en tout genre. Ce qui m’intéressait le plus, c’était bien évidemment les desserts ! Combien de fois m’étais-je rendue malade, surestimant mon appétit, après avoir ingurgité une Dame Blanche bien trop copieuse ?
***
Le soir, nous nous rendions régulièrement au parc d’attractions. Grand huit, train fantôme, jeux aquatiques… Je m’éclatais comme une folle jusqu’à très tard, ne me souciant jamais de l’heure. J’étais en vacances, après tout ! L'air sentait la barbe à papa et les lumières m'en mettaient plein les yeux. Mamie et Pépé m’attendaient sur le côté, ayant hâte de rentrer. Je les faisais courir partout, les pauvres ! Vous ai-je déjà raconté que ma grand-mère s’était fracturé la hanche en jouant au foot avec moi, du haut de son grand âge ?
***
Le soir, j’allais me coucher, épuisée, la tête pleine d’incroyables souvenirs. Mes nuits étaient douces. Ni chaudes ni froides. Mais je savais que chacune d’elle me conduisait inévitablement vers la fin du séjour…
***
Les derniers jours, j’étais très mélancolique. Pourquoi les meilleurs moments ne duraient qu’un bref instant ? Ne pouvait-on pas les rejouer, comme je rejouais mon CD de Cascada ? Même dire au revoir à mes prétendants était un crève-cœur ! Tous espéraient me revoir l’an prochain, mais je ne revoyais jamais un seul d’entre eux.
***
La route du retour était lourde, déprimante… Il avait même neigé, une fois ! Je regagnais le domicile de mes parents, fatiguée et triste. Et alors que la rentrée scolaire approchait, je n'attendais qu’une chose : repartir à Marseillan.
***
Aujourd’hui, cela fait plus d’une décennie que je ne suis pas retournée au bungalow familial. Pépé et Mamie sont vieux et fatigués. Ils commencent même à perdre la carte… Il m’arrive de repenser à nos fabuleux souvenirs, à tous les trois, les larmes me montant rapidement aux yeux. Le temps efface beaucoup de choses, mais pas les meilleurs souvenirs… Ce bungalow me hante encore, et même si je pense ne plus jamais pouvoir y retourner, je ne cesse de penser à lui…
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Commentaires & Discussions
| Les plus beaux souvenirs... | Chapitre | 4 messages | 1 mois |
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