Chapitre 33

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Une fois le méchanicus arrivé vers les habitations des frères Wright, Victor sauta aussitôt de l’habitacle. Il n’avait pas de temps à perdre. Certes, le zeppelin n’allait pas vite, mais à chaque minute qui passait, il gagnait en altitude. Il fallait agir au plus vite, Victor le savait mieux que quiconque. Florian était, quant à lui, complètement perdu. La situation lui échappait complètement. Il n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée qu’un engin pareil puisse exister. Il avait passé le court trajet à harceler de questions Victor qui avait tenté d’apaiser comme il le pouvait ses craintes.


« Tu veux bien me dire à quoi tu penses ? demanda Florian.

— Attends une seconde. »


Comme le supposait Victor, les frères Wright étaient dans le coin, ils étaient encore en train d’essayer de faire un méchanicus volant. Ils s’approchèrent de Victor, tous les deux curieux de savoir pourquoi le jeune homme se trouvait là :


« Hey, commença Oscar, c’est quoi ce foutoir ? »


Il pointa du doigt l’immense zeppelin qui fendait le ciel au-dessus d’eux.


« C’est un engin de l’empire, expliqua Victor, il fonctionne avec du gaz. »


Victor regarda un instant le zeppelin, le temps lui manquait. Et il commençait à doucement paniquer. Là-haut se trouvaient Louise et Guillaume, et il se devait de faire quelque chose. De les sauver avant que les choses n’empirent. Il avait un plan, mais il savait qu’il était complètement fou. Et en même temps, c’était le seul qui était possible dans l’état actuel des choses.


« Oscar, William, reprit Victor, j’ai besoin de votre aide. Louise est là-haut.

— Là-haut ? s’exclama Oscar, mais qu’est-ce qu’elle fabrique là-haut ?

— C’est trop compliqué à expliquer. J’ai besoin d’aller sur cet engin.

— Mais, comment ? demanda William, je veux dire… On n’a jamais réussi à faire voler un truc… »


Victor se hissa de nouveau dans l’habitacle et commença à fouiller dans les nombreuses affaires qui se trouvaient encore à l’intérieur. Il ne répondit pas aux nombreuses questions que lui posaient les frères Wright, leur demandant d’attendre quelques secondes. Il finit par trouver l’objet de ses convoitises. Il tendit alors à Oscar Wright les plans de méchanicus qu’avait commencé à faire Louise. Il les prit dans sa main et commença à les regarder. Ses sourcils se levèrent au fur et à mesure que son regard parcourait les schémas devant lui. Victor n’espérait qu’une seule chose, que ces plans se révèlent exacts :


« Alors, qu’est-ce que tu en penses ? demanda Victor, dis-moi que ça peut marcher. »


Oscar releva son regard pour le poser sur Victor. Il gratta sa longue barbe noire pendant qu’il réfléchissait :


« Ça pourrait. Mais je pense qu’il faut corriger deux ou trois formules. »


Il n’eut pas le temps de continuer que son jeune frère lui avait retiré le plan des plans et le parcourait à son tour, le regard amusé et pétillant :


« Quels idiots nous faisons ! On était sur la mauvaise route depuis le début ! On était tellement perdu à essayer de reproduire les oiseaux que.. Le système de propulsion qu’a ajouté Louise pourrait être la clé ! Avec quelques ajustements. »


Il se tourna vers son frère :


« Oscar, on n’a pas une minute à perdre. »


Victor respirait un peu. Rien n’était fait bien sûr, mais il avait un début de plan. Il passa le reste de la journée à aider comme il le pouvait Oscar et William Wright. C’était une vraie course contre la montre qui s’était engagée. Il fallait au plus vite mettre au point le prototype imaginé par Louise. Heureusement pour eux, grâce aux tests qu’effectués quotidiennement les frères Wright, la plupart des pièces était déjà disponible. Pour gagner du temps, ils utilisèrent le méchanicus de Victor qui possédait déjà un système de propulsion à l’éther. Oscar s’attela à le modifier pour le faire correspondre au plan tandis que son jeune frère modifia les bras du méchanicus.

