Chapitre 1-4
— Nous devons l’interroger, tonna le grand soldat.
— Elle est encore trop faible, rétorqua l’infirmière. Elle doit se reposer.
Cet homme est réellement un impatient. Un impatient grossier, qui plus est. Voici cinq ou six fois que je lui répète que la petite a besoin de plusieurs jours de repos. Il lui cède finalement quelques heures à peine : dès l’aube, elle sera emmenée. Me voici engagée dans une course contre-la-montre. Je dois très vite la remettre sur pieds, sans quoi elle sera incapable de tenir ferme face à la garde.
Car elle doit en être capable. Elle est coriace, malgré son apparence frêle : face aux courants du lac, n’importe qui aurait renoncé. Et celui qui s’y serait tout de même risqué y aurait sans doute laissé la vie. Mais elle s’en est relativement bien sortie : hormis la profonde plaie sur son front, elle se porte globalement bien. Difficile cependant de ne pas remarquer l’impressionnante quantité de blessures superficielles qui la recouvrent. Tout ceci ne peut pas venir uniquement de son escalade, elle doit avoir traversé bien d’autres épreuves avant de parvenir jusqu’ici. La pauvre petite n’est pas au bout de ses peines.
Voici qu’elle s’agite. Elle doit penser à ce qui lui arrivera une fois remise sur pieds. Entrer clandestinement dans l’Académie d’Azur n’est pas un acte dénué de conséquences. Je la rassure avec quelques mots doux, mais cela ne semble pas suffisant. Elle garde les poings serrés et balaie frénétiquement la pièce d’un regard apeuré. Elle a vécu assez de péripéties pour cette nuit. Je la force à boire une potion qui devrait lui permettre de dormir jusqu’au lever du soleil. Elle en aura besoin pour affronter la garde.
— Ça va, là-dedans ? s’enquit l’un des soldats postés devant l’infirmerie.
— Tout va bien, lui répondit-on.
Tout de même, quelle gamine… se disait-il. Traverser le lac malgré les courants, et à cette heure de la nuit… Avant d’escalader d’un coup le mur d’enceinte ! J’ignore qui elle est, mais quelque chose me dit qu’on va entendre parler d’elle, ces temps-ci. Il rit doucement. N’empêche… pour tenter pareille aventure, il faut être fou, ou bien beaucoup trop déterminé. Dans les deux cas, je suis curieux de connaitre ses motivations. Vivement demain, que le chef s’occupe d’elle.
Directeur Kellor, la garde de nuit a intercepté un individu suspect alors qu’il tentait de pénétrer illégalement dans l’enceinte de l’Académie. Il s’agit d’une jeune fille de treize ou quatorze ans. Son origine est inconnue. Elle prétend agir suite à un refus qu’elle aurait reçu à l’entrée principale. Impossible d’obtenir davantage d’informations de sa part, elle réclame à rencontrer un responsable plus qualifié. Nous la gardons actuellement dans nos cellules. Nous sommes prêts à employer une méthode plus radicale pour la faire parler. Nous attendons vos ordres.
Le directeur Kellor posa le rapport de la garde sur son bureau. Décidément, cet endroit me réservera toujours des surprises ! Amusé de la loufoquerie de la situation qui se présentait à lui, il se mit à rire aux éclats. Une fois calmé, il fit entrer l’un des gardes qui étaient postés devant sa porte.
— Faites donc venir cette gamine, celle qui a été prise en train d’entrer dans l’Académie sans permission.
La journée promettait d’être plus amusante qu’il ne l’avait prévu.
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