Chap 6
Quatre jours après le meurtre, dès le matin, le lieutenant Zola s'apprêtait à partir au bureau. Assis au volant de sa voiture, il se repassait en mémoire les différents aspects de l'enquête. Le corps d'Alicia, Hugo Malanda qui la harcelait, les lettres « P.H.S. » sur sa joue droite défilaient à tour de rôle dans son esprit. Mais très vite, il fut interrompu par l'appel inattendu de son coéquipier :
— Salut salopard, j'ai une bonne nouvelle, lui annonça-t-il.
— Vas-y, je t'écoute.
— On vient d'arrêter Hugo et tu ne devineras jamais où on l'a choppé.
— Pas besoin, puisque tu vas me le dire.
— Ahaha, très marrant ! lâcha Lokwa avec un ton ironique. Il se trouvait chez sa tante, ignorant complètement qu'elle était surveillée.
— Je vois !
— Et tu sais quoi, il a même eu l'audace de sortir fumer une cigarette à l'extérieur de la parcelle. Cette fois-ci, il ne nous a pas vus venir et on l'a arrêté. Il est actuellement en route vers le bureau.
— De mieux en mieux ! Je devrais y être dans environ une heure. Tu veux bien m'attendre avant de le cuisiner ?
— D'accord, mais ne traîne pas trop.
Aussitôt, il démarra le moteur. Au volant de sa voiture, il roulait paisiblement, en salivant déjà à l'idée d'interroger Hugo. Alors qu'il n'était plus très loin, un chauffard sorti de nulle part et roulant à contresens vint percuter un camion-citerne. L'explosion qui en découla était si forte qu'elle se fit entendre à des kilomètres.
Elle était si intense qu'un gigantesque champignon de feu et de fumée s'y forma, et l'incendie qui en émanait était si grand qu'il créa un embouteillage sans précédent.
Cet incendie infernal, ce nuage de fumée qui se propageait à vue d’œil, en plus de la sensation d'être coincé, lui rappela un événement tragique survenu quelques années plus tôt dont il fut victime.
Une fois encore, Zola revit cette fameuse nuit, coincé avec son ami Jacques dans cette voiture en feu. Il se vit en sortir, se demandant si Jacques était encore en vie. Il avait à peine mis les pieds à l'extérieur que ce dernier reprit soudain ses esprits dans un nuage de fumée, aussi abasourdi qu'il l'était lui-même à son réveil.
*
— Zaïre ! braillait-il en le cherchant du regard. Kof, Kof ! Que… qu'est-ce qui s'est passé ?
— On a été percuté par un camion, dit-il en paniquant. Peux-tu te dégager de là ?
— Non, brailla Jacques. Je crois que ma ceinture est coincée et je n’arrive pas à me libérer.
— Dans ce cas, ne bouge pas, je viens te chercher, mon vieux.
D'un regard circulaire, il rechercha le camion qui les avait percutés, mais ce dernier avait déjà pris la poudre d'escampette. Finalement, il contourna la voiture en se dirigea du côté conducteur :
— Eh merde, kof, kof ! Ça ne s'ouvre toujours pas, murmura Jacques.
— Laisse-moi faire, tu veux ! meugla-t-il, en essayant de le détacher.
Rien à faire, cette ceinture ne voulait pas s'ouvrir. Il était encore en train d'essayer quand l'incendie se répandit sur le tableau de bord de la voiture. La fumée qui s'y propageait était devenue si épaisse qu’on n’y voyait plus rien à l'intérieur.
Toujours aussi secoué par l'accident, Jacques avait malgré tout l'esprit suffisamment clair pour comprendre que la voiture était sur le point d'exploser et qu'il ne lui restait donc que peu de temps pour sortir. Et, vu comment la situation se présentait, il avait un peu de doutes quant à ses chances de survie. Ainsi, dans cette atmosphère chargée de fumée toxique, il rassembla ses dernières forces, le peu d'oxygène qui lui restait afin de dissuader Zaïre de l'aider :
— Écoute-moi, Az, ça s'annonce mal, mon ami, dit-il d'une voix curieusement calme. Tu as une femme et des gosses qui t'attendent à la maison, alors ne t'occupe pas de moi et casse-toi d'ici…
— Mais ferme-la, Jacques, et aide-moi plutôt à trouver un objet tranchant dans la voiture ! Des ciseaux, un couteau…n'importe quoi, beugla-t-il.