Au bout de plusieurs heures de durs labeurs, le soleil commençait à faiblir, mais ses quelques rayons persistants éclairés encore le nouveau méchanicus mis au point par leur travail. Comme les précédents méchanicus crées par les frères Wright, il n’avait plus rien à voir avec sa forme d’origine. Ses jambes étaient désormais dotées de roues qui pouvaient se rétracter en dessous de l'habitacle. Quant aux bras, il était aussi bien moins robuste, exit les lames et les coffrages, c’étaient désormais des ailes en fer qui allaient fendre le ciel en deux. Les deux frères contemplèrent leur création puis jetèrent un coup d’œil au plan.


« Je pense que c’est bon, souffla Oscar. Il faut le tester maintenant.

— Ça va marcher ? demanda Victor. »


Oscar haussa les épaules.


« On est jamais sûr de rien. Tu es sûr que tu veux faire ça ? C’est dangereux ! Imagine qu'il lâche dans les airs ?

— Ça ne vous a jamais arrêté, remarqua Victor.

— Notre père passe son temps à nous rappeler qu’on est idiot. Je ne suis pas sûr qu’on soit un bon exemple.

— Qu’importe. Je ne peux pas rester là, je dois essayer.

— Attends Victor, intervint Florian, c’est quoi ton plan une fois là-bas ? Tu ne peux pas te battre avec le méchanicus !

— J’aviserai. »


Il n’avait aucun plan à partir de maintenant. Le plus simple était sans doute de saboter le zeppelin avant qu’il n’atteigne une grande cité. Ensuite, il pourrait peut-être reprendre le méchanicus pour s’enfuir avec Louise et Guillaume.

À supposer qu’ils soient toujours en vie.

Il secoua sa tête. Il ne devait pas penser à ça maintenant. Ce n’était pas le moment de flancher. Il se dirigea vers le méchanicus et remarqua que Florian le suivait :


« Qu’est-ce que tu fais ?

— Je ne veux pas rester à ne rien faire, répondit Florian. Je veux être là pour foutre mon poing dans le visage de Pierre. S’il est responsable de tout ça, il est responsable de tous les morts et ça… »


Florian serra son poing. Victor pouvait aisément comprendre qu’il veuille régler ses comptes avec ses anciens amis. Et il n’y voyait pas d’objections. Il préférait être avec lui plutôt qu'être tout seul là bas. Il hocha alors la tête pour montrer son approbation et monta à l’intérieur du méchanicus. Oscar lui donna les dernières indications pour faire voler l’engin. L’estomac de Victor se retournait dans tous les sens à cause de la peur. Il se voyait déjà exploser en mille morceaux dans les airs.

Fais confiance à Louise.

Il leva les yeux pour regarder le zeppelin qui s’était fortement éloigné de leur position. Elle était là-haut. Il n’avait pas d’autre choix que de faire confiance à ses plans et de foncer en espérant que le méchanicus tienne le coup. Il poussa les manettes à fond et Florian s’accrocha comme il le pouvait à son siège. Un bruit violent se fit entendre derrière, et de l’épaisse fumée verte se dégagea du réacteur arrière. L’ensemble du méchanicus trembla puis il avança dans un grondement assourdissant. Victor avait les mains bien accrochées sur les commandes. Le paysage commença à défiler devant lui à grande vitesse. Sa vision périphérique commença à se troubler. Les objets, et même Florian, commençaient à se déformer en des traits de couleurs informes. Victor avait son regard fixé devant lui. Dans sa tête, les indications d’Oscar retentissaient.

Ensuite quand vous aurez atteint la bonne vitesse, enclenchez ça.

