Chapitre 9 (troisième partie)

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Le lendemain matin, en se levant, Mickaël trouva que sa grand-mère et Maureen avaient un air un peu sombre et il se demanda bien ce qui les avait mises dans cet état. Quand Maureen lui dit qu'elles en avaient terminé avec la traduction du journal et que les derniers mots d'Héloïse étaient très émouvants, il comprit qu'elles avaient toutes les deux comme un petit coup de blues, à l'idée d'avoir achevé tout un pan de leur travail. Ils discutèrent un peu et Mickaël se promit de lire la fin de l'ouvrage. Lui aussi fut touché par les derniers mots d'Héloïse et il se dit que bien des mystères demeuraient encore. La fin du journal ne leur apprenait rien concernant l'arrivée de la malle aux tartans à Fort William. Il s'était attendu à ne rien découvrir quant au décès d'Héloïse, mais il se demandait aussi si, à la date des derniers mots, Kyrian était encore vivant ou pas. La façon dont Héloïse écrivait, son écriture moins assurée que sur les pages précédentes, le froid dont elle parlait, pouvait bien évoquer pour elle le vide qui se serait installé si son époux était décédé précédemment. Cela pourrait aussi expliquer le fait qu'elle n'avait pas écrit durant plusieurs années.

Il se dit alors qu'il leur faudrait se rendre à Inverie, qu'ils y découvriraient peut-être là-bas de nouvelles réponses.

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Fort heureusement, ni Mummy, ni Maureen, n'étaient enclines à la tristesse et, les vacances arrivant, les enfants se trouvant désormais à la maison, elles reprirent bien rapidement le dessus, d'autant que, très vite, Léony arriva par le train pour passer là tout l'été. Puis ce fut au tour de Killian de partir à Dublin. Profitant d'un week-end, John était venu le chercher au bateau, à Glasgow. Maureen s'était rendue quelques jours plus tôt chez Ingrid et Henry avec les trois enfants, et, comme elle se l'était promis, elle avait profité de ce séjour pour rendre une visite au papa d'Henry. Il put ainsi voir ses trois arrière-petits-enfants.

Maureen avait réécrit au professeur MacGuiness pour lui faire part de leurs dernières recherches et lui adresser l'ensemble de la traduction du journal d'Héloïse. Elle envoya également une copie de ce journal à Stanley MacKenzie, les remerciant encore chaleureusement pour toute l'aide qu'ils leur avaient apportée. Le professeur MacGuiness rédigea de son côté un courrier à l'intention des responsables de l'institut de conservation des tartans et ils eurent l'heureuse surprise de recevoir, dans le courant de l'été, un certificat authentifiant les tartans et reconnaissant de ce fait l'existence du clan des MacLeod d'Inverie. Un petit questionnaire y était joint afin qu'ils fassent connaître leur décision quant aux possibilités de porter le tartan, à savoir si cela était réservé uniquement aux membres de la famille, aux membres du clan ou si d'autres personnes, de par le monde, pouvaient aussi le porter. Après en avoir discuté avec ses parents et Véra, Mickaël décida que, pour l'heure, seuls les membres de la famille pourraient le porter. Mais cette décision pourrait être modifiée dans le futur.

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A leur retour de Stirling, Maureen laissa tout un après-midi Ewan et Erin chez Jenn pour se rendre au service des Archives municipales. Aidée par l'archiviste, elle put consulter plusieurs documents et, notamment, des titres de propriétés accordés après la défaite de la rébellion jacobite. Il leur fallut un peu de temps pour trouver l'acte signé entre Tobias, un certain Franck MacDonald et le gouverneur anglais de l'époque, en poste à Fort William, Sir John Clayton. Mais il correspondait bien à ce que Mickaël avait découvert dans le registre à Edimbourg, et portait la date du 22 février 1762. Maureen obtint l'autorisation d'en garder une copie. Mais elle trouva aussi deux actes de vente de moutons, signés par Tobias, l'un datant de 1766, l'autre de 1769, avec les sommes qui lui avaient été remises en échange. Là aussi, elle put conserver une copie.

Elle revint à deux reprises au service des Archives, mais cette fois, pour consulter les actes d'Etat-civil. Elle voulait compléter, si possible, l'arbre généalogique, et notamment obtenir des précisions quant à des dates de mariage ou de naissance et en particulier, pour les épouses. Ces recherches ne furent pas inutiles, car elle trouva ainsi la preuve du décès de la première épouse de Walter, le grand-père de Donan, et de leur enfant. Elle comprit aussi pourquoi il y avait une telle différence d'âge entre Walter et son fils unique, Thomas, le propre père de Donan, et qu'il s'en serait fallu de peu, à cette période, que les terres soient vendues ou qu'elles soient transmises à un gendre. Cela permettait de mieux comprendre pourquoi Donan, qui n'était sans doute pas sans ignorer l'histoire de son propre père, tenait tant aux terres dont il avait hérité.