À quelques mètres de là, des âmes curieuses qui virent ces hommes en détresse vinrent proposer leur aide :
« Appelez les pompiers… Appelez une ambulance. », pouvaient-ils entendre.
*
Et c'est sous un concerto de klaxons que Zola revint à lui, essoufflé, tachycarde et en sueur. Mais finalement, au bout de deux heures se route, grâce à certains raccourcis, il arriva grincheux au bureau de police. Pressé, il se dirigeait vers la salle d'interrogatoire lorsqu'il aperçut le lieutenant Dimitri, un gars sympa, mais tellement bavard qu'il préféra l'éviter.
Une fois arrivé dans la salle d'interrogation, derrière la vitre, il vit un gaillard d'environ 1,80 m, pesant pas moins de 70kg, qui faisait les cent pas. Il semblait ne pas comprendre ce qu'il foutait là.
D'une démarche fière, il entra dans la pièce, accompagné du lieutenant Lokwa. À peine installé, ce dernier se mit aussitôt à lire le dossier d’Hugo.
— Hugo J. Malanda, né à Lubumbashi, ex-sergent de la police de Kolwezi, arrêté pour conduite en état d'ivresse et possession de drogue pour lesquels il…
Stressé, Hugo ne voulait pas entendre la suite. Il nia rapidement les faits.
— Je ne l'ai pas tué, messieurs.
— Intéressant ! s'exclama le lieutenant Lokwa. Généralement, les suspects attendent qu'on leur présente au moins les preuves avant de clamer haut et fort leur innocence. Mais là, j’avoue que c'est assez… inédit.
— Mais je suis innocent, messieurs, je vous le jure !
— C’est assez marrant comment à chaque fois les suspects racontent la même chose. Je suis innocent, je n’aurais jamais pu la tuer, je n'ai rien fait… Ah, que c'est fatigant de toujours entendre la même histoire encore et encore !
Silencieux depuis le début, Zola décida enfin de prendre la parole. Pour cela, il prit une posture imposante, avant de fixer Hugo dans les yeux.
— M. Malanda, je suis le lieutenant Zaïre Zola. Laissez-moi donc vous expliquer combien vous êtes dans la merde. Primo, Alicia Muya, une chouette fille que tout le monde semblait apprécier, a été tuée chez elle. Et vous, mon vieux, vous êtes l'ex petit copain qui lui a brisé l'avant-bras pendant que vous sortiez encore ensemble, vous êtes le mec jaloux qui vivait mal la séparation au point de la harceler depuis plusieurs semaines. Deusio, vous prétendez être innocent et pourtant, quand on a voulu vous appréhender, il y a quatre jours, vous avez réagi exactement comme le ferait n’importe quel coupable. Malheureusement pour vous, en prenant la fuite, vous avez laisser derrière vous votre voiture. Nous y avons retrouvé la carte d'identité d'Alicia ainsi que ce qui ressemble à l'arme du crime. Un couteau de cuisine ensanglanté, pour être plus précis, et nous savons tous les deux que les analyses confirmeront qu'il s'agit bel et bien du sang d'Alicia. Vous êtes un ancien flic, j’imagine donc que je n’ai nul besoin de vous dire que tout ceci fait de vous le suspect parfait.
Écœuré, Hugo sursauta :
— Comment ça, vous avez retrouvé un couteau ensanglanté dans ma voiture !
— Je parle de ce couteau-là, répondit Zola en lui montrant les photos où on le voyait dans sa voiture.
