Chapitre 3-4

3 minutes de lecture

Nahel quitta précipitamment l’arène d’entraînement de l’Académie alors que plus aucun novice ne s’y trouvait encore. Tout ceci m’a mis en retard. Il me manquait plus que cela ! Son pas, habituellement calme et mesuré, était devenu rapide et agressif, davantage par mécontentement que par nécessité. Voici que je suis perçu comme un élève violent et impulsif, identifié à ceux qu’il faut tenir à l’œil… Son visage se plissa sous le coup de l’indignation. Tout ceci à cause de cette fille, incapable de seulement se montrer un tant soit peu reconnaissante…

Qu’en aurait dit mon père ? Tu aurais dû garder le contrôle de tes gestes, Nahel. Ce n’est point digne des Karon, Nahel. Tu nous fais honte, Nahel.

Cette fois, il ne parvint pas à retenir les muscles de ses doigts, qui se crispèrent violemment sur eux-mêmes. Lorsqu’il était encore trop jeune pour intégrer l’Académie d’Azur, il ne quittait quasiment jamais le domaine des Karon. Son père, prestigieux général de l’armée de Saphir, lui enseignait tout son savoir et lui inculquait, de gré ou de force, les valeurs de sa famille.

Quel digne héritier en suis-je devenu… Incapable de faire la part des choses entre ceux qui méritent qu’on les défende, et ceux qui devraient plutôt être abandonnés à leur sort. S’il était encore de ce monde…

Le flux de ses pensées fut aussitôt interrompu. Alors qu’il traversait la grande cour de l’Académie, il aperçut, à quelques pas de là, une novice d’un âge similaire au sien. La chevelure sombre, d’un noir duquel la lumière du soleil pouvait extraire une brillance étonnante, ne lui laissa pas le moindre doute.

C’est elle, bon sang ! C’est la peau de vache qui m’a abandonné à mon sort ! La foulée de Nahel se fit plus rapide encore : soudain tous les enseignements de son père — retenue, politesse, calme et sérénité —, tout cela disparut de son esprit. Lorsqu’il fut parvenu à sa hauteur, sa main se jeta sur elle pour l’agripper fermement par le bras ; mais elle se libéra brusquement de son emprise et, sans même interrompre sa course pour lui faire face, elle poursuivit sa route.

— Je t’en prie, lança le garçon, terriblement agacé par son comportement, ce fut un réel plaisir de prendre ta défense… !

Sans toutefois daigner lui adresser un regard, la jeune fille abandonna finalement son éternel silence.

— Qu’attends-tu, que je te remercie ? Je ne t’ai rien demandé.

— Ce garçon te manquait de respect, et il allait te massacrer. Je l’en ai empêché !

Dans une halte brutale, la novice se tourna subitement dans sa direction. L’expression de ses traits paraissait si dure, si impitoyable, que Nahel se sentit malgré lui rétrécir. Il aurait pu s’attendre à voir ce visage se changer en un monstre épouvantable, dont le charisme étonnant contrebalançait bien plus que nécessaire une apparence physique quelque peu moins imposante.

— Me massacrer, dis-tu ? Et pourquoi cela ? Parce que je suis une fille faiblarde, seulement bonne à me faire tuer, tel un veau à peine vêlé ?

Le ton de sa voix ne laissait place à aucune objection. Mais, incapable de raisonner de manière objective, Nahel s’y risqua tout de même.

— Pourtant… tu ne semblais pas décidée à lui tenir tête, il allait…

— J’ai évité les emmerdes, le coupa-t-elle sèchement, pendant que tu t’y jetais la tête la première. C’est toi, le perdant, et c’est uniquement de ta faute. Alors, tu n’as pas le droit de venir pleurnicher comme un gamin.

Sans laisser place à la moindre riposte, la jeune fille reprit sa course d’un pas plus franc encore que celui dont Nahel avait été animé plus tôt, comme saisie par l’agacement qui avait alors été le sien. Resté seul au centre de la grande cour de l’Académie, où il demeura immobile durant plusieurs minutes, il se sentait totalement désorienté.

Quelle est cette force ? Quelle est cette détermination ? Quelle est cette résilience ? Mais une question le hantait davantage que les autres, une question dont Nahel était bien décidé à découvrir la réponse.

Qui est-elle ?



Pour qui se prend-il ? Attendait-il réellement que je le remercie ? que je me prosterne devant lui, comme s’il m’avait tiré d’un terrible sort ? Tout ce qu’il est parvenu à faire, c’est envenimer la situation. Cet idiot est persuadé d’être au-delà de tout le monde, d’être le centre de tout… Mais, pourtant, c’est chacun pour soi. S’il se fait remarquer, ce n’est que son problème, en aucun cas le mien.

Et désormais, je ne perdrai plus mon temps en lui adressant la parole.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Quentin-opnyx ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0