Chapitre 1-3

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Peut-être serait-il mieux de simplement renoncer. Ceux qui sont responsables de mes malheurs sont trop forts pour que je puisse faire quoi que ce soit face à eux. Contre les brigands, je ne peux rien, car je ne suis pas capable de me battre. Contre les dieux, je suis encore plus impuissante. À quoi bon mener une telle vie ? À quoi bon vivre, si plus rien ne m’anime ? si ma vie n’a davantage de sens que celle d’un galet ? À quoi bon fournir l’effort même de respirer, si personne ne m’aime assez que pour s’en soucier ? Autant ne plus lutter. Autant laisser les dieux reprendre cette maudite vie. La mort doit être plus profitable que ce qui m’a été donné en ce monde.

Elaena cessa de penser, car même cela lui semblait futile à présent. Elle n’était plus qu’un corps trempé, flottant sur un lac durant une nuit sombre. On aurait pu croire à un cadavre — peut-être était-ce déjà le cas.

Mais l’esprit lui revint lorsque sa main rencontra une surface froide et rugueuse. Elle ouvrit les yeux. Elle ne pouvait deviner combien de temps ils étaient restés fermés, mais elle remarqua que la lumière de la Lune, désormais dégagée de ses nuages, les faisait souffrir.

Les vagues l’avaient guidée jusqu’au centre du lac. Ici, au pied du mur d’enceinte de l’Académie, l’eau était étrangement calme. Suis-je dans un rêve ? Mais le sang qui ruissela devant ses yeux, brouillant sa vision, lui assura que ceci était hélas bien réel.

Elaena demeura un instant immobile, ne sachant que faire. Enfin, elle rassembla toutes les forces qu’il lui restait et agrippa aussi fort qu’elle le put la tour de pierre qui s’élevait devant elle. Sans même en guetter le sommet pour évaluer l’ampleur de la tâche qui l’attendait, elle s’y accrocha davantage encore et entreprit de l’escalader.

Elle ne ressentait rien. Pas une émotion. Ni détermination, ni lassitude. Elle assistait à son ascension comme s’il s’agissait de celle de quelqu’un d’autre. Elle ignorait pourquoi elle se donnait tant de mal. Elle aurait simplement pu se laisser aller au gré des vagues, jusqu’à ce que le souffle l’abandonne. Mais elle avait préféré escalader ce mur. Pourquoi refuser de voir la vérité en face ? Plus rien ne lui permettrait jamais de mener la vie dont elle avait rêvé, étant petite.

Alors pourquoi m’attacher à ce plan stupide ? Pourquoi persévérer ? Malgré les doutes, elle n’abandonnait pas. Elle n’avait pas l’impression de faiblir, alors qu’elle était épuisée. Alors que ses mains et ses pieds nus étaient couverts d’éraflures. Alors que le sang de son front glissait le long de ses yeux et de ses vêtements. Elle ignorait pourquoi, mais elle n’abandonnait pas. Elle n’abandonnerait pas. Quelle que puisse être sa raison d’être, quoi que les dieux aient prévu pour elle, Elaena ne se laisserait pas faire. Les dieux ? Qu’ils se montrent, ces demeurés ! Je les attends de pied ferme.

Ce fut sans doute cette détermination nouvelle qui la tira au sommet de la muraille qui encerclait l’Académie militaire d’Azur. À moins que ce ne fût le garde qui faisait là sa ronde, et qui la maintenait à présent au sol, le pied solidement ancré sur sa poitrine et la lance aiguisée logée contre sa gorge.

Je sens que plusieurs mains m’agrippent. On m’attrape les bras et le dos, on me lève et on me tire vers l’avant. Mes jambes sont si faibles qu’elles ne peuvent que se laisser trainer contre le sol. Quelqu’un me dit d’avancer. Je pense qu’il hurle. Je n’ai pas la force de résister. Je ne sais pas où ils m’emmènent. Malgré mes efforts, mes paupières refusent de se tenir ouvertes.

J’ignore combien de temps s’écoule. Je suis allongée sur un lit inconfortable. J’entends des voix. Plusieurs : une femme, des hommes. Je ne comprends pas ce qu’ils disent. Je suppose qu’ils parlent de moi. De ce qu’ils vont faire de moi. Dans quelle prison ils vont me jeter. Pourtant… tout ici est agréable. Les draps sont doux. Je n’ai pas froid. Je suis couverte de chaleur, libérée de l’étreinte glaciale de l’eau. Et de… mes gants. Où sont mes gants ? Non, je ne peux pas… La malédiction va surgir si rien ne l’en empêche ! Je dois absolument les retrouver, j’ignore combien de temps je peux retenir la foudre. Mais comment faire ? Je suis si faible, et… elle aussi.

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