Une fois encore, Hugo nia les faits :
— Je n'ai jamais vu ce couteau de ma vie, lieutenant, rugit-il.
Le visage serré, le lieutenant Lokwa rétorqua :
— M. Malanda, seriez-vous en train d'insinuer que nous l'avons déposé là ?
— Vous non, mais celui qui essaie de me piéger, oui !
— Mais vous n'avez même pas d'alibi…
— J'ai un alibi ! s'exclama-t-il.
— Vraiment ?
— Oui, lieutenant !
— Dans ce cas, dites-nous où vous étiez le jeudi soir entre vingt et vingt-deux heures.
Hugo se tut, laissant perplexes Zola et Lokwa.
— C'est quand vous voulez, mon vieux, chuchota Zola.
Une fois de plus, Hugo demeura bien silencieux. Finalement, au bout d'une bonne dizaine de secondes de réflexion, le lieutenant Lokwa perdit patience et monta au créneau :
— M. Hugo, dites-nous où vous étiez ?
— J'en sais rien, m'sieur ! cria-t-il. Tout... tout ce dont je me rappelle, c'est d'avoir bu quelques verres dans un bar sur la treizième rue, vers dix-huit heures. Je me souviens y avoir rencontré une jolie fille, une métisse à qui j'ai payé quelques verres. On a ensuite flirté pendant une vingtaine de minutes, et, en fin bref, vous connaissez la chanson.
– Racontez-nous ce qui s'est passé ensuite, appuya le lieutenant Lokwa.
— Alors, voyons voir, ensuite… ensuite, nous sommes partis ensemble. Nous sommes montés dans ma voiture et je lui ai proposé d'aller chez moi, mais elle préférait qu'on ait dans un hôtel pas très loin de là. Je me rappelle avoir payé la chambre et qu'on y soit ensuite montés tous les deux, mais après ça, c'est le trou noir.
— Voilà qui est intéressant ! Vous avez donc un alibi ! Dans ce cas, donnez-nous les coordonnées de cette fameuse femme afin qu’elle puisse confirmer ou infirmer vos dires.
Hugo se tut en recherchant ces informations dans sa mémoire. Sans succès, il était si bourré qu’il ne se souvenait même pas de son nom, en partant bien sûr du principe qu’elle le lui avait donné. La seule chose dont il se souvenait, c’était la petite tâche de naissance qu’elle avait au niveau du menton.
— Je ne me souviens de rien. J’ignore comment elle s’appelle. Je ne me souviens même pas de son visage, bon sang ! paniqua-t-il.
— Calmez-vous, je vous prie ! souffla Zola. Dites-nous ce qui s'est passé ensuite.
— D'ac... d'accord ! Après notre arrivée à l’hôtel, je ne me souviens de rien jusqu'à ce que je me réveille le matin, tout seul dans la chambre avec d'atroces migraines. Mon téléphone était curieusement éteint. Je l'ai donc allumé, et c'est là que je suis tombé sur le message vocal d'un ami à moi m'annonçant la mort d'Alicia. J'ai d'abord cru que c'était une mauvaise blague de sa part, jusqu'à ce que j'entende à la radio que j'étais le suspect numéro un. Je suis un ancien flic et j'ai encore du flair. Compte tenu de mes antécédents avec la police et avec elle, j'ai vite compris que personne ne croirait pas en mon innocence. Voyez-vous, lieutenants, j'avais le profil idéal ; l’ex-flic qui s'est fait arrêter, puis virer de la police pour possession de drogue. J'étais un gars violent pendant qu'on était ensemble – j'étais le suspect idéal que nul ne croirait innocent. Alors je suis vite parti dans ma planque pour récupérer tout ce que je possédais et j'ai pris la route en direction de Matadi, chez mon oncle, espérant que les preuves vous permettraient de retrouver le véritable meurtrier. Et maintenant que vous me dites que l'arme du crime et la carte d'identité d'Alicia ont été retrouvée dans ma voiture, je comprends que quelqu'un m'a piégé et vous, messieurs, vous êtes en train de tomber dans le panneau.
