Chapitre 5 (deuxième partie)

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Au Professeur Paul MacGuiness,

Monsieur le Professeur,

Je me permets de vous contacter suite à un échange que j'ai pu avoir avec Monsieur Stanley MacKenzie qui m'a communiqué vos coordonnées et m'a incitée à vous écrire. Nous avons retrouvé il y a peu dans le grenier des grands-parents de mon mari, soigneusement rangés dans une malle, des tartans que nous ne parvenons pas à identifier. Je vous joins une série de quelques photos. Outre ces tartans, nous avons retrouvé un journal, en plusieurs volumes, écrit par une certaine Héloïse MacLeod qui aurait été l'épouse de Kyrian MacLeod, laird du clan des MacLeod d'Inverie. Ce journal débute en 1746, deux mois après la bataille de Culloden. Il a été écrit en français, mais fort heureusement, la grand-mère de mon mari est d'origine française et nous avons pu en entamer la traduction. Elle y évoque sa vie au quotidien, parle de sa famille, de ses enfants et des difficultés rencontrées par tous suite à la défaite du soulèvement jacobite. Nous avons, en parallèle de cette traduction, entamé des recherches et mes beaux-parents se chargent actuellement de reconstituer notre arbre généalogique afin de déterminer si nous avons ou pas un lien direct ou indirect avec cette famille.

Au cours de nos recherches à Edimbourg, au service des archives nationales, nous avons pu consulter l'acte de reddition du clan des MacLeod d'Inverie, qui fut signé en avril 1747 par Héloïse MacLeod, à Dunvegan. Cela correspond à ce qu'elle a livré dans son journal, à savoir qu'elle se trouvait réfugiée avec sa famille à Dunvegan depuis l'été 1746. Mais nous n'avons pas trouvé à ce jour le contrat signé avec la Couronne et actant du titre de propriété de tout ou partie des terres d'Inverie à la famille MacLeod. Monsieur Stanley MacKenzie m'avait signalé l'existence de ce contrat, me précisant qu'il en avait eu connaissance.

Je viens vers vous pour solliciter, dans la mesure de votre possible, votre aide concernant ce document, mais aussi tout élément que vous pourriez me transmettre concernant les tartans. Si vous souhaitez pouvoir en regarder un directement, je me ferai un plaisir de vous en adresser un exemplaire.

Je vous remercie très sincèrement pour toute l'aide que vous pourriez nous apporter et de l'attention de vous porterez à ma demande.

Bien cordialement,

Maureen Graham

Maureen relut à voix haute le courriel qu'elle avait rédigé et Mummy et Mickaël agréèrent, elle ajouta leurs coordonnées postales et téléphoniques et envoya le tout.

- Voilà, dit-elle. Maintenant, et en attendant un éventuel retour de ce professeur, nous allons poursuivre la traduction.

C'était un lundi après-midi. Les enfants étaient à l'école et Mickaël, après une petite sieste, avait rejoint Maureen et Mummy dans la salle. Elles avaient ouvert les fenêtres et profitaient tout à la fois des parfums fleuris du jardin que de la douce chaleur de ces belles heures de la journée.

Maureen et Mummy avaient donc entamé le deuxième cahier d'Héloïse. Très vite, elles avaient remarqué la teneur différente de ses écrits. Maintenant qu'elle avait retrouvé Kyrian, qu'il était revenu vivant de l'aventure jacobite, on pouvait percevoir le bonheur à chaque ligne, du moins, dans les premiers temps. Elle ne négligeait cependant pas de raconter les difficultés qu'ils rencontraient, mais s'attardait plus à livrer des détails de leur vie quotidienne.

**

Ils prirent ainsi connaissance du mariage de Hugues et de Bethany et des naissances de trois petites filles au cours des mois suivants, mais aussi de l'installation d'un représentant de la Couronne à Inverie, en la personne de Sir Walter Fleming. Ils s'amusèrent des remarques d'Héloïse le concernant et se dirent plus d'une fois qu'elle avait vraiment eu de la chance que son journal ne tombe pas entre de mauvaises mains, certains propos auraient pu paraître bien séditieux.

Ils en étaient là de leur travail, installés tous les trois autour de la grande table, lorsqu'on sonna à la porte. C'étaient Sam et Jenn qui venaient leur rendre une petite visite, profitant que les jumelles étaient, comme Killian, Ewan et Erin, à l'école et que c'était le jour de fermeture du restaurant.

- Alors, Mummy, Maureen ! Le beau temps est de retour, mais vous restez terrées à la maison comme des ourses mal réveillées ! lança Sam à peine avait-il franchi la porte.

- Bien entendu, Sam, répondit Mummy. Tu vas voir comment une ourse mal réveillée peut recevoir un garnement comme toi ! Méfie-toi !

Maureen sourit en faisant la bise à Jenn.

- Comment vas-tu, Jenn ?

- Bien, répondit-elle. Et vous ? Sam exagère, mais il y a un fond de vérité dans ses propos : je m'attendais à vous voir un peu à Fort William ces jours-ci.

- Nous sommes en pleine activité, répondit Maureen. Nous avons un travail sérieux à mener.

- Du travail ? C'est pour les gosses, au moins ? fit Sam.

- Dans un certain sens, oui, dit Maureen. Mais c'est déjà une longue histoire... et c'est un peu leur héritage.

