Que fait-elle donc ?

Nahel patientait depuis de longues et terrifiantes minutes. Elle est en retard. J’espère qu’il ne lui est pas arrivé malheur. Je savais qu’il n’était pas judicieux de nous séparer ! Comment pourrais-je retrouver sa trace, si elle ne revenait pas ? Il était pourtant bien conscient que, dans ce genre de missions, le talent d’Elaena était sans égal ; même dans le cas où les choses ne tourneraient pas en son avantage, elle avait plus d’un tour dans son sac et pourrait aisément s’en tirer sans la moindre assistance. Elle l’a déjà tant fait.

— Nahel, tu es là.

Le garçon sursauta. Elle est vraiment indétectable, c’est impressionnant. Elle ne fait pas le moindre bruit et semble se déplacer sans remuer l’air qu’elle traverse.

— Elaena, te voilà enfin ! Tu vas bien ? Je commençais à m’inquiéter.

— Tu t’inquiètes pour moi ? lui dit-elle en un regard amusé accompagné d’un demi-sourire. C’est touchant.

Nahel rougit malgré lui et détourna les yeux.

— Qu’as-tu appris ? s’enquit-il dans l’espoir de faire virer la conversation.

— Rien d’intéressant. Si ce n’est qu’il est préférable de prendre soin de son déguisement.

— Que t’est-il arrivé ?

— Une petite embuscade, expliqua-t-elle sur un air indifférent. J’ai sans doute tranché quelques doigts avant de m’éclipser. Et de ton côté, qu’as-tu trouvé ?

— Rien de plus, malheureusement. Personne ne possède la moindre information. (Il soupira.) Désolé, Elaena.

— Ce n’est rien. Nous finirons bien par trouver quelque chose. Si ce n’est pas dans cette maudite ville, ce sera ailleurs.

Moi non plus, je n’abandonnerai pas.

Sans plus de bavardages, Elaena se mit en route en direction de l’Académie, Nahel sur ses talons.

Non, je ne t’abandonnerai pas, Elaena. Tout ceci représente bien trop pour toi. Cela représente ta raison d’être, ton combat, ce pour quoi tu persévères avec tant d’énergie et de détermination. Ce pour quoi tu t’entraines si dur, ce pour quoi tu évolues si rapidement.

Au cours des deux années qui venaient de s’écouler, Nahel avait observé chez son amie de profonds changements, tant physiques que mentaux. Elle est bien plus forte qu’il y a deux ans. Physiquement, bien sûr : l’entrainement de l’Académie l’a considérablement endurcie, autant qu’il a développé ses muscles. Mentalement, aussi : depuis que je l’ai rencontrée, jamais je ne l’avais vue si déterminée, si impatiente de trouver des réponses. Si vivante.

J’espère aussi ardemment qu’elle le fait que ce mystère pourra être résolu rapidement. Cela fait bien trop longtemps qu’elle vit dans l’ignorance. Qu’elle nourrit une colère aveugle, incapable de s’adresser à qui que ce soit, si ce n’est aux rois et aux dieux. Au monde entier.

Il est grand temps que cela cesse. Il est grand temps qu’Elaena découvre enfin la vérité à propos de cet écusson, à propos des assassins de son père. Peu importe s’ils sont des rois ou des dieux. Peu importe s’il nous est impossible d’obtenir vengeance. La vengeance importe peu : ce dont Elaena a besoin, bien qu’elle refuse de l’admettre, c’est de réponses. Rien de plus.

Lorsqu’elle sera enfin en mesure de comprendre ce qui lui est arrivé, à Lanelle, alors j’espère qu’elle pourra dormir en paix et aller de l’avant. Et si elle refuse de s’en contenter et que la vengeance lui semble inéluctable…

Alors je l’aiderai à l’assouvir.

Mais jamais je ne la laisserai se détruire.