Elle rangea tous ces documents bien précieusement.

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A la demande insistante des enfants, dans le courant de l'été, Mickaël revêtit un des tartans de Kyrian. Ils se trouvaient tous dans la grande salle. Véra, Jimmy étaient là eux aussi. Les enfants piaffaient d'impatience alors que leur père, leur mère et leur grand-mère se trouvaient à l'étage, les deux femmes pour aider Mickaël à s'habiller. Il lui était déjà arrivé de porter le costume traditionnel, lors de rassemblements ou de fêtes diverses, mais cela faisait au moins deux ans que ce n'était pas arrivé. Cette fois, cependant, l'émotion était bien palpable pour eux tous. Car en revêtant un des tartans de Kyrian, Mickaël faisait aussi renaître ses couleurs.

- Il te va vraiment bien, Mickaël, dit Ingrid en reculant de quelques pas pour regarder son fils, alors qu'il terminait de nouer sa ceinture.

Maureen acquiesça. Elle tenait encore dans les mains le sporran, un des deux trouvés dans la malle, et que Mickaël allait ajouter au costume.

- Il manque juste l'emblème, sur l'épaule, dit-il.

- Certes, mais ce que Maureen a trouvé convient parfaitement, dit Ingrid en plaçant la broche en forme de fleur de chardon.

Il prit alors le sporran des mains de Maureen, le fixa à sa ceinture. Il était prêt. Il se redressa un peu, regarda Maureen. Elle s'approcha de lui, lui prit les mains et le fixa un moment, droit dans les yeux, avant de l'embrasser. Puis ils s'écartèrent l'un de l'autre et tous les trois quittèrent la chambre. Les deux femmes rejoignirent d'abord toute la famille rassemblée et Sam lança :

- Alors ? Le chef de clan se fait attendre...

- J'arrive, Sam !

A ces mots, cinq enfants s'agitèrent, se regroupant un peu plus devant l'entrée de la salle. Les pas de Mickaël dans l'escalier se faisant entendre, on pouvait lire dans leurs yeux l'impatience et la curiosité. Enfin, il apparut à la porte de la salle et fut accueilli par des exclamations de joie :

- Wahou, papa ! s'exclama Ewan.

- T'es trop beau, papa ! dit Erin.

- C'est d'un chic, dit Sam.

- Ca te va vraiment bien, souligna Mummy.

- Je te vois bien aller travailler en cuisine ainsi, dit Henry en remontant ses lunettes sur son nez.

- Mieux ! Tu pourrais remplacer Shirley au service, tu aurais du succès ! lança Véra.

Sam se leva alors, attrapa le couteau de cuisine qui avait servi à couper la tarte aux pommes et s'avança vers Mickaël.

- Bon, c'est pas le tout, mais... Comme qui dirait, ce n'est pas suffisant de porter les couleurs pour faire de toi un chef de clan. Il faut prêter serment ! Moi, Sam, buveur de whisky et ex-fumeur invétéré, je te reconnais, toi, Mickaël, comme étant le chef du clan des Graham MacLeod d'Inverie. Mon couteau sera toujours à ton service. Si je m'en dédis, qu'il se tourne alors contre moi.

Ce petit discours déclencha des éclats de rire, mais les garçons voulurent faire de même. Mickaël déclara :

- Peut-être qu'on pourrait laver le couteau, avant...

- Je pense qu'on assiste quand même à une première, dit Henry. Je n'ai jamais entendu dire qu'on prêtait serment avec une pelle à tarte... Je ne sais pas ce que Kyrian en dirait... Si tu pourras bien attester de ton nouveau titre.

Une des jumelles, Enora, demanda :

- Tata, est-ce que tu vas t'habiller comme Héloïse ?

Maureen sourit en réponse :

- Non, je n'ai pas de robe comme la sienne.

- Il faudrait t'en faire une, maman ! dit Killian. Et on vous prendrait en photo comme Kyrian et Héloïse sont en peinture...

Mickaël sourit de ces idées.

- Bon, dit Mickaël, si vous permettez cependant, je ne vais pas le garder tout l'après-midi, car j'ai chaud avec !

- Laisse-nous prendre quelques photos, au moins ! dit Véra. Pour la postérité...

- Pour la postérité, ce sera le jour du référendum ! dit Sam. Si tu l'acceptes, j'en porterai un aussi et on ira voter ainsi...

- Le référendum n'est pas encore acquis, Sam, dit Jimmy.

- Jimmy a raison, dit Mummy. Mais Sam ayant prêté serment de la plus originale façon qui soit, je ne verrai aucun inconvénient à ce que cela se passe ainsi.

Et Sam adressa un grand sourire en retour à Mummy.

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