Lundi 17 avril Pause déjeuner
La cantine. Comme tous les midis. Ça braille dans tous les sens, les odeurs de bouffe flottent dans l’air, et chaque clan squatte son territoire. Les mecs du foot accaparent leur table comme si c’était un trône, leurs groupies de pom-pom girls papotent pas loin, les rires éclatent, ça s’agite. Rien de nouveau.
Moi, comme d’habitude, je retrouve Fanny. Elle est déjà installée, le nez sur son téléphone.
« Alors ? » que je lui lance en posant mon plateau.
« J’ai presque passé mon niveau sur Legend’s Quest, mais ce boss est une vraie plaie. »
Elle me fait rire. Fanny est à fond dans ses jeux. Son copain Jack ne tarde pas à débarquer. Beau gosse, avec ce petit côté malin qui lui colle bien. Le genre de mec qui pourrait être avec n’importe qui, mais qui a choisi Fanny. Je trouve ça cool.
Moi, les histoires de cœur… bof. J’ai bien eu deux ou trois copains, mais c’était jamais très concluant. Le genre de truc qu’on fait pour voir, et qu’on laisse vite tomber.
Le repas est comme toujours : des pâtes tièdes, une viande vaguement identifiable, mais ça se mange. On papote de tout et de rien, surtout de jeux vidéo parce qu’avec eux, ça revient vite sur le tapis.
En plein milieu du repas, faut que j’aille aux toilettes. Obligé. Je me lève, récupère mon sac — on laisse rien traîner ici — et je file.
Dans les couloirs, c’est calme. Normal, tout le monde est à la cafétéria ou dans les clubs. Ça résonne un peu sous mes pas, et j’ai la tête ailleurs. Je pense à rien de précis, un peu dans ma bulle… et c’est là que je rentre dedans.
Un choc. Je recule d’un pas.
« Oula, ça va ? Rien de cassé ? »
Je relève la tête. Une fille. Elle me tend la main avec un sourire. Je la connais pas. Pourtant elle porte l’uniforme du lycée.
« Ohé ! Coucou la Terre ! Tu m’entends ? »
Je cligne des yeux.
« Euh… Ouais. »
Je prends sa main. Elle me relève d’un coup sec. Plutôt costaud.
« T’es super forte… euh… ? »
« Lia. »
Un prénom que j’ai jamais entendu ici. Je reste un peu con.
« Moi c’est… »
« Élodie, je sais. Seconde quatre. »
Hein ? Comment elle sait ça ? Je lui ai jamais parlé, je l’ai même jamais vue. Bon, en même temps, je connais pas tout le lycée non plus.
Elle me fait un clin d’œil et ajoute :
« Je dois y aller. »
« Attends ! »
Elle s’arrête.
« T’es dans quelle classe ? »
« Seconde deux. »
« Ah… OK. »
Et sans rien dire de plus, elle s’éloigne dans le couloir.
Trop bizarre cette fille. Faudra que je demande à Fanny si elle la connaît.
Je consulte ma montre.
« Merde ! La sonnerie ! »
Et là, c’est panique à bord. Direction le gymnase à fond la caisse. Parce que monsieur Durian, c’est pas le genre à rigoler avec les retardataires. Un ancien commando para ou un truc du genre. Chez lui, si t’es en retard, c’est tout le monde qui paye. On court en rond pendant que toi, t’es planté au milieu à prendre la honte.
Autant dire que je suis déjà en train de courir avant même d’avoir réfléchi.
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