Chapitre 31

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Victor était dehors depuis maintenant plusieurs heures dans les rues de la cité endormie de Val Éthéré. Ni le froid ni la fatigue ne l’avaient décidé à rentrer. Il regardait au loin Louise qui s’activait malgré l’heure tardive sur ses plans. Elle n’avait pas voulu lui adresser la parole depuis leur dispute. Et il s’en voulait. Durant chaque seconde, et chaque minute qui passait, il s’en voulait. Il avait tenté en vain de s’excuser, de l’approcher. Mais Louise était têtue, et n’avait pas voulu lui adresser la parole. Alors il restait là. Dehors. Il attentait qu’elle vienne à lui. Qu’elle ressente un manque. Mais pour l’instant, c’était comme s’il ne faisait plus partie de sa vie.


« Tu te fais du mal. »


Victor soupira alors que Florian s’assied à côté de lui. Il savait qu’il n’avait pas tort. Mais il se sentait perdu, sans aucun but. La journée, il effectuait des tâches pour la milice. Il récupérait du bois, réparait des ponts ou bien effectuait des patrouilles. Mais la nuit, il était là à ressasser ses erreurs. Et il ne parvenait plus à dormir. Pas sans elle.


« Je sais que je me fais du mal, répondit Victor. Et je ne peux m’en prendre qu’à moi même. Si seulement j’étais moins con.

— Hum. Louise est têtue, soupira Florian. Si seulement elle écoutait un peu. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais Sybile semble très loquace avec elle ces derniers temps.

— Quelle vipère ! Tu l’as vu aujourd’hui ?

— Non. Je ne sais pas où elle est passée. D’ailleurs, je n’ai toujours pas de nouvelles de Maxime. J’espère que Basile ne l’a pas entraîné…

— j’ignore aussi où se trouve Guillaume. Si seulement cette guerre s’arrêtait.

— Elle ne s’arrêtera pas. Pas maintenant. »


Victor se leva en soupirant. Il fit quelques pas et tapa dans une botte de neige soulevant au passage un peu de poudreuse. Il en avait plus qu'assez. Il était à bout. Avec la fatigue et ses angoisses, il avait du mal à ne pas ressentir une colère permanente.


« Florian, tu penses qu’on peut gagner la guerre ? »


Florian soupira et passa ses mains sur son visage tiré. Il était lui aussi fatigué. Tout comme Victor, il avait participé à de nombreuses missions. Et même si le jeune homme était peu loquace, Victor se doutait qu’il était tout aussi angoissé que lui.


« Je ne sais pas. Je n’ai pas vraiment envie de savoir, je crois. »


Sa réponse installa un lourd silence. Il n’y avait plus aucun bruit autour d’eux. Juste le vent qui par moment venait siffler à leur oreille. Florian avait sans doute raison. Mieux valait ne pas penser à la fin. Ce genre de fin est rarement heureuse. Alors que le silence s’installait un peu plus, un cri perçant vint sortir Victor et Florian de leur rêverie. Victor pouvait reconnaître cette voix parmi mille autres :


« Louise ! »


Victor se retourna pour regarder autour où il l’avait vu un peu plus tôt. Elle n’était plus là. Il se précipita alors vers l’endroit tandis qu’au loin un bruit métallique retendit :


« Un méchanicus ! »


Un méchanicus partait à toute vitesse de Val Éthéré. Victor n’eut pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que Louise avait été enlevée.

Merde ! Pas ça !

Il devait le rattraper vite. Victor perdait déjà de l’avance. Il se dirigea vers son méchanicus, suivi de près de Florian. Ce dernier n’avait malheureusement pas son méchanicus à disposition, alors il se précipita vers celui de Victor pour monter avec lui. Sans perdre un instant, il poussa les commandes et la machine se mit à la poursuite des ravisseurs. Ce dernier avait une longueur d’avance non négligeable, mais heureusement pour Victor, la neige était parfaite pour suivre les traces d’une telle machine. Il remonta alors la piste qui l’emmena dans les épais bois éthérés. Au milieu des arbres, il se fraya un chemin. Son cœur battait à tout rompre, il avait affreusement peur qu’il arrive quelque chose à Louise. Si c’était le cas, il ne se le permettrait jamais.


« Putain, mais il va où comme ça ? Jura Florian. »


Victor se posait aussi la question. Pour autant qu’il sache, rien ne se trouvait ici. Mais en réalité, c’était dur à affirmer. Les bois étaient si denses qu’une grande partie lui était inconnue. La plupart du temps, la milice passait sur les chemins aménagés. Plus le temps passait, plus les traces le conduisaient vers le nord de la forêt. Après quelques dizaines de minutes, ils arrivèrent vers une partie de la forêt plus clairsemée. De nombreux arbres avaient été coupés sans que ce soit l’œuvre de la milice. Ce n’était pas pour déplaire à Victor qui commençait enfin à voir un peu plus clair à travers la forêt. Heureusement pour lui, car il vit deux méchanicus qui arrivaient à vive allure sur lui. Grâce aux phares de sa machine, il vit les couleurs de l’empire.