Pendant qu'ils l'interrogeaient, le lieutenant Zola observait minutieusement le suspect : son langage corporel, le ton de sa voix, la transpiration sur son front et ses sautes d'humeur.
Après plusieurs minutes d'observation, il ne détecta aucun signe de mensonge de sa part. La version des faits d’Hugo, bien qu'un peu tirée par les cheveux, sema fortement le doute dans son esprit. Quand il le regardait, il ne voyait que pure sincérité ; alors, il commença à douter de sa culpabilité, explorant d'autres pistes, se posant mille et une questions :
« C'est bien étrange, il me paraît bien sincère, celui-là. Et tout bien réfléchi, cette affaire me paraît beaucoup trop facile. Primo, nous avons retrouvé l'arme du crime dans sa voiture. Mais quel est ce con qui l'aurait gardée en sa possession ? Et s'il était innocent ? Et s’il s'était bel et bien fait piéger ? Mais par qui et pourquoi ? Si ce n'est pas lui, qui ça pourrait être ? Des braqueurs, comme les autres guignols l'avaient suggéré ? Non, je persiste à croire que ce n'est pas ça, trop d'objets de valeur ont été retrouvés dans l'appartement. Un homme habitant dans le même quartier dont elle refusa les avances ? Possible ! Ce mystérieux petit copain ? Tiens donc, c'est quand même étrange qu'il n'ait pas fait signe de vie depuis la mort d'Alicia. Pourquoi se cache-t-il s'il n'a rien à se reprocher ? Tout ceci n'est pas logique. »
Pendant ce temps-là, le lieutenant Lokwa continuait à cuisiner Hugo Malanda. À ce moment-là, c'était lui le méchant flic, un rôle qu'il laissait volontiers à son coéquipier. Tandis qu'il tentait désespérément de lui tirer les vers du nez, Zaïre Zola, lui, continuait à se creuser les méninges. Perdu dans ses pensées, il eut une intuition :
« Un instant, étant donné qu'Hugo Malanda harcelait la victime, qu'il la suivait comme son ombre ; alors peut-être qu'il… un bon jour… dans le plus grand des hasards, il aurait vu Alicia avec ce mystérieux petit copain. » Dans ce cas, peut-être qu'il pourrait nous aider à… »
Le lieutenant Lokwa jacassait encore lorsqu'il remarqua le silence accablant de Zola qui, d'habitude, adorait mener les interrogatoires. D'un discret coup de coude, il l'interrompit dans ses pensées :
— Az, tu es toujours avec nous ?
Zola sursauta
— Bien sûr que oui ! Où veux-tu que je sois ?
Puis, il reprit les rênes comme si de rien n'était :
— Dites-moi, M. Malanda, saviez-vous qu'Alicia avait un nouveau petit copain depuis quelques semaines ?
— Euh...
— Laissez-moi reformuler, s’il vous plaît ! Puisque vous aviez décidé de la suivre comme son ombre, je me dis qu'un beau jour, en la suivant, vous avez bien fini par la voir avec son nouveau mec, n'est-ce pas ?
Hugo fronça ses sourcils.
— Non, lieutenant.
Mais Zola s'aperçut de ce détail :
— Mauvaise idée, mon vieux. C'est une mauvaise idée de me mentir, surtout dans votre position actuelle. Je suis peut-être le seul, et j'insiste sur le mot « peut-être », à croire en votre innocence.
Voilà qui redonna un tant soit peu espoir à Hugo qui désespérait déjà de ne pas être entendu. Lokwa quant à lui, était bien étonné par le retournement de veste de son coéquipier, qui au départ était du même avis que lui sur la culpabilité d’Hugo Malanda.
— Mais qu'est-ce que tu fais, Az ? lui murmura-t-il à l'oreille.
— Fais-moi confiance, marmonna-t-il.
Puis, il rehaussa le ton :
— Excusez-moi, M. Malanda, qu'est-ce que je disais déjà ?
