Chapitre 6 (troisième partie)

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- Je crois que nous avons une piste, dit Maureen à Mickaël quand il se leva ce matin-là.

- Ah oui ? demanda-t-il en s'installant à table pour prendre son petit déjeuner.

Les enfants étaient partis pour l'école et Mummy était dans sa chambre, à se préparer. Maureen s'activait à la cuisine. Le matin, Mickaël se levait toujours après elle, c'était rare aussi qu'il voie ses enfants avant leur départ. Il était toujours décalé par rapport à leur propre rythme quotidien.

- Oui, lui répondit Maureen. Dans les pages que nous avons traduites hier, Héloïse évoque le départ de Fillan et de sa famille pour Glencoe. Elle nous livre aussi un peu plus d'éléments sur ce jeune homme.

- Rappelle-moi de qui il s'agit, déjà ?

- Cette famille s'était réfugiée à Inverie après que les terres du nord sont devenues la propriété des Campbell. Mais elle raconte dans son journal qu'elle est partie pour Glencoe au printemps 1754, peu après la naissance de Leathan. Le nom de famille de Fillan était MacDonald.

- Il appartenait donc au clan de Glencoe... comme notre famille. Quel lien fais-tu ?

- Pour l'heure, je n'ai aucune certitude, aucune précision, mais je ne sais pourquoi, je ne peux me départir d'une intuition : ce détail qu'évoque Héloïse, un détail parmi d'autres, me semble important.

- Je me fie à tes intuitions, sourit Mickaël. Elles ont souvent été très justes.

Il était en train de se préparer deux tartines, avec de la confiture de mûres. Maureen versa l'eau dans la théière. Puis elle s'assit à table à son tour et l'accompagna avec juste une tasse de thé. Pour ce matin, elle avait choisi Chaleureux, un thé noir avec un mélange d'agrumes. Il était très parfumé, mais aussi assez fort, ce qui convenait à Mickaël avant une longue journée de travail.

Mummy les rejoignit peu après, s'appuyant toujours sur sa canne pour se déplacer. Ils parlèrent un moment des prochains menus alors que Maureen dressait une liste de courses. Puis elle et Mickaël partirent ensemble, faisant chacun leurs propres achats aux halles. Ils déposèrent le nécessaire pour le restaurant avant de remonter à la maison. Après le repas, Mickaël se reposa un moment avant de partir travailler. Comme c'était le milieu de la semaine et l'activité peu soutenue, il proposa à Maureen de récupérer les enfants à l'école et de les ramener, avant de reprendre la main en cuisine. Cela évitait un déplacement à sa femme, ce qu'elle appréciait toujours quand il pouvait le faire.

Mummy et Maureen se réinstallèrent donc dans la salle, reprenant le journal d'Héloïse.

Avril 1755

Je viens de fêter mon trente-neuvième anniversaire, mais c'est le deuil que je porte en ce jour. Madame Lawry nous a quittés, après tant d'années auprès de nous. Toute la famille est très marquée par son décès, car elle avait été si proche des enfants, faisant office pour eux de grand-mère. Kyrian aussi est très touché et il décrète pour nous tous un deuil de trois jours. Aucun des hommes de la famille n'ira aux champs ou ne prendra le moindre outil durant ces journées. Jennie a bien du mal à se retenir de pleurer. Madame Lawry va reposer au petit cimetière d'Inverie et nous veillerons toujours à ce que sa tombe soit bien fleurie.

Juin 1755

Le petit Leathan vient tout juste de souffler sa première bougie que, déjà, le ventre de sa mère s'arrondit à nouveau. Kayane se porte bien, mais je ne peux m'empêcher d'être inquiète à la voir enchaîner déjà une nouvelle grossesse. L'été tarde à venir, il pleut beaucoup et, après les tristes journées que nous avons connues en avril, nous avons bien du mal, tous, à reprendre le dessus. Clarisse est malade, toussant et crachant. Jennie a beau lui faire des infusions selon les recettes de Madame Lawry, rien n'y fait et le mal ne passe pas.

Juillet 1755

L'été est arrivé seulement pour le solstice et après des semaines de pluie, nous avons maintenant droit à un soleil de plomb. Les hommes passent leurs journées aux champs, de l'aube jusqu'au soir. Clarisse va mieux, Marie est parvenue à passer son mal grâce à des onguents qu'elle lui appliquait chaque matin et chaque soir sur la poitrine.

Si Roy et Tobias, comme Galyn, Ervin et Gowan aident leurs pères tout au long de la journée, les filles ne sont pas en reste et bien souvent, Marie, Lowenna et Eilidh les accompagnent au moins pour la matinée. L'après-midi, elles restent avec nous et nous aident aux différentes tâches de la maisonnée.

