Chapitre 6-1

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— Par quelle diablerie nous sommes-nous retrouvés ici ?

— On s’est fait avoir comme des crétins.

Nahel l’observa un instant, incrédule.

— J’ai parlé à haute voix ?

— Nous avons baissé notre garde trop longtemps, continua Elaena sans se soucier de la remarque de son ami. Nous avons été déconcentrés par cette si singulière plaine qui n’en reste pas moins qu’une vulgaire plaine. Nous avons observé cette vulgaire plaine avec tant d’intérêt, avec tant d’attention, que nous n’avons pas pu entendre ni voir les cavaliers armés jusqu’aux dents qui nous fonçaient droit dessus depuis, ne l’oublions pas, une plaine vide d’absolument toutes formes de construction ou de végétation ; autrement dit, vide de tout obstacle qui aurait pu permettre à ces cavaliers de se soustraire à notre vue durant, je dirais, à peu près, au moins une demi-heure. C’est à se demander si, depuis le début, notre intention n’était pas de nous faire attraper comme les imbéciles que nous sommes !

Nahel aurait pouffé, au moins aurait-il soufflé du nez ou laissé échapper un sourire, si Elaena n’avait pas été visiblement très remontée par la situation dans laquelle ils se trouvaient — et si elle n’avait pas eu, en réalité, quelque peu raison. Enfermés dans cette pièce sans fenêtre, sans doute surveillés par un grand nombre de gardes, sans la moindre information par rapport à ce qu’il se trame.

Cette fois, Nahel sourit réellement. Nous avons vu pire.

— Au moins, dit-il lorsqu’Elaena sembla s’être apaisée, ces cavaliers n’étaient-ils pas les hommes qui se sont introduits à l’Académie.

Elaena ne lui répondit que d’un monosyllabe apathique.

— Au moins, reprit-il, sommes-nous parvenus à notre destination, quand bien même cela n’aurait pas été de notre fait.

Un autre monosyllabe ; cette fois bien plus énergique.

— Et comment peux-tu en être si certain ? s’exclama-t-elle. Qui te dit que nous ne sommes pas au cœur d’une quelconque forteresse militaire, sur le point d’être reconduits de force à l’Académie ?

Il est pourtant évident, se dit-il, que ce lieu n’a rien d’une banale place forte ! Comment ne pas remarquer ce luxe, un luxe d’autant plus flagrant qu’il en est tout à la fois austère et froid ? Un luxe encadré de forces armées si particulièrement équipées, disciplinées, présentes en si grand nombre au détour de chaque couloir, dans l’encadrement de chaque fenêtre, au cœur de chacune des si nombreuses meurtrières ? Ce lieu ferait pâlir n’importe quelle forteresse, en premier lieu celle de l’Académie ! Ce lieu pourrait résister aux charges les plus violentes, aux sièges les plus pénibles, aux attaques les plus féroces ! J’ai eu l’occasion de visiter, au cours de ma courte vie, un grand nombre de places fortes, de forteresses de campagne, de tours de surveillance. Aucun de ces édifices, pas le moindre !, ne pouvait prétendre à de si solides fondations, à de si robustes pierres, à de si imprenables défenses. Aucun, serais-je prêt à parier, dans l’entièreté des Terres de Saphir, aucun édifice ni aucun lieu de quelque sorte que ce soit n’est plus robuste que celui-ci.

Nahel sourit, comme pour lui-même.

Aucun doute n’est possible : la si fameuse Forteresse d’Argent, résidence principale de notre roi, se trouve ici même.

— Je le sens, dit-il simplement.



Un enthousiasme si intense, une joie si grande de la part de son compagnon, quand bien même aurait-il tenté de les garder pour ses seules pensées, ne pouvaient échapper à des yeux aussi attentifs que ceux d’Elaena. Elle savait que Nahel était persuadé qu’il disait juste, et elle avait sincèrement envie de le suivre ; pourtant elle ne parvenait pas à s’en laisser convaincre. Ce lieu ne lui inspirait guère confiance, bien qu’elle ne fut pas capable de comprendre la raison de ce sentiment. Était-ce la pièce dans laquelle ils avaient été conduits, dépourvue de fenêtre et vide de tout élément de mobilier qui y aurait pourtant trouvé une juste place ? Ou était-ce le fait qu’ils aient été dépossédés de leurs armes, y compris de celles qu’ils dissimulaient pourtant si subtilement dans leurs bottes ou sous leurs tuniques ? Ou bien était-ce encore le cruel manque d’informations auquel ils étaient soumis depuis leur arrivée ?

Si nous étions bien à la Forteresse d’Argent, se dit-elle, nous aurions déjà dû être interrogés, tout du moins reçus par le chef de la garde, que sais-je. Personne n’est encore venu nous voir. Où sommes-nous donc ?

Aussitôt qu’elle eut achevé de formuler ces pensées, comme s’ils avaient patienté tout ce temps en vue de lui donner tort, retentirent trois coups nets et assurés ; et immédiatement la porte s’ouvrit en grand, laissant entrer un homme richement vêtu qui s’inclina avec une certaine élégance.

— Mademoiselle Elaena Syana, articula-t-il en tournant vers elle un regard particulièrement courtois, Sa Majesté Laciel va voir recevoir. Veuillez me suivre, je vous prie.

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