La main de Victor se posa machinalement sur l’autre commande, puis il tira le levier avec sa main droite. L’effort était dur et le levier grinçait avec l’effort. Et voilà ! Le méchanicus quittait le sol. Victor ressentit une étrange sensation dans le ventre au moment où le méchanicus commença à s’envoler vers les nuages. Peu à peu, le paysage devant eux changea, ils l’avaient fait.


« Putain ! Victor, ça marche ! »


Il sentait la main forte de Florian qui lui tapotait l’épaule. Mais il ne broncha pas. Il était encore bien trop tendu et bien trop concentré pour les embrassades. Son regard fixait le zeppelin au loin. Une fois que tout cela sera fini, il s’accorderait une pause. D’ici là, il n’avait pas le droit à l’erreur. De plus, il avait peur que le méchanicus lâche. Si ce dernier lâchait maintenant, c’était fini pour eux. Ils ne seraient plus que des bouts de viandes écrasés et calcinés au milieu de la machine à éther. Il secoua sa tête pour ne plus penser à cette éventualité et se concentrer sur son pilotage. Il ne fallut pas longtemps au méchanicus pour rejoindre le zeppelin. Victor prit un dernier instant pour regarder le paysage qui était à couper le souffle. Ils étaient désormais au-dessus d’un mur de nuage qui s’étendait à perte de vue.



Une secousse le tira de sa dernière rêverie. Il se concentra de nouveau sur ce qui se passait devant lui. Le zeppelin avait remarqué sa venue, et un des canons à bâbord avait fait feu sur eux. Le projectile avait effleuré son aile gauche, tordant une partie de l’aile. Le méchanicus perdit soudain en stabilité et Victor luttait contre les commandes pour le maintenir droit. Il n’avait plus le choix, il tourna les commandes pour forcer un atterrissage sur le pont du zeppelin. Tout se passa très vite, et Victor ne comprit pas vraiment comment il avait réussi une telle manœuvre. L’atterrissage sur le pont fut des compliqués. Le méchanicus s’écrasa presque sur les lattes de métal du zeppelin. Et malgré la secousse, Victor et Florian n’avaient aucune blessure. Victor sauta presque en dehors de l’habitacle, il verrait plus tard pour les dégâts. Il dégaina son revolver et regarda autour de lui. Il savait pertinemment que leur arrivée ne passerait pas inaperçue. Florian sortit lui aussi de l’habitacle avec une arme. Il était beaucoup moins confiant que Victor.

Il regarda autour de lui, personne ne se trouvait sur le pont, tout le monde devait être en dessous pour se protéger des rafales de vent qui balayaient le pont en métal.


« C’est quoi le plan, maintenant ? demanda Florian.

— On trouve Louise, on la sort de là. Et on fait exploser ce machin. »


Victor trouva l’entrée qui permettait d’accéder aux étages inférieurs du vaisseau. Il se dirigea vers elle dans l’espoir de rentrer dans le cuirassé en métal. Soudain, une explosion retentit en dessous d’eux faisant trembler le zeppelin. La déflagration fit tomber au sol Florian et Victor. Ils regardèrent surpris par la situation. Victor prit son arme qui avait glissé par terre et la pointa vers l’entrée, attendant que les ennuis arrivent.


***


Louise lâcha un juron et se mit un peu plus à couvert derrière le pylône en fer qui supportait la structure du zeppelin. Elle vit les coups de feu qui passaient à seulement quelques centimètres de sa couverture. Avec leur évasion et les dégâts qu’ils avaient faits, les hommes de Chamberlain ne s’occupaient plus des consignes de sécurité. En même temps, Louise et Guillaume avaient fait de gros dégâts à leur engin. Louise avait réussi à jouer la comédie. Elle avait feint de s'évanouir et un garde était rentré dans sa cellule. Guillaume ne s'attendait pas à ce qu'elle ait assez de force pour mettre KO un garde. Mais un coup de poing au visage avait été dévastateur. Une fois sortis, ils s'en étaient donné à cœur joie pour saboter le zeppelin. Et ils étaient bien fiers d’eux. Rien de tel que quelques coups de feu bien placé. Guillaume se risqua à jeter un coup d’œil en dehors de sa couverture. Il tira quelques coups de feu qui touchèrent un de leurs assaillants.