Marie a demandé à Kyrian de lui laisser un petit carré dans notre potager dans lequel elle cultive des simples de toute sorte, qui lui seront utiles pour nous aider à lutter contre les maux de l'hiver. Elle y passe chaque jour, en en prenant grand soin. Elle est devenue une grande et belle jeune femme, à la chevelure flamboyante, d'un beau roux auburn, qu'elle porte toujours très longue et libre. Elle fait tourner la tête de bien des garçons autour d'elle, mais elle n'est pas la seule. Eilidh et Lowenna commencent aussi à intéresser les jeunes gens, même si la première tarde à devenir pubère.

Juillet 1755

Ce soir, je suis très inquiète. Kyrian est parti voir Sir Fleming, mais il n'est pas encore rentré. Tobias est avec lui, ainsi que Lorn. Il a convenu avec Kyle qu'il valait mieux que ce dernier reste au château. Ce matin, je suis descendue au village avec Eilidh et nous avons croisé plusieurs soldats anglais, toujours en patrouille. S'ils nous ont saluées avec un respect un peu froid, comme toujours, deux d'entre eux se sont permis des remarques sur Eilidh qui ne m'ont guère plu. Ils ont même cherché à l'entraîner avec eux, m'empêchant de la protéger en me menaçant. La pauvre petite était terrorisée et j'ai bien cru que nous rencontrerions quelques difficultés à rentrer jusque chez nous. Ce sont des soldats arrivés nouvellement d'Angleterre, ils ne nous connaissent pas encore très bien, et j'ai bien compris qu'ils n'étaient que des rustres. Mais s'ils pensent que nos filles sont des filles faciles, il va leur en coûter. Quand nous sommes rentrées à la maison, les hommes étaient encore aux champs, mais Lowenna s'est empressée d'aller chercher son père et ses frères. J'ai consolé Eilidh au mieux, elle ne cessait de trembler en disant qu'elle ne voudrait plus sortir du château. Tobias, en entendant mon récit, était très pâle, mais il est resté calme et a dit à son père qui tournait déjà en rond dans la salle, le regard inquiet, mais le cœur en colère, qu'il fallait aller voir Fleming. C'est pourquoi ils sont partis à trois. Je fais confiance à Tobias et à Lorn pour que Kyrian reste calme et qu'une solution soit trouvée, mais je n'en demeure pas moins inquiète.

Juillet 1755

Kyrian, Lorn et Tobias sont rentrés très tard hier soir, car la discussion avec Walter Fleming fut longue et laborieuse. Il a d'abord refusé de croire que des soldats anglais pouvaient se comporter aussi mal, ce qui me fait me demander si cet homme possède un tant soit peu d'humour quand on voit de quoi l'armée anglaise a été capable sur nos terres. Il a finalement compris qu'il y avait là un risque et a promis d'être vigilant. Il sait très bien que Kyrian ne s'opposera pas à lui de front, que nous ne rebellerons pas, mais il sait aussi qu'il est important de maintenir l'ordre partout dans les Highlands, car une étincelle peut vite allumer un nouveau brasier.

J'ai bien vu dans le regard de Tobias que ce dernier n'entendait pas en rester là, mais j'étais loin d'imaginer ce qu'il allait vouloir faire...

La voiture de Mickaël s'arrêta dans la cour et, quelques instants plus tard, Mummy et Maureen entendirent les enfants rentrer joyeusement dans la maison. Elles allaient devoir abandonner la traduction, ne pourraient reprendre sans doute que le lendemain.

- Maman, Mummy !

- Bonsoir, les enfants ! Tout va bien ?

- Oui !

Les bises claquèrent sur les joues et, déjà, ils repartaient pour se laver les mains et s'installer à table pour le goûter. Mickaël entra dans la cuisine, attrapa un morceau de gâteau, embrassa Maureen, puis repartit après leur avoir souhaité une bonne soirée à tous.

La petite tablée était joyeuse, puis devint vite studieuse le temps des devoirs. Ils allèrent ensuite s'ébattre dans le jardin alors que Mummy épluchait des légumes pour le repas du soir et que Maureen ramassait le linge qu'elle avait pu étendre au-dehors. Elle s'installa ensuite pour faire un peu de repassage, puis passa en cuisine pour aider Mummy.

Le repas se déroula dans une ambiance joyeuse, les enfants racontant leur journée, les jeux et petites histoires qu'ils avaient vécus et partagés avec leurs amis. Après leur coucher, Maureen consulta ses mails et eut le plaisir de recevoir des nouvelles de Lawra qui suivait elle aussi la progression des recherches de son amie et l'interrogeait à nouveau pour en savoir un peu plus. Elle avait aussi reçu un message de Paul MacGuiness les informant que le tartan des MacLeod était désormais répertorié et inscrit officiellement dans le registre national. Il leur envoyait une copie de l'acte d'enregistrement. En revanche, il n'avait pas précisé les conditions dans lesquelles ce tartan pourrait être porté et par qui, puisqu'aucun descendant ne pouvait, pour l'heure, se revendiquer de ce clan et poser les limites de son usage.

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