— Que c'est une mauvaise idée de vous mentir puisque vous croyez en mon innocence.
— Tout doux mec, il me semble pourtant avoir entendu « peut-être », commenta Lokwa.
Hugo fixa le lieutenant comme pour lui dire :
« Mais de quoi je me mêle ? » « Taisez-vous, je vous prie ! »
— Je répète ma question : avez-vous pu voir le nouveau petit copain d'Alicia ?
Hugo se gratta la tête :
— Eh bien, lieutenant, pour tout vous dire, je n'ai jamais vu son nouveau copain. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est un homme riche.
— Et comment pouvez-vous le savoir ? rétorqua Lokwa.
— Vous savez, lieutenant, on s'entendait très bien quand on sortait ensemble. Du coup, même lorsqu'elle m'a plaqué parce que j'étais devenu violent, j'ai continué à croire que ce n’était pas fini, qu'elle me reviendrait. J'étais persuadé qu'elle m'aimait toujours.
— Et c'est pour ça que vous la suiviez.
— Exact, lieutenant ! Exact ! Et il y a environ une semaine, alors que je passais par hasard devant son lieu de travail…
— Par hasard, vous dites ? appuya Zola d'un ton sarcastique.
— Euh, disons que je la suivais, encore une fois !
— Et qu'avez-vous vu ? s’obstina Lokwa.
— Je l'ai vu marchant seule vers l'arrêt de bus ; en tout cas, c'est ce que je croyais. J'étais sur le point de lui proposer de monter dans ma bagnole quand elle changea subitement de chemin et se dirigea vers une somptueuse Rolls-Royce Phantom noire garée à quelques mètres de là. Voyez-vous, lieutenant, ce mec est un homme riche, et avant que vous me le demandiez, sachez que j'étais légèrement en colère… bon, j'avoue que j’étais très en colère. Mais en la voyant toute heureuse monter dans cette bagnole, j'ai vite compris qu'elle
avait complètement tourné la page, et qu'il était temps d'en faire autant.
Du coin des lèvres, Zola ne put s'empêcher d'esquisser un rictus satisfait — il venait d'obtenir un indice important par une simple déduction logique. Il n'avait pas fini de nourrir son ego qu'on frappa soudainement à la porte. Tout sourire, comme s'il l'attendait, le lieutenant Lokwa se pressa d'aller ouvrir.
De l'autre côté de la porte, Joyce Hutu de la police scientifique, vêtue d'une blouse blanche comme la neige, lui remit des documents en lui murmurant quelque chose à l'oreille, avant de s'en aller aussi vite qu'elle était venue. En fermant la porte, Lokwa se retourna avec le sourire aux lèvres, ce genre de sourire annonciateur d'une victoire. Il tenait là le rapport de la scientifique qu'il se mit à lire à haute voix :
Rapport scientifique : analyse des preuves dans l'affaire de meurtre d'Alicia Muya.
Introduction :
Dans le cadre de l'enquête sur le meurtre d'Alicia, plusieurs éléments de preuve ont été analysés pour déterminer la culpabilité d'Hugo Malanda. Ce rapport présente les résultats de l'analyse de l'ADN et des empreintes digitales retrouvées sur l'arme du crime, un couteau de cuisine.
1. Analyse de l'ADN retrouvé sur le couteau de cuisine retrouvé dans la voiture d’Hugo Malanda correspond sans équivoque à celui de la victime, Alicia Muya. Cette correspondance confirme que le couteau a été utilisé comme arme du crime.
2. Analyse des empreintes sur l'arme du crime : les empreintes retrouvées sur la manche du couteau correspondent à celle d'Hugo Malanda, ce qui renforce sa culpabilité dans le meurtre.
3. Analyse des empreintes et de l'ADN retrouvés sur les coupes de champagne : Sur la coupe A, les empreintes digitales ainsi que l'ADN retrouvés, correspondent à ceux d'Alicia Muya. Par contre, sur la coupe B, aucune trace d'ADN ou d'empreinte n'a été détectée.