Ils sont si proches de nous ?

Il avait du mal à croire qu’ils se trouvaient justes ici, à quelques kilomètres de Val Éthéré. Les deux méchanicus foncèrent ensemble sur Victor. Il esquiva d’un pas en arrière sans paniquer une seule seconde. Il était certes seul, mais contrairement à eux, il s’était aguerri au fil des combats. La lame de son méchanicus perça sans difficulté l’habitacle du méchanicus et trancha la machine ainsi que son conducteur. L’autre ennemi hésita un instant envoyant le méchanicus de son acolyte. Son hésitation fut fatale. Victor, lui, n’hésitait pas une seconde. Et sa lame vint lui infliger le même sort que son comparse.

Une fois les deux méchanicus hors service. Victor coupa le moteur de sa machine, et descendit sous le regard surpris de Florian.


« Qu’est ce que tu fais ?

— Si on continue avec le méchanicus, on va se faire repérer. Il faut continuer à pied.

— On va perdre du temps !

— Écoute, reprit Victor, c’est des méchanicus de l’Empire. Je ne serais pas surpris de voir qu’ils sont postés un peu plus loin. Ça m’ennuie autant que toi, mais on doit être prudent. Je doute que l’Empire veuille vraiment lui faire du mal.

— J’espère que tu as raison. »


Florian sortit de l’habitacle à son tour, puis il suivit de près Victor qui s’enfonçait un peu plus dans les bois du nord. Il ne leur fallut que quelques minutes pour tomber sur ce qu’ils cherchaient. Devant eux, la forêt avait laissé place à une immense clairière aménagée par l’Empire. Ils avaient abattu un nombre conséquent d’arbres et ils avaient même creusé la terre. Un immense puits creusé dans la terre de plusieurs centaines de mètres de diamètre. Les bords de cet immense puits étaient placardés de plaque de métal, sans doute pour éviter tout effondrement de terre. Mais au milieu, une étrange structure émergée. Un gigantesque ballon sortait à peine de l’immense puits.


« Qu’est ce que c’est que ce truc, souffla Florian.

— Un zeppelin. L’empire en a construit plusieurs.

— C’est censé faire quoi ?

— Voler. »


Florian lâcha un hoquet de surprise étouffé :


« Tu veux dire qu’ils ont une machine qui vole ? Mais… Ils vont nous détruire. »


Victor n’avait pas un seul instant pensé à cette éventualité. Il se souvenait avoir vu ces engins dans les airs à Eos. Ils n’étaient pas nombreux et pour cause. La construction d’un zeppelin prenait du temps. Mais il offrait un avantage non négligeable à Eos. Il pouvait attaquer des cieux sans craindre de représailles. La guerre allait très vite tourner à leur avantage avec cet engin. Surtout si les méchanicus étaient bloqués sur terre.


« Louise est dedans, je suis sûr, lâcha Victor. Je dois aller dedans.

— Tu n’y penses pas ! C’est gardé ! Tu ne pourras jamais y arriver.

— Écoute, je ne peux pas rester là. Je dois essayer. »


Victor regarda un long moment le puits situé à plusieurs mètres d’eux. De nombreux méchanicus, et hommes d’Eos patrouillaient, et ce malgré l’heure tardive. Mais Victor savait qu’il avait une chance. Il faisait nuit, et même avec les immenses spots de lumières installés dans la clairière, des zones d’ombre demeuraient. Il pouvait se faufiler. Il en était capable. Il regarda de nouveau Florian.


« Je vais y aller seul. Si je ne reviens pas, préviens la milice de ce qui se trame ici.

— Victor… On ferait mieux de rentrer à deux. Je sais qu’il faut sauver Louise, mais là… Je ne le sens pas. Ne fais pas l’idiot.

— Je suis un ancien soldat. Je peux le faire. Avec un peu de chance, je trouverai un moyen de le saboter. Si Eos l’utilise, vous êtes foutus. »


Florian ne semblait clairement pas d’accord avec ce plan. Cependant, il ne protesta pas plus. Il hocha gravement la tête puis il laissa Victor se faufiler dans la clairière. Malgré l’adrénaline et la peur, le jeune homme passait de zone d’ombre en zone d’ombre. Tel un fantôme. Il était invisible aux yeux des impériaux.


Louise, tiens bon. J’arrive.

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