Si on m’avait dit que je me battrais à côté de Louise un jour.

Il avait bien cru que la jeune femme allait le tuer. Elle avait feint un malaise pour attirer un garde qui ne s’était pas méfié d’elle. L’instant d’après, il avait été assommé par la jeune femme qui avait récupéré son revolver. À cet instant, Guillaume avait cru sa dernière heure arrivée. Mais elle l’avait épargné et lui avait donné une arme. Et depuis, ils tentaient tous les deux de saboter l’engin pour sauver les Cités.


« Intrus sur le pont ! »


La voix de Chamberlain résonna dans les haut-parleurs du zeppelin. Louise regarda Guillaume, intriguée. Ils n’étaient pas seuls ?


« Victor ! »


Guillaume était persuadé que c’était lui. C’était obligé. Qui d’autre à part lui allait risquer sa vie pour arrêter le zeppelin ?

Je ne sais pas comment il a fait pour arriver jusque-là à nouveau… Mais tant mieux !

Louise semblait partager son soulagement. Elle soupira un coup puis elle sortit un peu de sa cachette pour abattre un autre assaillant. L’entraînement donné par Victor avait porté ses fruits. Guillaume était plus qu’impressionné par Louise.


« Guillaume ! Il faut rejoindre le pont !

— Passe devant, je te couvre ! »


Elle opina du chef et sortit de sa couverture pour se diriger vers les escaliers en métal qui permettait de rejoindre le pont. Guillaume attendit un peu puis lui emboîta le pas. Alors qu’ils montaient tous les deux vers le pont, le regard de Guillaume fut attiré par une pancarte à mi-chemin. C’était par là que se trouvait le centre de commande du zeppelin, là où on pouvait le diriger. Une idée germa dans l’esprit du jeune homme. Chamberlain devait se trouver là-bas :


« Guillaume ! Dépêche ! »


Il leva la tête, et à travers les escaliers en fer, il remarqua le regard de Louise qui l’attendait en haut. Il lui fit non de la tête :


« Chamberlain est par là. Fonce sur le pont. Je te rejoins une fois que j’en ai fini avec lui ».


Il vit dans les yeux de Louise une brève hésitation, mais finalement, elle continua de monter les escaliers restants. Guillaume enfonça la porte d’un coup d’épaule et commença à courir dans le long couloir qui se trouvait derrière. Il était désert, une chance pour lui. Avec les attaques et le sabotage, les hommes de Chamberlain devaient courir partout pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Au bout de quelques secondes, il arriva à la salle de contrôle. Il donna un grand coup de pied dans la porte qui s’ouvrit dans un vacarme assourdissant. Il pointa son arme dans la pièce, mais : rien. Elle était déserte. Un long et pesant silence s’installa ensuite. Guillaume regarda chaque recoin de la pièce sans oser y rentrer. Il n’entendait que son souffle court suite à sa course, et le bruit lointain des combats. Mais son instinct lui intimait de ne pas rentrer à l’intérieur. Il recula d’un pas, son arme toujours pointée devant lui. Au moment où il recula, une lame fine tenta de le trancher. Chamberlain apparut devant Guillaume. Son visage était tiré et fatigué par la guerre. Il grimaça et tendit sa lame vers Guillaume :


« Enfin, je te retrouve lâche.

— Tu vas payer pour Elanor ! »


Guillaume serra la crosse de son arme de plus en plus. Il l’avait enfin devant lui. Il pouvait enfin se venger de lui. Lui faire payer. Il avait du mal à contenir sa rage et son excitation. Il espérait juste que là-haut, les choses se passaient bien, et que Louise était parvenue à rejoindre les intrus. Lui, il allait s’occuper de la tête pensante.

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