Conclusion :
L'analyse des preuves récoltées sur les lieux du crime et sur la voiture d’Hugo Malanda, permet de conclure que celui-ci est le principal suspect dans le meurtre d'Alicia...
Hélas, ce rapport faisait d’Hugo le meurtrier de la pauvre Alicia.
Écœuré pendant qu'on lui passait les menottes, Hugo Malanda pleurerait en suppliant le lieutenant Zola, le seul disposer à l'écouter, de croire en son innocence :
— Je suis innocent ! C'est un coup monté ! répétait-il.
Mais ce dernier resta sans mot, que pouvait-il faire d'autre ?
Mais une fois qu'il se retrouva seul avec son coéquipier, il lui fit part de ses préoccupations :
— Tu as étrangement l'air content, John.
— C'est parce que je le suis, Az.
— Et pourtant, nous venons peut-être d'envoyer un innocent en prison.
— Dis-moi que tu plaisantes ! Tous les faits indiquent pourtant que c'est lui l'assassin. Il maltraitait et harcelait la victime, il n'a pas d'alibi, il a pris la fuite la première fois qu'on a essayé de l'arrêter, nous avons retrouvé l'arme du crime dans sa bagnole et je ne te parles même pas du résultat du labo qui est sans appel. Que faut-il de plus pour que tu sois convaincu ?
— C'est justement ça le problème, John, c'était beaucoup trop facile. Dis-moi, c'est quand la dernière fois qu'on a arrêté un suspect aussi facilement, hein ?
L’air pensif, il trouva assez vite :
— Ça remonte à plus d'un an. Comment s'appelait ce débile déjà ? Michel Wetshi, rigola-t-il.
— Ouais, c'est ça, Michel Wetshi. Ce petit con avait usé de sa propre voiture pour renverser sa femme afin de toucher l'assurance vie qu'elle avait. Mais qu'est-ce qu'il était con, ce mec, conclut-il en tapotant son front. Mais, vois-tu, Hugo Malanda n'a rien d'un débile, c'est un ex-flic.
— Oui, et alors ?
— Il connaît la musique. Il sait comment sont menées les enquêtes. Pourquoi aurait-il gardé l'arme du crime dans sa voiture alors qu'il avait largement le temps de s'en débarrasser ?
Par cette interrogation qui n’avait même pas effleuré son esprit, Lokwa vit sa conviction ébranlée et n'était plus si sûr de la culpabilité d’Hugo Malanda. Mais sa fierté, elle, était trop grande pour qu'il l'admette :
— En effet, vu sous cet angle, j'avoue que c'est très étrange… Et puis merde, cela ne change rien aux faits et les faits prouvent que c'est lui le meurtrier, point barre ! De toutes façons, l'enquête est bouclée et c'est maintenant à la justice de prendre le relais. S'il est innocent, comme tu le dis, je ne doute pas qu'il sera libéré, mais, dans le cas contraire, ça sera la prison. Le vin est déjà tiré, Az, il faut le boire. À ta santé, mon vieux !
— Je ne sais pas pourquoi, mais il... il m'a paru sincère.
— Alors, on va dire que c'est un excellent menteur. Tu t'en bales un peu trop à mon avis. C'est juste un cas classique du meurtrier qui se victimise, comme on en voit tous les jours.
— Tu as peut-être raison.
En silence, le lieutenant Zola se leva, prit ses clefs et se dirigea vers la sortie, laissant derrière lui un Lokwa perplexe.
Il le connaissait tellement bien qu'il avait une idée de ce qu'il comptait faire :
— Je peux savoir où tu comptes aller ?
— Bah... !
— Laisse-moi deviner, tu t'en vas remuer ciel et terre pour trouver une preuve qui innocenterait Hugo, n'est-ce pas ?
— En effet, John, répondit-il l’air peu enthousiaste. Vu qu'il nous a donné son alibi, la moindre des choses serait d'aller vérifier, tu ne crois pas ?