Sam s'installa plus confortablement dans le canapé, étendit ses longues jambes maigres devant lui et dit :

- Je suis prêt à entendre cette histoire, mais encore me faut-il un petit accompagnement, ajouta-t-il en regardant Mummy, puis Mickaël du coin de l'œil.

Mais Maureen avait déjà quitté la pièce pour se rendre à la cuisine et en ramener un plateau avec le nécessaire pour le thé, sans oublier la fameuse tarte aux pommes que Sam regarda d'un air gourmand.

- C'est bien, les histoires, mais la cuisine, c'est mieux ! Au moins, vous avez toujours le temps de faire des tartes. Je suis moins inquiet, d'un coup.

Ils s'installèrent tous les cinq dans le coin salon et Mickaël fit le service. Puis Mummy entama son récit :

- Maureen et les enfants ont fait une grande découverte dans le grenier. Ils ont mis la main sur un journal écrit en 1746. Nous en avons entamé la traduction.

- Quoi ? s'étonnèrent Jenn et Sam d'une seule voix. 1746 !

- Oui.

- Avant ou après ? demanda aussitôt Sam.

- Après la défaite, répondit Maureen. Mais ce journal témoigne aussi de ce qu'elle fut.

- Hum, hum. Et qui l'a écrit ?

- Une certaine Héloïse MacLeod, épouse du laird Kyrian MacLeod, laird des MacLeod d'Inverie. Elle y raconte son quotidien, mais évoque aussi tout le contexte de la défaite, les choix douloureux à faire, la reddition...

Sam grogna quelque chose d'intraduisible, mais pouvant se résumer à : "Sales cochons d'Anglais !"

- En parallèle, dit Mummy, Henry et Ingrid font des recherches à Edimbourg pour réaliser l'arbre généalogique. Personne dans la famille ne s'y était encore vraiment penché, même si une des petites-filles de Mary avait commencé, mais a dû s'interrompre car ses études lui prenaient tout son temps. Depuis, personne n'a poursuivi. Avec la numérisation des données, Ingrid et Henry ont la tâche facilitée et ils avancent bien.

- Ils comptent remonter jusqu'à 1746 ? demanda Jenn.

- Oui. Pour voir si notre famille descend de celle de Kyrian et Héloïse. Et pour essayer de comprendre comment ce journal s'est retrouvé dans cette malle, dans notre grenier.

Jenn reposa sa tasse et demanda :

- Tu as mentionné une traduction, Mummy. Qu'en est-il ?

- Le journal est écrit en français, car Héloïse était française, répondit la vieille dame.

- Hé ! s'exclama Sam. Si cela se trouve, Micky, tu as double sang français dans les veines ! Du vieux et du récent.

- Peut-être que oui, en effet, répondit-il. Mais nous ne sommes sûrs de rien, pour le moment.

- Ce serait quand même la classe d'être des descendants directs d'un laird... dit encore Sam avec une moue admirative. Tu pourrais peut-être récupérer le titre !

- Je ne sais pas ce que j'en ferais ! rit Mickaël.

- Lady Maureen Graham MacLeod d'Inverie. Ca aurait du style, non ?

- Juste un peu pompeux, répondit Maureen en souriant. Mais plus sérieusement, cette histoire est passionnante.

- Et on comprend que vous vous y plongiez ! dit Jenn.

- Il y avait aussi d'autres trésors dans la malle, fit remarquer Mummy. Dont plusieurs tartans que nous cherchons à identifier. Ils ressemblent à ceux des MacLeod de Skye, mais avec des nuances cependant.

- Il y avait aussi un pistolet, une bague et... des portraits, compléta Maureen.

- Les portraits d'Héloïse et de Kyrian, précisa Mickaël.

- On peut les voir ? demanda Sam toujours prêt à faire son curieux.

- Ils se trouvent à Glasgow, ma mère les a confiés à un restaurateur, car le papier était un peu piqué. Elle devrait bientôt les récupérer et nous les ramener.

- Je serais vraiment curieux de les voir.

- En attendant, je peux te montrer un tartan, si tu veux, dit Maureen.

- Volontiers.

Et Maureen se rendit à l'étage et en redescendit un des tissus qu'elle avait lavé et soigneusement repassé.

- Belle facture, dit Jenn. Il n'est pas abîmé.

- Les autres non plus. Nous en avons conclu qu'ils avaient été très peu portés, fit Maureen.

- Ce n'est pas étonnant, dit Sam. S'ils ont été fabriqués à la période du journal, il était interdit de porter le tartan après la défaite. Les Anglais avaient trop peur que les Ecossais séduisent leurs femmes avec leurs belles couleurs ! Ou qu'elles aient pitié alors qu'on les conduisait à l'échafaud... et qu'elles réclament leur grâce !

Maureen tendit aussi le premier volume du journal à Jenn qui le feuilleta avec soin et attention.

- Je ne comprends pas bien le français, dit-elle, je reconnais quelques mots... Vous en êtes loin dans la traduction ?

- Nous avons terminé le premier cahier, répondit Mummy, et déjà bien entamé le deuxième.

- On pourra lire ? demanda Jenn.

- Oui, dit Maureen, bien sûr. Je peux t'envoyer déjà le fichier concernant le premier journal.

- Avec grand plaisir !

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