Lokwa resta planté là, méditant ce qu'il devait faire. Il avait donc le choix entre demeurer dans sa position ou l'aider à innocenter Hugo Malanda. Bien qu'il croyait toujours en la culpabilité de ce dernier, il avait une confiance quasi aveugle en l'instinct légendaire de Zola. Et c’est ainsi qu’il lui proposa donc son aide :
« Peut-être qu’on trouvera quelque chose, qui sait ? » « De toute façon, plus vite on ne trouvera rien, plus vite on tournera cette page », songea-t-il.
Ainsi, Zola et Lokwa se séparèrent. Zaïre Zola parti dans l'immeuble où résidait Hugo Malanda, cherchant la moindre
personne qui confirmerait son alibi. Hélas, seul le gérant se souvenait de lui et les informations fournies par celui-ci étaient loin d'être plaisantes. Hugo lui avait bel et bien loué une chambre vers dix-neuf heures en compagnie d'une femme qui portait des lunettes de soleil et un chapeau bob – comme si elle voulait éviter d'être vue, ça c'était la bonne nouvelle.
Mais ayant pour coutume de regarder son feuilleton préféré à la télé pendant ses heures de travail et de somnoler par moments, il ne pouvait malheureusement pas confirmer qu’Hugo avait passé toute la soirée dans sa chambre, ça c'était la mauvaise nouvelle.
Le témoignage du gérant, ainsi que la proximité de l’hôtel avec la résidence d'Alicia n'aidant en rien les intérêts d'Hugo ; Zola en ressortit énervé. Pour se calmer, il appela pressamment Lokwa, qui était parti enquêter dans ce fameux bar cité par Hugo lors de son interrogatoire. Il espérait ainsi que lui, au moins, aurait trouvé matière à débattre :
— Dis-moi que tu as trouvé quelque chose, mon vieux.
— Affirmatif.
Zola était tellement content qu'il sursauta et voulut illico en
savoir plus :
— Qu'est-ce... qu'as-tu découvert exactement ?
— Qu’Hugo ne nous a pas complètement menti en fin de compte, puisque le barman confirme l'avoir vu dans le bar. Il l'aurait vu partir aux alentours de dix-huit heures avec, je cite : « une bombe brune vêtue d'une jupette en cuir » dont il n'a malheureusement pas vu le visage. Ce qui confirme ce qu'il nous a dit, mais…
— Mais cela ne nous avance en rien. Où était-il entre le moment où il a quitté le bar et l'heure du meurtre ? Telle est la question.
— Exact, et la seule personne qui puisse y répondre, c'est cette fille. C'est la seule qui peut confirmer s'ils ont réellement passé toute la soirée ensemble, elle est son alibi. Tiens, en parlant d'alibi, qu'as-tu trouvé de ton côté ?
Déçu, Zola se contenta de gratter la barbe.
— Qu'as-tu trouvé ? insista Lokwa.
— Rien.
— Comment, ça rien ! Le barman dit qu'il est reparti avec une bombe. Tu m'entends, Az, une bombe ! Ces genres de filles ne passent jamais inaperçues. Quelqu'un l'a forcément remarquée à un moment donné.
— Euh... !
— Et que veut dire ce « euh ? »
— Eh bien, disons que cet immeuble est… comment dire… peu recommandable.
— Je... je ne suis pas sûr de comprendre, là.
— Tu sais bien, John, le genre d'immeuble fréquenté par des hommes qui, dans le but d'assouvir certains besoins, ramènent des prostituées dans leurs chambres, avec la bénédiction du propriétaire, bien sûr. Vois-tu, John, des jolies filles, ce n'est pas ce qui manque ici.
— Alors, petit génie, on fait quoi maintenant ? On n’a rien, mon vieux.
Zola resta là sans savoir quoi dire, même lui était un peu dépassé.
— Tu es là, Az ? s'acharna Lokwa.
— Rentre chez toi, John, on arrête là.

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